Le Tartuffe Questions de Dissertation

D’après la pièce, quelles semblent être les opinions religieuses de Molière ?

Molière prêche un type de catholicisme qui évite les démonstrations ostensibles de piété destinées à impressionner les autres. Certains membres du clergé ont suspecté Molière d’athéisme, mais n’avaient en réalité pas saisi le message de la pièce. Molière a essayé d'insuffler de l’humanisme dans son œuvre et de concilier sa perception de l’être humain avec la religion. Il pensait que la religion et la société ne devaient pas être mélangées, afin de garder une certaine pureté. Il croyait également que la religion était naturelle, et non simplement, comme l'écrit Henry Phillips, “une autre caractéristique de l'existence sociale, dans un système éducatif et culturel essentiellement laïc.”. La religion ne devait pas occuper une position privilégiée dans le monde, mais devait être privée et personnelle. Pour illustrer ce point de vue, Molière utilise le personnage d’Orgon, dont la confusion entre statut social et foi met la famille en danger.

Comment Tartuffe parvient-il à tant s'imposer dans la maison d'Orgon ?

C’est l'un des plus grands mystères de la pièce. Orgon est présenté comme une personne initialement rationnelle, ce qui rend d’autant plus incompréhensible que Tartuffe se soit joué de lui. Certains critiques pensent qu'Orgon était intrinsèquement déçu par sa propre famille. Damis est impulsif et effronté, Mariane est trop calme et soumise, Cléante est un adversaire intellectuel et Dorine est une subordonnée intelligente et impertinente. Orgon a peut-être ressenti la même chose que sa mère : sa maison somptueuse était moralement laxiste. Tartuffe serait alors apparu comme une alternative pouvant remédier à ce laxisme grâce à ses multiples démonstrations de piété.

Cependant, on peut aussi interpréter le succès de Tartuffe comme un commentaire sur l'efficacité de l’hypocrisie religieuse. Tartuffe est un maître de la manipulation – il est brillant, rusé et sème la discorde au sein de la famille. C'est un acteur fin dont les regards, les gestes et les mots sont toujours soigneusement calculés pour faire croire à Orgon qu'il est pieux. Tartuffe est tellement attaché à son déguisement qu'il semble souvent y croire lui-même. C'est au public de décider si Molière a voulu commenter le manque d'attrait d'une famille à la moralité douteuse ou le pouvoir de l'hypocrisie religieuse.

Pourquoi Tartuffe n'apparaît-il pas avant le troisième acte ? Quel est l'effet de cette entrée tardive ?

Bien que la pièce porte son nom et que sa présence soit évoquée dans presque toutes les scènes, Tartuffe ne fait son entrée qu'au troisième acte. Cette arrivée tardive a plusieurs effets. D’une part, elle crée un effet d’attente qui rend son entrée théâtralement plus impressionnante. D’autre part, en retardant sa présence sur scène, Molière montre un exemple de la façon dont les machinations de Tartuffe fonctionnent : Tartuffe n’affirme pas son pouvoir par des interactions directes, mais plutôt par la prolifération de rumeurs. En laissant la famille s'imprégner de son influence, il crée un climat de paranoïa qui rend difficile de convaincre Orgon de voir la vérité. Tartuffe n'a pas besoin d'être présent en chair et en os pour exercer son pouvoir, car il s'est insidieusement installé dans la maison.

Quel rôle Dorine joue-t-elle dans la maison ? En quoi constitue-t-elle une présence unique ?

Dorine est un des personnages les plus attachants et sans doute l’un des plus puissants de la pièce. Bien qu'elle soit une domestique, elle joue un rôle important dans l’intrigue, à la fois par la façon dont elle affecte le dénouement de la pièce mais aussi par sa force unique. Ses répliques sont parmi les plus humoristiques et les plus perspicaces. Elle semble avoir une certaine compréhension des stratagèmes de Tartuffe et le manipule elle-même. Elle est l'une des conspiratrices les plus engagées contre Tartuffe. Elle agit directement afin que Mariane ne soit pas mariée de force et conseille continuellement aux autres d’agir de manière rationnelle afin que leur alliance soit la plus efficace possible. Son attitude peut être analysée à la lumière de son statut social – parce que sa position de domestique l’exclut de la sphère sociale d’Orgon et de sa famille, elle ne se soucie pas de l’image qu’elle y renvoie et peut agir de manière lucide et rationnelle pour atteindre ses objectifs.

Décrivez le cadre, le ton et le style de la pièce.

Molière a écrit sa pièce en vers de douze syllabes rimés, qui permettent une lecture et/ou une diction fluide. Le ton de la pièce est plutôt spirituel et léger, au travers des moqueries subtiles de chaque personnage. Molière n’adopte jamais de ton dur ou mordant et semble même se délecter des vices de ses personnages. Le décor est celui d’une maison bourgeoise parisienne ; aucune action ne se déroule en dehors de celle-ci. Même si certains personnages sortent et entrent – Orgon, Madame Pernelle, Tartuffe, Monsieur Loyal – le cadre est très limité, ce qui accentue l’emprise de Tartuffe sur cet espace clos. La maison devient un symbole central de la famille et de sa réputation.

