La Métamorphose

La Métamorphose Résumé et Analyse

Premier chapitre

Un matin, à son réveil, Gregor Samsa, représentant de commerce, découvre qu’il est transformé en un énorme insecte. Couché sur le dos, il constate qu’il est désormais affublé d’une carapace et de nombreuses pattes qui s’agitent. Il se demande ce qui lui arrive et réalise qu’il ne s’agit pas d’un rêve. Il est bel et bien couché dans sa chambre et tous ses meubles et objets sont à leur place. S’il envisage un instant de se rendormir pour oublier ce qui lui arrive, il ne peut le faire, car il est couché sur le dos et ne peut habituellement s’endormir que lorsqu’il est allongé sur le côté. Ses tentatives pour se mettre dans cette position se révèlent infructueuses. Il a beau se jeter de toutes ses forces sur le côté, il retombe sans cesse sur le dos. Il entame un monologue intérieur contre son travail qui, selon lui, ne lui procure que fatigue et ennuis professionnels entre corvées de déplacement, nourriture médiocre et absence de relations durables. Pris d’une légère démangeaison, il découvre que son abdomen est recouvert de petits points blancs au contact desquels il a un frisson. Il replonge dans ses pensées, maudissant un poste qui le prive de sommeil et l’oblige à lever de bonne heure enviant ses collègues qui travaillent derrière un bureau. S’il le pouvait, il donnerait sa démission et enverrait son patron paître, mais il lui reste encore cinq ou six ans à tenir pour arriver à rembourser la dette que ses parents ont à l’encontre de celui-ci. Gregor se dit qu’il doit se lever pour prendre son train de cinq heures avant de réaliser qu’il est presque sept heures moins le quart. Gregor se demande alors comment il va pouvoir faire pour attraper le train de sept heures dans un laps de temps si court puis réalise que quand bien même il accomplirait cet exploit, il n’échapperait pas aux remontrances de son patron. Gregor envisage un instant de se faire porter pâle pour sortir de ce mauvais pas, mais prend conscience que cela s’avèrerait plus suspect qu’autre chose et ne manquerait pas de déclencher tout un tas d’autres problèmes. Il finit par conclure qu’en dehors d’une somnolence, il se sent en forme. Il est arraché à ses pensées lorsqu’il entend que l’on frappe prudemment à sa porte. C’est sa mère qui s’inquiète de ce qu’il n’est toujours pas parti travailler. En s’entendant lui répondre, Gregor prend peur, car sa voix a changé et les mots qu’il prononce semblent brouillés. Sa mère est rejointe par le père et Grete, la jeune sœur de Gregor, qui s’inquiètent à leur tour de le savoir encore au lit. Pour ne pas les effrayer, le malheureux tente de dissimuler son étrange voix lorsqu’il leur répond. Grete insiste et essaye de pénétrer dans la chambre verrouillée de l’intérieur. Mettant son étrange voix sur le compte d’un début de rhume, Gregor se dit alors qu’il n’y a qu’en se levant, en s’habillant et en prenant un petit déjeuner qu’il trouvera une solution à sa situation. Malheureusement, couché sur le dos, il n’arrive pas, faute de bras et de mains, à s’extirper de son lit. Ses fines pattes s’agitent en tous sens, ses tentatives de bouger son corps se soldent par un échec et il finit par se cogner brutalement. Il tente alors de procéder autrement, mais craignant de se fracasser le crâne, il renonce un instant. Revenu dans sa position initiale, il se dit qu’il ne lui est pas permis de rester ainsi au lit et qu’il lui faut tenter le tout pour le tout pour espérer sortir de cette situation. Lorsque sept heures sonnent, réalisant que son employeur allait probablement venir chercher de ses nouvelles, il se risque à bouger dans un mouvement de balancier afin de chuter du lit. Il a peur de se blesser et craint que sa réception au sol fasse du bruit. Tout en s’agitant, il se met à penser que tout aurait été plus simple si on était venu l’aider. Soudain, il entend que l’on sonne à la porte de l’appartement et que la bonne va ouvrir. C’est le fondé de pouvoir du magasin pour lequel Gregor travaille. Agacé de se sentir considéré comme un tire-au-flanc à la première absence, Gregor parvient à se jeter