J’ai soif aussi… cherchons un puits.
A quelle eau se réfère le petit prince ? Cette eau ne provient pas d’un puits saharien d’un désert infini, mais de l’eau du puits d’un village avec des rebords, une poulie, et un seau. Ce puits est un lieu de vie ; la corde relie l’eau qui y est contenue, aux profondeurs de la Terre mère. Ici l’eau est plus que simplement rafraîchissante car elle est née sous les étoiles, sous le chant de la poulie, et provient de l’effort des bras. Elle est bonne pour le cœur. C’est dans le puits de chacun d’entre nous que se cache la vérité de la vie.
Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre.
Il s’agit d’une phrase simple mais très émouvante qui rend compte de la nature particulière des relations, que ce soit entre l’homme et l’animal, l’homme et l’homme, ou l’homme et la fleur. Le renard sait qu’il faut du temps et de la patience pour transformer quelqu’un de banal ou d’insignifiant en quelqu’un de grande importance, ce qui en fin de compte en vaut la peine.
Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.
Ce passage est peut-être le plus célèbre de tout le livre, et pour une bonne raison : il expose le point de vue de l’auteur sur ce qui fait que la vie vaut vraiment la peine d’être vécue, c’est-à-dire cultiver des relations fondées sur des liens profonds et significatifs plutôt que superficiels. Il permet au prince de comprendre quel était le problème avec sa rose et de l’apprécier pour qui elle est vraiment. Cela renforce la compréhension du pilote sur la raison pour laquelle le petit prince est si spécial et sur ce que le pilote vivait exactement quand il était enfant lorsqu’il avait dessiné le boa constricteur avec l’éléphant dans son estomac. Les chiffres, la fierté, les compliments, les livres et d’autres choses que les adultes vantent comme importantes ne le sont pas vraiment, et il faut un jeune prince pour remettre les pendules à l’heure.
J’aurai l’air d’avoir mal… j’aurai un peu l’air de mourir. C’est comme ça.
Dans cette citation, l’auteur distingue le corps de l’âme. Quand le serpent mord le prince, il mord seulement son corps, mais son âme peut se déplacer dans l’espace et le temps pour rejoindre sa précieuse fleur. Saint-Exupéry, à travers ce commentaire, laisse le sort du garçon ambigu, car le narrateur ne trouve pas son corps mais se souvient de son petit ami quand il regarde les étoiles. Que les lecteurs croient ou pas que le prince a réussi à se réincarner physiquement, il apparait que tous deux ont été réunis au moins spirituellement. En outre, le fait que le corps du garçon soit devenu invisible ne lui enlève pas son essence ; même si une personne n’est pas physiquement là, quelle que soit la forme de séparation, l’amour perdure.
Il me semblait porter un trésor fragile.
Dans ce court passage mélancolique, le narrateur indique à quel point le garçon lui est précieux et à quel point il est maintenant léger et éphémère. Il n’est presque plus un corps; dans un court laps de temps, il va " mourir " et son corps disparaîtra. Ce commentaire du narrateur sur sa petite taille et sa fragilité renvoie à la séparation inhérente à l’amour. Tout le monde est destiné à mourir, malgré sa jeunesse, sa vitalité ou son importance.
Au moins son travail a-t-il du sens.
Un des thèmes traité par Saint-Exupéry est la nécessité pour l’Homme d'exercer un travail utile au risque sinon d’être suffisant ou orgueilleux. Presque tous les adultes que le prince rencontre sont enclins à vanter leurs propres réussites ou entreprennent un travail absurde : compter les étoiles, régner sur personne, réclamer des compliments, vendre des pilules factices, ou écrire des livres sur des choses que l’on n’a jamais vues. Le travail du prince, cependant, en cultivant ses volcans et en prenant soin de sa fleur, est chargé de sens parce qu’il sert un but. Il se rend compte que le temps passé avec sa fleur est encore plus important, car il a favorisé leur lien étroit. Les adultes peuvent souvent passer à côté de l'essentiel parce qu’ils sont trop absorbés par des choses insignifiantes.
Je me mettais à sa portée. Je lui parlais de bridge, de golf, de politique et de cravates. Et la grande personne était bien contente de connaître un homme aussi raisonnable.
Ce commentaire est subtilement ironique car ce que le narrateur décrit comme des choses que les adultes aiment, semblent inutiles et banales même s’ils leur attribuent une grande importance.
Au lieu de se laisser aller à sa créativité et à son imagination, le narrateur doit se conformer aux attentes et au discours de la société. Il doit taire ce qu’il est vraiment, et le prince est le seul par lequel il peut s’exprimer. Saint-Exupéry suggère que les lecteurs devraient faire attention à ne pas être trop adulte car cela est ennuyeux et manque d’authenticité.
Parce que les fleurs sont éphémères.
C’est une leçon amère que le prince apprend, et tous les lecteurs également. Les gens (ou dans ce cas, les fleurs) que nous aimons ne vivent pas éternellement ; cela illustre la finalité naturelle de la vie qui est la mort. Le prince n’a probablement pas pensé à cela quand il a quitté la fleur, frustré par son comportement et ses exigences. Maintenant qu’il sait qu’elle finira par mourir, son séjour sur Terre lui est intolérable et le pousse à accepter de mourir afin de la rejoindre sur sa planète.
Les hommes occupent très peu de place sur la Terre.
C’est un autre commentaire amusant du narrateur, surtout après tout son travail avec les nombres et les armées de briquets. En déclarant que les hommes n’occupent pas beaucoup d’espace, il réduit leurs prétentions. Les hommes pensent qu’ils possèdent la Terre et qu’ils la dominent ; le roi pense qu’il règne sur tous et sur tout, l'homme d'affaires prétend posséder les étoiles, et le géographe pense tout savoir sur la Terre. En réalité, l’Homme est petit et la nature est bien plus vaste et plus puissante, bien que sa voix et sa fureur laissent penser qu’il détient le pouvoir. Dans cette citation, le narrateur valide simplement ce que le prince a découvert dans toutes ses rencontres avec des adultes – ces derniers s’estiment beaucoup plus qu’ils ne devraient et se croient plus remarquables qu’ils ne sont vraiment.
Pour vous qui aimez aussi le petit prince, comme pour moi, rien de l’univers n’est semblable si quelque part, on ne sait où, un mouton que nous ne connaissons pas a, oui ou non, mangé une rose...
Le narrateur tente de s'assurer d’avoir bien dessiné une muselière sur le mouton et que la rose sera donc en sécurité, mais le fait est qu’il ne peut pas vraiment se souvenir. Il y a deux choses importantes ici. Premièrement, le narrateur n’a pas encore appris la leçon que le petit prince a découvert- les choses sont éphémères et finiront par disparaître et la perte fait partie de la vie. Deuxièmement, d’une manière assez différente, cette simple question - savoir si un mouton mange ou non une rose - pour la plupart des adultes, est insignifiante et anodine... Cela vexe tellement le narrateur et dérange tellement le lecteur que nous en venons à embrasser la vision du prince sur la vie - oublier la fierté, l’argent et les chiffres, car c’est l’amour et le soin pour ceux qui nous sont importants qui comptent vraiment. Le mouton mangeant la rose du prince serait une tragédie parce que nous savons qu’il l’aime tellement.
