Pendant ce temps-là, Passepartout est à bord du Carnatic. Trois heures après que Fix l'ait laissé dans la fumerie d'opium, il s’est réveillé complètement désorienté. Il réussit tout de même à embarquer à bord du bateau juste avant son départ. Il retrouve ses esprits et réalise rapidement que Fogg et Aouda ne sont pas à bord puisqu’il ne leur a pas dit que le bateau partait plus tôt. Il comprend alors que tout cela faisait partie du stratagème de l'inspecteur Fix pour retenir Fogg à Hong Kong.
Passepartout est désemparé mais il n'a d'autre choix que de poursuivre son voyage vers Yokohama. Lorsque le paquebot atteint le Japon, il descend et souhaite explorer la région, devenue très européenne comme Hong Kong. Il s'aventure ensuite dans le quartier japonais de Yokohama, qui est très différent, et y fait plusieurs rencontres. Il commence à avoir faim mais n’a pas d’argent pour s’acheter un repas.
Le lendemain matin, affamé, il réalise qu'il doit trouver rapidement de quoi manger. Il décide alors d'organiser un concert de rue pour récolter de l'argent auprès des passants. Il échange ses vêtements très européens contre des habits plus modestes qui semblent mieux convenir à un artiste ambulant. Le marchand de vêtements lui donne également quelques petites pièces qu’il utilise pour acheter son petit-déjeuner dans un salon de thé.
Cherchant désespérément un moyen de se rendre aux États-Unis mais n’ayant pas de quoi payer son voyage, il aperçoit un clown qui se balade une pancarte annonçant la venue imminente d'une troupe d'acrobates japonais qui se rendra ensuite en Amérique. Il suit le clown jusqu'au quartier japonais et demande à William Batulcar, le directeur de la troupe, s'il peut l’engager. Bien que Batulcar refuse de le prendre à son service comme domestique mais lui propose de l’embaucher comme clown.
La troupe d’acrobates, les Long Nez, se produit devant les spectateurs. Ils exécutent des mouvements acrobatiques et gymniques, des nez en bambou de cinq à sept pieds de long fixés sur leurs visages. L'un des membres des Longs Nez venant de quitter récemment la troupe, Passepartout prend sa place et participe à la formation d'une pyramide humaine en se tenant en équilibre sur les nez.
Alors que la pyramide est presque terminée, Passepartout la fait chanceler puis. Il ne s'en soucie guère, car il vient juste de voir son maître et Aouda dans la foule. Euphorique, Passepartout les rejoint à la hâte et monte à bord du bateau à vapeur avec lui.
En effet, Fogg, Aouda et Fix sont parvenus à embarquer à Shanghai et, en arrivant à Yokohama, ont découvert que Passepartout est bien monté à bord du Carnatic en provenance de Hong Kong. Ils s’élancent à sa recherche et le découvrent parmi les acrobates. Aouda raconte à Passepartout tout ce qui leur est arrivé, et on apprend que ses sentiments envers Fogg ont continué à se renforcer au fil des jours. Passepartout décide que ce n’est pas le bon moment pour révéler à Fogg ce qu'il a appris sur Fix.
À ce stade, Fogg a exactement parcouru la moitié du chemin. Bien qu'il ait déjà utilisé les deux tiers du temps qui lui était imparti, il peut poursuivre son chemin en ligne droite jusqu'à la fin du voyage, et s’attend à ce que le plus dur soit derrière lui. Au milieu du périple, la montre de Passepartout, toujours réglée sur l'heure de Londres, correspond parfaitement à l'heure actuelle. Ce qu'il ignore, c'est qu'il est neuf heures du matin ici, alors qu’il est neuf heures du soir à Londres.
Il s’avère que l’inspecteur Fix est lui aussi à bord du paquebot qui se dirige vers San Francisco. Il a désormais le mandat pour arrêter Fogg et a décidé de le suivre jusqu'en Angleterre. Il tente d’abord de se cacher de Passepartout puis, lorsqu’il finit par le croiser, lui explique qu'il est désormais de leur côté, car il souhaite autant qu'eux que Fogg arrive au plus vite en Angleterre. Ainsi, leurs objectifs se rejoignent et ils peuvent désormais collaborer.
Ils arrivent enfin à San Francisco et disposent d'une journée pour explorer la ville avant de prendre le train en direction de New York. Passepartout est surpris de constater la diversité des personnes et des groupes ethniques représentés dans cette cité cosmopolite. Certains endroits de la ville lui rappellent même l'Angleterre. Après avoir entendu dire que des Amérindiens attaquent les trains, Fogg envoie Passepartout acheter des fusils.
Fogg croise Fix, qui feint d'être profondément surpris de le voir, et se réjouit de traverser le pays ensemble pour se rendre en Europe. Alors qu'ils déambulent dans la célèbre Montgomery Street de San Francisco, ils tombent sur un meeting politique qui dégénère en bagarre entre les partisans de deux candidats rivaux, M. Camerfield et M. Mandiboy.