au pied de son lit. Dans sa chute, il se cogne la tête. Derrière une des portes de sa chambre, le fondé de pouvoir entend le bruit sourd de la chute. Le père et la sœur demandent à Gregor de bien vouloir leur ouvrir et la mère explique au visiteur que cela ne ressemble pas à Gregor de manquer à ses devoirs, que la seule explication plausible est qu’il est certainement souffrant. Face au fondé de pouvoir, qui semble peu disposé à excuser l’attitude de Gregor, le père s’agace et demande à son fils d’ouvrir. Gregor répond non et lorsqu’il entend sa sœur sangloter derrière la porte, il s’interroge sur les raisons profondes de ces larmes. Le fondé de pouvoir hausse le ton et ordonne à Gregor de s’expliquer clairement sur son comportement qu’il commence à juger impardonnable. Furieux des reproches qui lui sont faits, Gregor s’écrie qu’il va ouvrir la porte, qu’une indisposition l’empêchait de le faire, qu’il aurait dû prévenir le magasin, que ce n’est pas du fait de ses parents, qu’il est inutile d’attendre ici et qu’il se rendra au travail par le train de huit heures. Déterminé à accompagner ses paroles d’actes concrets, Gregor entreprend de se rapprocher de la porte afin de l’ouvrir et de se montrer tel qu’il est devenu. Il se dit que soit sa nouvelle apparence les effraye, et il obtiendra alors qu’on n’exige pas de lui d’aller travailler, soit sa métamorphose est bien accueillie et ses interlocuteurs seront rassurés quant à sa capacité de se rendre à son poste dans les plus brefs délais. Gregor entend alors le fondé de pouvoir dire qu’il n’a pas compris le moindre de mot et qu’il les prend pour des imbéciles. La mère, persuadée que son fils est gravement malade, envoie Grete chercher un médecin. Le père interpelle la bonne et lui demande d’aller chercher un serrurier. Toute cette agitation calme Gregor qui se dit qu’on va lui venir en aide et que l’intervention de ces deux professionnels va le ramener dans le cadre de la société humaine. Dans l’appartement, tout est devenu silencieux. Gregor imagine ses interlocuteurs chuchoter ou l’épier. Il se traine jusqu’à la porte et s’appuyant debout contre elle grâce à une substance collante sécrétée au bout de ses pattes, et tente de faire tourner la clef dans la serrure avec ses mandibules. Redoublant d’efforts, Gregor réussit à déverrouiller la porte et apparait alors aux yeux de ses interlocuteurs. Devant cette vision monstrueuse, le fondé de pouvoir horrifié recule, la mère sidérée s’écroule et le père hagard se met à sangloter. La position de Gregor lui permet de balayer du regard le reste de l’appartement. Son regard tombe sur une photographie de lui en uniforme militaire. Calme, il prend la parole afin de convaincre le fondé de pouvoir que tout va s’arranger à condition qu’il ne rende pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont. Mais, dès les premiers mots, l’homme bat en retraite. Lorsqu’il réalise que son supérieur veut partir, Gregor veut le rassurer, le calmer pour le ramener à sa cause. En l’absence de sa sœur, qui aurait pu facilement parvenir à convaincre l’homme de rester, Gregor se décide à agir seul et se laisse tomber à terre. Il découvre alors avec satisfaction que ses petites pattes le soutiennent parfaitement et lui obéissent à merveille. Devant cet énorme insecte en mouvement, la mère se met à hurler, recule, bute dans la table et renverse la cafetière. Gregor ne peut réprimer des mouvements de mandibules devant le flot de café qui se répand, ce qui effraye encore plus la mère. Préoccupé par la fuite du fondé de pouvoir, Gregor s’élance vers lui pour le rattraper. Il est stoppé dans son élan par le père furieux qui, muni d’une canne et d’un journal, entreprend de repousser Gregor dans sa chambre. Ce dernier, craignant un mauvais coup, n’insiste pas et parvient tant bien que mal à faire demi-tour. Pressé, par son père menaçant, de franchir le seuil de sa chambre le plus vite possible, Gregor se retrouve coincé et se blesse. Le père lui lance alors un coup par-derrière et Gregor est projeté dans la pièce en perdant abondamment du sang. La porte se ferme et le silence revient.

