En 2020, durant l'épidémie de COVID-19 aux États-Unis, La Peste, roman d'Albert Camus publié en 1947, est revenue sur la liste des best-sellers. Ce livre ne traite pas d'un virus transmis par l'air mais de la peste bubonique. Nous nous pencherons sur l'histoire de la peste aux États-Unis, un pays auquel cette maladie n'est pas communément associée mais qui a néanmoins connu ses propres épidémies.
La peste, causée par une bactérie appelée Yersinia pestis, est transmise par les puces. Ces puces transmettent l'infection aux animaux et aux humains ; la transmission interhumaine est rare.
La peste est arrivée aux États-Unis en 1900 dans des bateaux à vapeur infestés de rats. Le premier Américain à mourir fut Wong Chut King, à San Francisco. Son autopsie confirma qu'il s'agissait bien de la peste. L'épidémie dura environ huit ans, 280 personnes furent infectées et 172 périrent. La plupart des premiers décès eurent lieu dans le quartier chinois de la ville, ce qui suscita d'intenses préjugés contre ses habitants.
Les médecins et autres experts en santé publique qui tentaient d'attirer l'attention des autorités étaient souvent mis à l’écart par les responsables de la ville et de l'État, qui s'inquiétaient des répercussions économiques. Ces responsables, dont le gouverneur Henry Gage, rejetaient également la nouvelle discipline de la bactériologie médicale, dont le principal médecin travaillant sur les cas de peste – le Docteur Joseph J. Kinyoun – était le pionnier. Kinyoun envoya des mémos au gouvernement fédéral et les journaux étrangers commencèrent à reprendre l'histoire, bien que les dirigeants californiens continuent de nier la présence de la peste. Après le transfert de Kinyoun à Detroit, le Docteur Rupert Blue fut nommé pour le remplacer. Blue, meilleur communicant, parvint à mettre en œuvre des mesures suffisantes pour nettoyer la ville et éradiquer les rats, mettant ainsi fin à l'épidémie en 1908.
La dernière épidémie de peste urbaine a eu lieu à Los Angeles en 1924-1925. Elle a duré environ deux semaines et a tué 30 personnes. Les experts en santé publique considèrent que l'utilisation par la ville des leçons tirées de l'épidémie de San Francisco – telles que l'hospitalisation des malades et des personnes avec qui ils ont été en contact, la quarantaine et un programme d'éradication des rats – a empêché l'épidémie de prendre de l'ampleur.
Selon le CDC (Center for Disease Control and Prevention), depuis 2000, on compte environ 1 à 17 cas par an. En 2016, par exemple, 4 cas de peste ont été relevés. Ces cas sont surtout répandus dans l'ouest des États-Unis. Selon un article du Pacific Standard, “si la causalité exacte des concentrations géographiques de la maladie n'est pas encore une science établie, [le biologiste David] Markman pointe du doigt l'humidité moyenne du sol et la présence de rongeurs fouisseurs, comme les chiens de prairie, comme facteurs potentiels. [Le biologiste Nils Christian] Stenseth pense lui aussi que la réponse pourrait se trouver dans la terre, un facteur qui pourrait être lié au fait que le changement climatique favorise les épidémies dans certaines régions et les diminue dans d'autres. “Mon intuition est que cela pourrait être lié aux propriétés du sol, qui n'est pas trop sec, mais pas trop humide non plus, très humide”, explique Stenseth. “Cela se produit toujours chez les espèces de rongeurs, généralement chez les espèces fouisseuses. Ces colonies sont généralement assez humides. Mais je n’en suis pas certain, et les scientifiques non plus”.
La plupart des cas aux États-Unis, lorsqu’ils sont traités, ne sont plus mortels. Claire Maldarelli, rédactrice de Popular Science, explique : “Malgré sa capacité à devenir mortelle rapidement – la bactérie a une période d'incubation de quelques jours, et lorsqu'elle tue, elle le fait en un à sept jours – la Yersinia Pestis infectieuse est également très réactive aux médicaments antimicrobiens. Avant la découverte des antibiotiques dans les années 1940, la peste tuait environ 66 % des personnes infectées, en particulier les personnes ayant des problèmes de santé et les personnes âgées. Mais une fois que nous avons disposé de médicaments appropriés, ces chiffres ont chuté de façon spectaculaire. Aujourd'hui, aux États-Unis, la peste ne devient mortelle que dans environ 11% des cas”.