Scène I
La scène se déroule dans la boutique de Ragueneau, qui est rôtisseur-pâtissier. La pièce est bourrée de faisans, de jars, de rôtis et de gâteaux. Le propriétaire des lieux est assis à une table recouverte de feuilles de papier, en train de compter les syllabes sur ses doigts. Les cuisiniers et les boulangers plaisantent avec Ragueneau pendant qu'il écrit ses vers. Sa femme Lise arrive et lui apporte une pile de sacs en papier. Ragueneau dit de manière théâtrale que tous ses précieux livres ont été démembrés et que ses poèmes sont devenus des " sacs à mettre les craquantes ". Lise répond avec ironie qu'avant l'arrivée de ses amis poètes, il ne l'avait jamais appelée une meurtrière.
Scène II
Des enfants entrent pour acheter des petits pains et Ragueneau passe un accord avec eux : il leur donnera des petits pains supplémentaires s'ils lui rapportent le papier. Il retourne ensuite à ses poèmes.
Scène III
Cyrano entre dans la pièce et Ragueneau le félicite de s’être aussi bien battu. Lise lui pose des questions sur sa main blessée, mais Cyrano balaie la question d’un geste. Il demande à son ami s’il peut quitter la pièce pour qu’il puisse s’entretenir en privé avec quelqu’un d’important, mais Ragueneau refuse car des poètes doivent arriver. Lise fait remarquer à son mari que les poètes ne viennent que pour le petit déjeuner gratuit.
Soudain, un mousquetaire entre précipitamment et s'apprête à parler à Lise.
Cyrano réalise qu’il a besoin d’écrire tout ce qu’il ressent pour Roxane.
Scène IV
Un groupe de poètes arrive, attiré par l’odeur de nourriture qui s’échappe de la boutique. L'un d'entre eux mentionne qu'il est en retard en raison d'une bataille qui a eu lieu à la Porte de Nesle, apparemment causée par un seul épéiste. Cyrano, qui est probablement l'homme en question mais n'est pas reconnu par les poètes, les ignore et continue d'écrire.
Pendant ce temps, les poètes mangent des petits pains et Ragueneau lit sa " Recette rimée " sur la façon de préparer des tartelettes aux amandes. Les poètes félicitent Ragueneau avec enthousiasme, mais Cyrano critique leur gloutonnerie. Ragueneau admet que les poètes mangent beaucoup, mais qu'il aime les nourrir et cela lui donne une occasion de lire ses vers. Cyrano se tourne vers Lise, qui flirte avec un mousquetaire. Il la réprimande, mais elle essaie de provoquer son amoureux pour qu'il se moque de Cyrano à propos de son nez. Le mousquetaire prend peur et fuit, suivi par Lise.
Ragueneau emmène les poètes et leurs gâteaux ailleurs, libérant ainsi la place pour Cyrano.
Scène V
Roxane et sa duègne arrivent. Cyrano se débarrasse d’elle en lui donnant des gâteaux et en la renvoyant dehors.
Scène VI
Roxane remercie son cousin de s’être battu pour elle la veille, et regrette que De Guiche souhaite la voir mariée. Rappelant à Cyrano leur enfance et leur complicité fraternelle, elle lui demande une faveur. Tout en soignant sa main blessée, elle lui confie qu'elle est amoureuse d'un soldat du régiment de Cyrano, nommé Christian, mais qu'ils ne se sont pas encore parlé. Cyrano exprime des doutes quant à l'intelligence de Christian, mais Roxane proteste en affirmant qu'il ne peut pas réellement être stupide. Elle demande alors à Cyrano de prendre soin de lui et de l'empêcher de se battre en duel. Cyrano accepte sa requête.
Scène VII
Ragueneau revient dans la pâtisserie, suivi par le capitaine des cadets, Carbon de Castel-Jaloux. D'autres cadets s'entassent également dans la boutique et félicitent Cyrano pour son combat. Le Bret se joint à eux et demande à Cyrano, au milieu de l'agitation, ce qu’il s'est passé avec Roxane.