Analyse

On remarque dès les premières lignes que le récit est fait à la troisième personne. Le narrateur est extérieur à l’histoire, mais adopte le point de vue de Gregor, permettant ainsi au lecteur de connaitre les pensées et interrogations du personnage principal. Aucun détail de la nouvelle apparence n’est directement donné au lecteur. Ce dernier devine ce qu’est devenu Gregor par le prisme des découvertes visuelles et tactiles que ce dernier fait. Cette manière de présenter la métamorphose de Gregor laisse au lecteur plus une impression d’étrangeté qu’un sentiment de peur. À aucun moment, Gregor n’est confronté à sa propre image par le biais d’un miroir et il ne se découvre que par le regard (limité de son champ visuel) qu’il porte sur lui. Si cette vue lui est insupportable, Gregor n’en mesure pas la gravité, mais a conscience de la nécessité de se confronter aux regards des autres. Il espère en tirer une sorte de soulagement, de compassion qui va le libérer de ses obligations professionnelles. La réaction du fondé de pouvoir et des parents va, à ce titre, être désastreuse.

Cette transformation d’apparence s’accompagne d’un inconfort physique et d’un sentiment d’impuissance que Gregor accepte difficilement. Il n’arrive pas à bouger, il ne contrôle pas ses pattes et il doit s’acharner pour arriver à sortir de son lit. Sa voix a été modifiée, elle est devenue un mélange de voix humaine et de couinement. Ce passage révèle le conflit qui existe dans son corps entre son ancienne condition d’être humain et son état animal actuel. Ainsi, confusément, les mots qu’il prononce sont bien perçus comme tels par le fondé de pouvoir, mais ils ne sont pas compréhensibles. Lorsque Gregor se lance dans un discours visant à expliquer sa bonne foi au fondé de pouvoir, cela semble donc totalement absurde.

La métamorphose de Gregor n’étant ni expliquée ni explicable, le lecteur prend rapidement conscience qu’il ne pourra pas retrouver sa forme humaine par le biais d’une formule magique ou d’une série d’épreuves initiatiques. Par conséquent, lorsque Gregor pense à un avenir où tout serait comme avant, le lecteur sait qu’il ne peut s’agir que de rêves ou de fantasmes.

Lorsque le récit débute, le lecteur a peu d’informations temporelles. On ne connait ni l’année, ni le mois, auxquels le récit se déroule, mais on sait qu’on est proche de Noël (c’est-à-dire l’hiver). Le seul repère concret dont dispose le lecteur est que la métamorphose a eu lieu pendant la nuit et que le récit commence le lendemain matin. Tout ce chapitre va être rythmé par les minutes qui passent. Le temps commence à échapper à Gregor.

À ce sentiment de confinement intérieur que ce type de narration donne au lecteur, vient s’ajouter un confinement spatial. Le chapitre se déroule dans la chambre de Gregor qui donne sur deux extérieurs différents. Tout d’abord, la chambre donne sur d’autres pièces de l’appartement auquel on accède par l’une des trois portes de communication. Les autres personnages sont répartis derrière des portes différentes et Gregor est au milieu. Cette configuration spatiale contribue à la théâtralisation du récit. À ce stade, toutes ces portes sont fermées de l’intérieur et seul Gregor a la possibilité de faire avancer l’histoire en les déverrouillant. C’est la seule chose de sa vie humaine qu’il maîtrise encore. La chambre donne également sur l’extérieur de l’immeuble au moyen d’une fenêtre. Malheureusement, cette vue sur le monde est obstruée par une brume matinale qui empêche Gregor de voir l’autre côté de la rue. Ce brouillard, cette vue obstruée, renvoie Gregor à sa situation de reclus et le lecteur, empreint de cette sensation de confinement, comprend que l’avenir de Gregor est limité. Tout comme le personnage principal, le lecteur va avancer dans la compréhension de ce qui se passe dans le reste de l’appartement grâce à ce que Gregor entend, devine et interprète des évènements qui se déroulent derrière les portes.

