Camus a été influencé par un ensemble diversifié d’auteurs et de philosophies étrangères dans les années 1930 : le nihilisme, les écrits de Nietzsche et Dostoïevski notamment, qui ont une présence importante dès le début du siècle. La phénoménologie allemande arrive en France. Sartre lutte à cette époque contre le rationalisme superficiel de la pensée cartésienne.
Faulkner, Hemingway et Dos Passos ont été traduits en français et beaucoup pensent que leurs styles et concepts ont fait leur chemin dans la philosophie de Camus à cette époque. Ces influences et humeurs ont contribué à former les philosophies de l'existentialisme et de l'absurde associées à Sartre et Camus. En raison de son éducation ouvrière, Camus grandit avec une méfiance envers l'idéalisme et l'introspection. Il s'intéresse plutôt à la vie et à la lutte pour le sens sans se laisser distraire par les rêves et les inventions. Bien que Camus ait tenté plus tard de s’éloigner du concept d'existentialisme, les critiques l'y associe toujours, et ses propres idées sont influencées par le forum de Sartre et d'autres philosophes existentialistes de l'époque.
Selon l'Existentialisme, l'homme vit avec et contre les autres hommes dans une aventure brutale, à laquelle il doit donner un sens par ses actes.
L'Absurde traite davantage du paradoxe insoluble entre le jugement objectif d'une action et la motivation subjective derrière son exécution. La disparition de la vérité et des buts cède la place à l’absurdité de l’existence. Pourtant, Camus s'intéresse également à la création de sens dans un monde dénué de sens à travers le processus de la vie. L’atmosphère pessimiste, que beaucoup emprunteraient à l’existentialisme et à l’absurde, fut renforcée par les développements politiques des années 1930. La montée au pouvoir des dictateurs Hitler, Mussolini et Franco a eu un effet néfaste sur les pays européens et n’augure rien de bon pour les années à venir. Les régimes autoritaires incite Camus à s’identifier comme un fervent partisan de la gauche.
Camus s'est battu avec acharnement contre l’idée de la guerre. Les premiers écrits de Camus sont empreints de malaise, reflétant les tensions franco-algériennes. Les difficultés économiques en Algérie ont aggravé le conflit. Officiellement, les arabes étaient des citoyens égaux aux français, mais ils étaient souvent assimilés à un peuple colonisé.
Lorsque le Front populaire a échoué à la mise en œuvre d’un plan augmentant le droit de vote arabe, les Arabes radicaux se sont tournés vers le nationalisme. Aussi, un conflit d’intérêts existait entre français et pieds-noirs. Ces derniers étaient traités comme des citoyens de seconde classe, mais qui nécessitaient la protection française pour postuler à des emplois ouvrier.
Le personnage Meursault de L'Étranger appartient à ce groupe, et on peut sentir ses assentiments envers les institutions françaises autant que la tension qui existe entre les arabes et français à cette époque. Les mythes franco-algériens sont mis en évidence tout au long du roman, comme l'idée qu'ils vivent en marge, sont païens, sexualisés, vivent à travers leur corps et le sport, et oscillent entre indolence et émotion intense. Camus a écrit sur les questions arabes dans le journal Alger-Républicain et s’est battu pour les arabes accusés à tort. Il a également écrit sur l’inefficacité de la politique sociale française en matière d'écoles et de soins médicaux. C'est à cette époque qu'il commence à écrire L'Étranger.
En 1939, le journal Alger-Républicain menait une campagne intense contre la guerre. Camus plaçait de l'espoir en Neville Chamberlain et souhaitait que des concessions soient faites. Après l'interdiction du journal en 1940, Camus quitte l'Algérie à la recherche d'un emploi. Travaillant à Paris-Soir, Camus termine le manuscrit de L'Étranger en mai de la même année. Pendant ce temps, il travaille également sur les ébauches d'une pièce de théâtre, Caligula, et d'un essai, Le Mythe de Sisyphe, qui, selon lui, avec L'Étranger, feraient partie d'un tout, constituant le cycle de l'Absurde. Camus révise l’écriture de L'Étranger alors qu'il vit en Algérie avec la famille de sa femme puis en envoie une édition à Lyon en avril 1941. Gallimard accepte de la publier.
Les éditeurs français de l'époque devaient cependant travailler avec la propagande allemande Staffel et la censure posait donc un problème. Les autorités d'occupation n'ont rien trouvé de préjudiciable à leur cause dans le livre et il a donc été publié tel quel. La première édition ne comptait que 4 000 exemplaires. Ironiquement, il fut très bien accueilli dans les cercles anti-nazis et ce soutien, ainsi que celui de Sartre qui écrit un article sur le roman, lança la carrière de Camus. Dans le contexte de l’Occupation, le livre a été célébré pour l’accent mis sur l’illégitimité de l’autorité, un monde sans valeurs et la primauté de l’individu. Il devint rapidement un classique de la littérature française dans de nombreux cercles et Camus fut rapidement reconnu comme un grand écrivain franco-européen des années 1940.