La foule devient de plus en plus agitée. Bien que Ragueneau soit heureux que tant de personnes soient dans sa boutique, Cyrano est désorienté et ne remarque même pas qu’un journaliste et un poète sont présents.
Cuigy, Brissaille et d'autres officiers viennent se présenter. Cuigy apporte un message du Maréchal de Gassion qui complimente Cyrano pour ses exploits de la veille. De Guiche arrive également et demande à Cyrano s’il est un Gascon, ce à quoi il répond simplement qu’il est un cadet. Tous les cadets commencent à changer une chanson à la gloire de leur troupe : " Bretteurs et menteurs sans vergogne,Ce sont les cadets de Gascogne ! Parlant blason, lambel, bastogne, Tous plus nobles que des filous, Ce sont les cadets de Gascogne ! ”.
De Guiche demande alors à Cyrano s'il accepte son patronage, mais le cadet hésite. Bien que Le Bret suggère que cela pourrait être bénéfique pour lui, Cyrano décide finalement de refuser pour rester le plus indépendant possible. De Guiche est déçu et lui dit qu’il est bien trop fier.
Un cadet entre, les bras chargés des chapeaux défoncés ayant appartenu aux soldats postés à la porte de Nesle. Quelqu’un se demande qui a bien pu envoyer des hommes là-bas, et de Guiche avoue que c’était lui. Embarrassé, il met Cyrano en garde contre le fait que tel Don Quichotte, il pourrait regretter de s’être attaqué à des moulins à vent.
Scène VIII
Après que la foule se soit dispersée, Le Bret reproche à Cyrano sa tendance à rejeter les gens qui se montrent gentils envers lui.
Cyrano, agacé, demande des conseils pour améliorer sa situation. De façon ironique, dans une longue tirade, il se demande s’il doit se trouver un protecteur, écrire des poèmes flatteurs pour les riches, jouer les bouffons ou encore payer un éditeur pour publier ses propres poèmes. À chaque fois, il répond : “ non merci ”. Il affirme clairement qu’il refuse toutes ces options, préférant être libre et vivre sa vie comme il l'entend. Il jure de réussir seul, sans aide extérieure.
Le Bret lui conseille de faire ainsi s’il le souhaite, mais d’au moins ne pas s’opposer à ses amis. Cyrano prétend qu'il n'a pas besoin d'amis et qu'il aime juste taquiner les gens.
Le Bret le prend doucement par le bras et lui demande d’admettre tout simplement que Roxane ne l’aime pas, ce à quoi Cyrano lui répond de se taire.
Christian entre discrètement et s'assoit avec les cadets sans être vu par Cyrano.
Scène IX
Un des cadets demande à Cyrano de raconter l'histoire de son dernier combat. En parallèle, les autres cadets avertissent Christian de ne pas faire de remarques sur le nez de Cyrano, ce qu’il ne manque pas de faire lorsque le Gascon commence son récit. Cyrano essaie de reprendre son récit, mais Christian continue de faire des commentaires sur son nez.
Cyrano devient de plus en plus furieux et finit par ordonner à tous les cadets de partir, sauf Christian, ce qu’ils font.
Scène X
Cyrano dit à Christian qu'il est très téméraire, puis lui apprend qu'il est le cousin de Roxane. Le nouveau cadet, soulagé et heureux, avoue à Cyrano qu’il l’admire et qu’il a été stupide de se moquer de lui. Il lui dit qu’il aimerait beaucoup pouvoir parler à Roxane mais qu’il se sent incapable de trouver les bons mots.
Cyrano a alors l’idée d’écrire à la place de Christian pour lui permettre de séduire Roxane, ce qu’il accepte rapidement. Cyrano lui donne une lettre qu'il a déjà écrite pour Roxane et lui fait croire que c’est une lettre banale, mais que comme les femmes sont très vaniteuses, sa bien-aimée pensera que la missive a été rédigée juste pour elle. Christian se demande s'il doit y changer quelque chose, mais Cyrano le rassure en lui disant que la lettre est parfaite telle quelle.
