Le narrateur entre à présent dans une phase de rêve. Il rêve de s’évader. Il s’imagine hors de la prison dans le port du Havre pour embarquer vers l’Angleterre. Son rêve est brutalement interrompu par la pensée de sa condamnation à mort, qui revient sans cesse.
Le narrateur n’a pas vu le temps passer en écrivant et la cloche sonne six heures du matin. Le guichetier entre dans son cachot et lui demande avec une grande gentillesse, qui lui semble suspecte, ce qu’il souhaite déjeuner. Le narrateur se demande si son exécution approche.
Le directeur de la prison lui rend visite à son tour. Il se montre doux et serviable. Il lui demande s’il peut lui être utile et lui demande implicitement de ne pas se plaindre du personnel de la prison et de lui-même. Le narrateur pense que son heure est venue.
Pris d’une nouvelle crise de panique, le narrateur imagine la prison comme une espèce de monstre hybride : moitié humain, moitié objet qui le torture et veut le tuer. Pour lui, le directeur et les guichetiers sont la personnification de la prison.
Le prisonnier reçoit deux visites consécutives. La première est celle d’un prêtre. Ce dernier lui demande s’il est prêt pour ce qui l’attend. Cette question donne des vertiges et des sueurs froides au prisonnier. La seconde visite est celle d’un huissier de la cour royale qui lui apprend que le pourvoi en cassation est rejeté et que l’exécution aura lieu le jour même, place de Grève. Il reviendra le chercher une heure plus tard.
Le prisonnier est transféré à la Conciergerie de Paris. Il laisse sa cellule vide et nous raconte son voyage. Une femme croisée sur la route se délecte du spectacle. Il aperçoit les tours de Notre-Dame et nous raconte sa discussion avec le prêtre et l’huissier durant laquelle il se montre peu bavard et parait plutôt pensif. Le convoi arrive aux alentours de 8h30. La foule, excitée, avide de sang, est déjà prête, attroupée pour ne pas manquer le spectacle morbide.
Le narrateur arrive au Palais de Justice et est remis au directeur par l’huissier. Il fait la rencontre d’un autre condamné à mort qui attend son transfert pour Bicêtre et occupera la même cellule que lui. Fils d’un ancien condamné à mort et ancien bagnard, il lui raconte son histoire et les raisons de sa condamnation. Il s’empare de la belle redingote du narrateur et l’échange contre sa veste.
Le narrateur est envahi par une furieuse colère, car l’autre condamné lui a pris sa redingote. Il se rend compte que la mort le rend méchant, il est plein de rage et d’amertume. Il aurait voulu étrangler l’autre prisonnier.
Le protagoniste est transféré dans une autre cellule sans fenêtre et très bien gardée. On lui apporte, à sa demande, une chaise, une table, un lit ainsi que ce qu’il lui faut pour écrire.
Analyse :
Dans ce chapitre 17, Victor Hugo sublime la réalité du condamné, c’est une manière pour le prisonnier de se sentir en sécurité et de fuir la mort imminente. Nous pouvons aussi remarquer que lorsque le condamné ne rêve pas et ne modifie pas la réalité, il se replonge dans son passé. Cet enchainement de chapitres introspectifs marque une parenthèse dans le roman, elle anticipe d’une manière plutôt douce la suite de l’œuvre. Ce sont les dernières rêveries avant le retour brutal à la réalité.
Ces trois chapitres 18, 19 et 20 constituent comme un retour brutal à la réalité pour le narrateur. L’accélération soudaine des événements dans le roman se traduit par la brièveté de ces trois chapitres. Après les chapitres introspectifs, le roman retrouve une action. Le son de la cloche et le geôlier faisant irruption dans la cellule du condamné symbolisent aussi ce changement d’ambiance brutal. Cette agitation du récit peut également être lue comme le reflet de l’agitation intérieure du protagoniste. La répétition de la phrase « C’est pour aujourd’hui ! » retranscrit alors la panique naissante chez le condamné confronté de plus en plus directement et concrètement à sa mort. En effet, si le condamné passe tout le début du roman à imaginer la mort, c’est la première fois qu’il l’entrevoit vraiment. De plus, la personnalisation de la prison sous les traits d’un être monstrueux dévorant les âmes des détenus termine de concrétiser la peur du narrateur qui se tient désormais presque face à lui. Enfin, l’usage d’un registre lyrique ponctué d’interjections à la forme exclamative permet d’illustrer le désespoir animant le condamné.
Ce chapitre 21 marque un tournant dans le roman. Désormais, le prisonnier n’espère plus, il sait qui va mourir et accepte son sort, peut-être pour la première fois. C’est aussi la première fois qu’il reçoit la visite d’un prêtre : c’est l’entrée d’un nouveau personnage de ce roman, mais également l’introduction de la dimension religieuse de la mort. Le prisonnier perd progressivement la notion de temps et se renferme sur lui-même. La scission entre le monde extérieur et lui débutée au début du roman touche à son aboutissement.
Dans le chapitre 22 essentiellement descriptif, le narrateur décrit le chemin qui le dirige vers la mort. Il nous rapporte également les mots prononcés par une vieille femme sur son passage affirmant qu’elle « aime encore mieux cela que la chaine. » La remarque de cette femme est dénuée d’empathie. Victor Hugo s’en sert pour jouer sur un raisonnement affectif du lecteur. En montrant cette femme avide de sang, il incite le lecteur à ne pas vouloir s’identifier à elle. L’auteur montre une certaine ironie par l’emploi d’une antiphrase soulignant la barbarie de cette vieille qui savourerait la misère d’autrui comme un alcool. La vieille femme savoure au plus haut point la punition du condamné. Plutôt que de plaindre celui qui va vers son exécution, elle jouit de manière inhumaine du châtiment. Il est évident qu’Hugo ne partage pas cette horrible appréciation. C’est un argument contre la peine de mort : Hugo dénonce la justice qui se donne en spectacle et offre des jouissances délétères.
Dans le chapitre 23, on observe une différence de rang social entre le narrateur et l’autre condamné dont il fait la rencontre en cellule. Cette différence s’illustre par sa manière de parler, parfaitement retranscrite par l’auteur grâce à l’emploi de l’argot, mais également par son intérêt presque avide pour la redingote du narrateur. Le lecteur apprend déduit alors de nouveaux éléments sur le narrateur : le condamné est un homme d’assez bonne condition. Victor Hugo illustre une nouvelle fois l’universalité de son discours contre la peine de mort : cette dernière nous concerne tous.
Le comportement et les sentiments ressentis par le condamné au chapitre 24 nous montrent une nouvelle facette du personnage présenté comme relativement calme depuis le début du roman, mais se mettant complètement hors de lui pour la première fois. Cela nous pouvons penser que la torture morale endurée par sa détention et sa condamnation commence à sérieusement l’user.
Enfin, dans le chapitre 25, lors de son transfert dans l’autre cellule, le narrateur demande seulement de quoi écrire et un lit. C’est tout ce dont il pense avoir besoin à ce moment précis. Victor Hugo glisse une note d’ironie lors de l’arrivée du gendarme venu le surveiller et lui apporter un lit. Il se crée en effet un paradoxe : le gendarme veille sur la vie du condamné afin qu’il puisse être conduit sain et sauf à l’échafaud.