Surveiller et punir commence par la description de l’exécution de Robert-François Damiens, écartelé en 1757 pour avoir tenté d'assassiner Louis XV. Foucault décrit la transformation du châtiment, de la torture publique à la détention privée. Il présente Surveiller et punir comme une étude des changements politiques, historiques et sociaux qui ont influencé la discipline des individus dans les sociétés occidentales, en France, en Angleterre et, dans une certaine mesure, aux États-Unis.
Foucault identifie deux processus majeurs qui se sont déroulés entre 1750 et 1850. D’une part, la punition des criminels cesse d'être un spectacle public lors duquel la foule vient observer la torture à laquelle ils sont soumis. D’autre part, le châtiment ne vise plus le corps du criminel mais son âme. La punition a pour but de faire changer les criminels et non plus de les faire souffrir. Foucault décrit ce changement comme celui de “l'âge de la sobriété punitive”.
Pour Foucault, l’évolution de la nature de la punition traduit un changement radical dans l'organisation des sociétés occidentales. L’histoire de la sanction pénale illustre celle de la nature changeante du pouvoir. Au temps de Damiens, l’infraction est conçue comme une offense envers le roi. Aux siècles suivants, le crime est perçu comme une atteinte envers la société dans son ensemble plutôt qu’envers le seul monarque. Foucault décrit la punition de Damiens comme la rétribution de son crime mais aussi comme une démonstration publique du pouvoir du roi, une célébration de son règne. À l’ère moderne, la punition marque le triomphe de la société et des normes sociales.
Selon Foucault, les sociétés occidentales ont développé de nouvelles institutions et technologies afin d'opérer ce passage d’une punition focalisée sur la souffrance du corps à une sanction visant à réformer l'âme de l’individu. Ce changement requiert d’étudier la personnalité du criminel. La transformation de la punition s’effectue dans un contexte d’essor de sciences comme la psychologie.
Le système pénal s’inscrit dans un cadre institutionnel plus large qui inclut notamment les institutions scientifiques et universitaires. La loi ne peut être étudiée de manière isolée. Foucault considère qu’il est essentiel d’examiner les débats présents dans d’autres domaines : c’est ce qu’il appelle l’étude du discours. Foucault identifie des discours scientifiques, juridiques, médicaux et religieux. L’historien doit étudier simultanément ces discours pour comprendre leurs liens et leurs objectifs communs. Foucault évoque ainsi le “complexe scientifico-juridique”, dans lequel les discours se mélangent.
L'enchevêtrement des institutions est lié à plusieurs des principes qui guident l'étude de Foucault. Dans son introduction, il en énonce explicitement quatre. Premièrement, la punition n’a pas qu’un objectif répressif. La punition vise également à faire changer le comportement de l’individu afin qu’il ne commette plus de crimes. Foucault s'intéresse à ce qu’il appelle le côté productif de la punition, i.e., le changement que celle-ci produit au sein de la société. Deuxièmement, Foucault décrit la loi comme une tactique politique. L’application de la loi est une démonstration du pouvoir de celui qui l’applique. La politique et le droit vont de pair. Troisièmement, la science et le droit évoluent conjointement : les discussions scientifiques, notamment sur la psychologie, doivent être incluses dans le système pénal. Enfin, cet enchevêtrement symbolise la façon dont “le corps lui-même est investi par les rapports de pouvoir”.
Foucault conclut le premier chapitre sur une note plus personnelle. Il a été inspiré par les révoltes de prisonniers en France au début des années 1970. Les mauvais traitements qui leur étaient infligés l'ont amené à s'intéresser à l'histoire de la prison. Surveiller et punir relie en permanence le passé au présent.
Analyse
Surveiller et punir est une œuvre surprenante, tant historique que théorique. Foucault décrit des faits historiques et s'appuie sur des documents d'archives tels que des jugements, des livres et des pamphlets. Il déduit de ces descriptions des théories sur le fonctionnement de la société. Il cherche à comprendre non seulement l'émergence d'institutions telles que la prison mais aussi ce que ces institutions nous disent sur le fonctionnement du pouvoir.
L’histoire du châtiment est en réalité une histoire de la société dans son ensemble. La manière dont les sociétés punissent est liée à la manière dont elles sont structurées. L’étude conjointe de ces dynamiques permet une meilleure compréhension de la société dans son ensemble. Foucault étudie également la manière dont les individus parlent de la punition. Le discours, pour Foucault, traduit les valeurs, les principes et les appréhensions de nos sociétés. Foucault souligne que le discours ne poursuit pas directement cet objectif structurant : les effets d’une action peuvent être entièrement différents de l’intention originelle. Le discours est simplement une trace des transformations de la société.
Foucault change constamment de lieu et d’époque. Son étude comparative vise à dégager des thèmes qui transcendent les contextes nationaux. Il étudie ainsi la place du pouvoir dans les sociétés occidentales, plus que les conditions de vie des prisonniers. Les ellipses temporelles soulignent la théorie de Foucault selon laquelle l'étude du passé permet d'étudier le présent. Cela fait partie de la “généalogie”. Foucault adopte cette approche car il est convaincu que la société actuelle est en partie produite par les comportements des générations passées. Connaître les mutations et les évolutions du passé permet de mieux comprendre le présent. Pour Foucault, une telle étude a une force transformatrice et peut servir de vecteur de mobilisation politique.