C'est ainsi que Cyrano commence à écrire des lettres pour Christian, en espérant que Roxane tombera amoureuse de lui.
Scène XI
Les hommes à l'extérieur jettent un coup d'œil dans la pièce et sont rassurés de voir que Cyrano et Christian ne se disputent pas. Un mousquetaire, bravement, suggère que peut-être maintenant ils pourraient tous parler du nez de Cyrano, mais celui-ci lui fait comprendre que c’est une très mauvaise idée en lui donnant une gifle.
Analyse
Dans cet acte, Rostand se concentre sur le personnage de Ragueneau, qui est à la fois pâtissier et poète en herbe. L'auteur le fait non seulement pour apporter un peu d’humour à la pièce, car Ragueneau est drôle, charmant et un peu maladroit, mais aussi pour explorer l'un des thèmes les plus importants de l'œuvre : le pouvoir de la poésie. Ragueneau compose des vers sur la façon de faire des tartelettes aux amandes et parle de sa Muse tout en travaillant dans sa cuisine. Il intègre la poésie dans sa vie quotidienne, allant même jusqu'à envelopper ses brioches dans du papier portant ses poèmes. Il observe avec poésie les éléments de la nature et répond en vers lorsqu'un autre cuisinier lui demande la quantité de sauce nécessaire pour un plat. Ragueneau vit et respire la poésie, même dans des situations qui ne s'y prêtent pas, ce qui le rapproche de Cyrano, un épéiste qui prend autant de plaisir à rimer que lui, bien que Ragueneau soit un peu plus ridicule que Cyrano.
Ce passage présente plusieurs éléments importants de l'acte, en plus de la bouffonnerie comique de Ragueneau. Tout d'abord, Roxane avoue qu'elle aime Christian, ce qui incarne la tradition romantique du coup de foudre sans connaître la personne. Cyrano, quant à lui, est plus " moderne " car il aime quelqu'un qu'il connaît très bien. Roxane se révèle être une femme nourricière et gentille, mais qui peut aussi s’avérer assez dramatique, par exemple lorsqu’elle répond “Eh bien ! j’en mourrais, là !” quand Cyrano lui dit que Christian est peut-être sot. Elle est à la fois forte et résistante aux avances de plusieurs hommes débauchés, mais aussi parfois un peu naïve, ne sachant pas qui la courtise vraiment et exigeant beaucoup de son amant.
Ensuite, Cyrano montre qu’il souhaite rester fidèle à lui-même et ne pas se soumettre à des mécènes ou à d'autres personnes cherchant à le contrôler. Il explique qu'il ne veut pas écrire des dédicaces à des hommes d'argent, ni voir sa réputation reposer sur un seul poème. Il refuse également d'idolâtrer des idiots, de vivre dans la crainte de la presse ou de devoir séduire des gens " utiles " au lieu d'écrire.Le Bret, qui est le plus ancien et le plus proche ami de Cyrano, lui reproche d'être trop indépendant et d'offenser volontairement tous ceux qui l'entourent. Il ajoute également, en connaissance de cause : " Dis-moi tout simplement qu’elle ne t’aime pas !”. Cyrano a clairement érigé un mur pour faire face à ses propres problèmes.
C’est également dans cet acte que Christian et Cyrano élaborent leur plan pour que le second permette au premier de séduire Roxane. Bien que tous deux aient l’air de penser que c’est une excellente idée, le spectateur ou le lecteur se doute rapidement que cela terminera mal. Ce texte est un exemple d’ironie structurelle, issue du contraste entre les qualités intérieures de Cyrano - son esprit et son intelligence - et son apparence laide. Ce contraste est à l'origine de la plupart des événements dramatiques de la pièce. Le contraste ironique entre les qualités intérieures et extérieures s'étend également aux autres personnages, tels que Christian, Ragueneau et le vicomte.