Fix insiste pour que lui et Fogg s’éloignent de la bagarre car ils ignorent comment des Anglais seraient accueillis dans une telle situation. Malheureusement, il est trop tard et ils se retrouvent pris dans la mêlée, tout en essayant de protéger Aouda qui est avec eux. Celui qui semble être le chef d’un des deux groupes d’électeurs les attaque, puis, après un échange d'insultes, il se présente comme le colonel Stamp Proctor.
Ils en sortent indemnes, mais leurs vêtements sont en lambeaux, ce qui les oblige à se rendre chez un tailleur pour s'en procurer de nouveaux. Pendant ce temps, Passepartout les attend avec les armes qu'il a achetées. Une fois à bord du train, Fogg interroge le portier sur le meeting. Ironiquement, le portier lui révèle qu'il s'agissait d'une réunion pour l'élection d'un juge de paix.
Le trajet vers New York s'effectue à travers le Pacific Railroad, le premier chemin de fer transcontinental, qui se divise en deux parties : l'Union Pacific et le Central Pacific. Ce voyage dure sept jours et traverse des territoires peuplés d'autochtones et d'animaux sauvages. La nuit, le train est aménagé pour que les passagers puissent dormir. Dès le début du voyage, tous s’émerveillent devant la beauté de la nature américaine, avec ses paysages pittoresques et ses bisons qui traversent les voies ferrées. Bien que les bisons ralentissent leur progression, Fogg, toujours stoïque, ne semble pas perturbé. À la fin du chapitre XXVII, ils atteignent l'Utah, un État peuplé de Mormons.
Analyse
Jusqu’ici, les lecteurs ont toujours pensé que Passepartout ne pourrait jamais être séparé de Fogg, que les deux formaient un tout inséparable, et que le domestique se définissait principalement par sa relation avec son maître. Cependant, pour la première fois, Passepartout évolue seul. Il a beau faire de son mieux, il est évident qu'il est tellement habitué à obéir aux ordres de Fogg et à être dans son ombre qu'il éprouve des difficultés à se débrouiller en solitaire. Sa joie absolue lorsqu'il retrouve Fogg prouve que c'est avec son maître que c’est dans son rôle d’acolyte qu’il se sent le plus à l'aise.
Quant à Aouda, son personnage n’existe qu'à travers ses interactions avec les autres protagonistes. Elle n’a pas de voix propre, ce qui reflète l’idée de l’époque selon laquelle les femmes étaient considérées comme moins capables que les hommes. Pourtant, il est clair qu'elle commence à développer des sentiments pour Fogg, attirée par sa mission, par sa nature stoïque et par la manière dont il la traite avec tant d'égards et de préoccupations, lui qui d’habitude ne se préoccupe pas tant des autres.
Pendant leur traversée du Pacifique, l’idée de la mesure du temps et de l’importance des montres fait à nouveau son apparition. Étant donné que tout le pari repose sur l'achèvement du tour du monde en quatre-vingts jours, il est évident que le temps est un thème crucial tout au long de l'histoire. Verne suggère également que le temps revêt une importance encore plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord. Il ne mentionnerait pas aussi fréquemment la montre de Passepartout et le décalage horaire s'ils n'avaient pas une importance future. En littérature, tout arrive pour une bonne raison.
Fix est toujours aussi déterminé à atteindre son objectif et à accomplir son devoir, ce qui le conduit à suivre Fogg jusqu'à Londres. La dynamique entre Fix, Fogg et Passepartout va probablement changer puisque désormais, Fix travaille avec eux et non contre eux. De surcroît, Passepartout détient désormais une arme redoutable : il connaît les véritables intentions de Fix, qu'il peut décider de partager avec son maître à tout moment.
Une fois les personnages arrivés à San Francisco, Verne démontre une nouvelle fois l’étendue de ses connaissances des différentes régions du monde, puisqu’il décrit la ville dans ses moindres détails. Les observations qu'il formule au sujet de l'Amérique reflètent non seulement son point de vue sur le pays, mais aussi celui de la société européenne, et plus particulièrement de la société britannique. L’histoire se déroule à l’époque où les États-Unis étaient en train de devenir une nation puissante en quête d'expansion et de progrès, ce qui a attiré l’attention de toutes les autres nations.
Les descriptions de Verne mettent en évidence l'image générale de " rusticité ” attribuée aux Américains à ce moment. Ils étaient perçus comme des individus brusques et turbulents, et le conflit entre les soutiens des deux candidats illustre parfaitement cette idée. Verne exploite cet épisode pour confronter l'Américain rustre à l'Anglais raffiné, et on devine rapidement où va sa préférence.
Au début du voyage en train, il décrit le paysage américain comme sauvage, indompté, fait d’espaces immenses et imprévisibles, avec un terrain qui varie considérablement en fonction des territoires. Cette description fait écho à celle qu'il a précédemment faite de l'intérieur de l'Inde : la " férocité " de l'Inde a créé des obstacles que les personnages ont dû affronter, et il est certain que la " sauvagerie " de l'Amérique leur réservera des défis similaires.