Analysez le caractère de Madame Pernelle.

Madame Pernelle est un personnage plutôt déplaisant. Elle est autoritaire et juge durement sa belle-fille et ses petits-enfants. Elle prend un plaisir pervers à se lamenter des défauts de la famille, tout en refusant de reconnaître son propre orgueil et son obstination. Elle incarne, de manière exagérée, une femme de classe sociale élevée qui défend sa propre supériorité en dénigrant les autres.

Dorine et Cléante critiquent cette attitude :

“Et la sévérité de ces femmes de bien / Censure toute chose, et ne pardonne à rien ; / Hautement, d'un chacun, elles blâment la vie, / Non point par charité, mais par un trait d'envie / Qui ne saurait souffrir qu'une autre ait les plaisirs, / Dont le penchant de l'âge a sevré leurs désirs.”.

En d'autres termes, Madame Pernelle est peut-être inspirée à juger les autres non pas car elle regrette le manque de moralité de sa famille, mais parce qu’elle est malheureuse.

Quelle est la place du thème de la bêtise et de l’irrationalité dans la pièce?

Il pourrait être tentant d'affirmer que Tartuffe est le personnage le plus irrationnel de la pièce. Il essaie de tromper et de séduire Orgon, mais son hypocrisie se retourne contre lui. Toutefois, de nombreux personnages agissent de manière irréfléchie. Damis est immature et n’est pas capable de contrôler ses humeurs. Mariane et Valère se provoquent malgré l’affection évidente qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, refusant d’admettre leurs sentiments. Madame Pernelle s’obstine à ignorer la vérité sur Tartuffe. Enfin, Orgon est tellement aveuglé par la piété feinte de Tartuffe qu'il néglige sa famille et manque de l’emmener à sa perte. Molière construit un monde dans lequel chacun est capable d’agir de manière absurde.

Quelles sont les caractéristiques du théâtre néoclassique, et comment Tartuffe les illustre-t-il?

Pierre Corneille, Jean Racine et Molière sont les principaux dramaturges néoclassiques français. Le théâtre néoclassique s'est épanoui au XVIIème siècle sous le règne de Louis XIV, le ‘Roi Soleil’. Ces dramaturges ont utilisé les principales composantes du théâtre classique grec et romain, qui se concentrait sur le contrôle des passions humaines et la recherche de la moralité. L'esprit, la rectitude morale et la raison en étaient des éléments clés. Cet intérêt pour le théâtre grec et romain s'inscrit dans le cadre plus large d'un retour aux ‘anciens’ dans l'architecture, la littérature et la poésie. Molière était impliqué dans ce mouvement et les leçons de Tartuffe sont d'excellents exemples des préoccupations néoclassiques. Cléante incarne la voix de la raison, qui tente de corriger l'irrationalité d'Orgon. Dorine et Cléante combattent les forces de l'ignorance. L'hypocrisie religieuse est dénigrée, tandis que la spiritualité pure est louée. Un foyer en désarroi cherche à purger la créature nocive qui l'habite et à retrouver l'harmonie. La pièce de Molière est ainsi un parfait exemple de drame néoclassique.

Discutez de la représentation des femmes par Molière dans la pièce.

Dans cette pièce, Molière décrit plusieurs personnages féminins – Madame Pernelle, Elmire, Mariane et Dorine. Madame Pernelle et Mariane reflètent les stéréotypes de genre traditionnels, tandis que Dorine et Elmire les transcendent en partie. Madame Pernelle incarne le stéréotype de la femme âgée, qui fustige l'immoralité des autres tout en s'obstinant dans sa propre ignorance. Mariane est représentée comme une fille obéissante et passive dont le rôle dans la pièce est surtout fonctionnel – son mariage sert de catalyseur à une grande partie de l’intrigue. Elmire est présentée comme un objet de désir, mais elle se joue de cette représentation pour piéger Tartuffe. Le personnage de Dorine est plus complexe – elle est sûre d’elle et se place au cœur de l’action, incarnant la rationalité et la lucidité aux côtés de Cléante.

Comment l'ironie dramatique fonctionne-t-elle dans la pièce ?

L'ironie dramatique – l'effet provoqué lorsque le public en sait plus que les personnages – est très présente dans Tartuffe. Au moment où le personnage titulaire entre en scène, le public est conscient qu'il s'agit d'un hypocrite manipulateur qui n’est pas digne de confiance. L'ironie dramatique est ici source d’humour. Plus Tartuffe manifeste sa piété, plus il est drôle de voir l'aveuglement d'Orgon. L’ironie dramatique catalyse également le dénouement de l’intrigue, notamment dans les scènes où les personnages se cachent pour écouter une conversation. Presque chaque scène est imprégnée d'une certaine ironie dramatique, que Molière réalise en donnant au public l'occasion d'entendre les personnages parler les uns à propos des autres. Pour une pièce qui traite principalement de la tromperie et des apparences, il est logique que Molière utilise si pleinement cet artifice théâtral.