Au cours de ce chapitre, le lecteur apprend que Gregor exerce un métier qu’il n’aime pas, mais auquel il est contraint, car ses revenus servent à rembourser une dette contractée par son père qui ne travaille plus depuis cinq ans. Par son engagement professionnel et son sacrifice (il est très souvent en déplacement et participe peu à la vie de famille), Gregor s’est substitué avec succès à son père défaillant pour prendre soin des siens. Cette réussite de Gregor renvoie au père l’image de son propre échec. Cette pression sociale et familiale qui pèse sur les épaules de Gregor et l’étouffe est révélée lorsqu’il explique qu’il aurait démissionné depuis longtemps s’il n’avait pas eu cette charge financière. Aussi, on comprend mieux les nuits agitées qui ont précédé la transformation tout comme les baisses de performances professionnelles que Gregor évoque. Cette métamorphose est probablement la réalisation de son souhait inconscient de ne plus avoir à supporter ce fardeau. Ses parents et sa sœur semblent être des parasites qui vivent sur le dos de Gregor et de la société. Devenir un insecte géant est une manière pour lui de se libérer de ses obligations professionnelles et familiales sans que sa propre responsabilité soit engagée. Lorsque survient la métamorphose, c’est une véritable catastrophe financière qui s’annonce, car la perspective de la perte d’emploi va raviver, pour la famille, la question de la dette à rembourser. Mais en se métamorphosant, Gregor devient à son tour une vermine, un parasite pour sa famille.

Dans ce schéma familial, on ressent une complicité entre Gregor et sa sœur dont le prénom suggère qu’ils pourraient presque être jumeaux. Gregor est particulièrement soucieux de pouvoir donner le meilleur à sa petite sœur comme l’inscrire au Conservatoire, malgré le coût que cela représente. Une affection réciproque transparait lorsque Grete, inquiète, interpelle gentiment son frère derrière la porte et finit par sangloter. Gregor porte néanmoins un regard sensuel sur sa sœur qu’il imagine à peine sortie du lit et lui prête une sorte de pouvoir de séduction à même de convaincre le fondé de pouvoir de ne pas partir.

Enfin, la mère est la première à s’inquiéter de l’absence de Gregor et, par-là, celle qui met en lumière l’existence d’un problème. Tant que la porte n’est pas ouverte, elle remplit son rôle maternel à l’égard de son fils, tentant de lui trouver des excuses auprès de son employeur. Dès que la porte s’ouvre et qu’elle découvre la métamorphose que Gregor a subie, elle perd pied dans une attitude très théâtrale quasi grotesque.

Le chapitre s’achève sur un épisode de crise qui fait avancer le récit. Gregor ouvre la porte de sa chambre et se montre sous sa nouvelle apparence. Sans que cela soit clairement explicité, le lecteur devine que l’insecte est gigantesque puisqu’il arrive à atteindre la poignée de la porte en se tenant debout et attraper la clef dans sa bouche pour la faire tourner. La famille (sauf Grete qui est partie chercher le serrurier) et le fondé de pouvoir sont saisis d’effroi et de dégoût. Gregor doit faire alors face à la violence de son père qui le repousse vers sa chambre avant de lui asséner un coup pour le projeter dans la pièce. La crise se termine sur la fermeture de la porte à clef par le père. Gregor vient de perdre sa liberté d’aller et venir.