Surveiller et punir

Surveiller et punir Résumé et Analyse

Cette dernière partie retrace l’histoire de la prison au XIXème siècle. Lorsque la prison devient une institution destinée à réformer les individus considérés déviants, elle prend rapidement son essor. En effet, la prison semble constituer une peine parfaite dans une société qui valorise la liberté par-dessus tout. De plus, la privation de liberté a un impact qui est perçu comme égal pour tous, contrairement aux sanctions financières qui affectent plus les pauvres que les riches.

La prison est aussi perçue comme une institution qui transforme les individus. Tout comme une caserne crée de bons soldats, une prison doit créer de bons citoyens prêts à jouer un rôle dans la société. Afin d'opérer cette transformation, la prison opère à trois niveaux : politico-moral, économique et technico-médical. Sur le plan politico-moral, le criminel est isolé de la société. Sur le plan économique, le criminel travaille pendant qu’il est incarcéré. Le travail carcéral profite à la société mais est aussi considéré comme un entraînement nécessaire pour réintégrer la société. Enfin, sur le plan technico-médical, le criminel est traité comme une personne à guérir, la guérison étant sa réadaptation aux normes sociales.

Foucault utilise le vocabulaire médical pour expliquer le passage de la conception d’“infracteur” (celui qui a commis une infraction) à celle de “délinquant”. L’infracteur n’est identifié que pour le délit ou le crime qu’il a commis et est puni pour cette action. Le délinquant, en revanche, est considéré comme un individu dont la personnalité doit être étudiée et pour qui la peine est systématiquement adaptée. L’infraction est perçue comme un symptôme, une manifestation de la personnalité. Le délinquant n’est plus une personne qui a commis une ‘mauvaise action’ mais une personne déviante dont le comportement doit être façonné pour s’adapter à la vie sociale. Le délinquant va ainsi être ‘examiné’ tout au long de la procédure pénale.

La prison n’est donc plus une simple sanction légale. C’est une “technique punitive” qui vise à réformer et à remodeler la vie entière du délinquant. L'individu devient à son tour, comme dans les autres institutions, un objet de pouvoir et de savoir. Sa vie entière doit être connue pour déterminer sa peine et cette connaissance fait partie de sa réadaptation au sein de la société dont il a transgressé les normes.

Foucault analyse également la production du concept de “délinquant” en tant que catégorie. Il note que la multiplication des prisons coïncide avec l'essor des sciences psychologiques. Les nouvelles formes de connaissance, comme la psychologie, produisent des types de personnes, comme le délinquant, qui sont ensuite soumises au pouvoir des institutions médicales et juridiques. La production de connaissances est intrinsèquement liée à l'exercice du pouvoir et ne se développe pas indépendamment. En fournissant de nouvelles clés d’analyse de la société et de l’individu, la psychologie permet de créer une nouvelle catégorie d’individus qui doivent être ‘guéris’ socialement.

Foucault souligne que l’essor de la prison n’a pas permis de faire baisser la criminalité. Les criminels incarcérés récidivent souvent peu après leur libération et ne sont pas réformés. Foucault se demande donc pourquoi l’emprisonnement reste une peine privilégiée malgré son échec. Il explique tout d’abord que les critiques du système carcéral se focalisent principalement sur son amélioration. Ces critiques identifient sept principes que les prisons devraient respecter pour atteindre leur objectif : isoler les criminels de la société, individualiser la punition, obliger les prisonniers à travailler, éduquer les prisonniers, surveiller les prisonniers, transformer les prisonniers et ériger des institutions auxiliaires pour surveiller les prisonniers après leur libération.

Foucault propose une autre explication au maintien du système carcéral malgré son échec apparent : un tel échec est en réalité productif pour la société. Il rappelle ainsi que l’idée de la prison s’est co-construite avec le concept de délinquant plutôt que d’infracteur. La prison est ainsi devenu un lieu de production de savoir. Le rôle central de la prison est de contribuer à renforcer les normes sociales et à produire la société disciplinaire.


Analyse

Le dernier chapitre est centré sur la prison, faisant écho aux émeutes mentionnées dans le premier chapitre du livre. Foucault évoque notamment les enjeux politiques et philosophiques liés au système carcéral. La prison façonne la conscience et renforce le pouvoir disciplinaire dans l’intégralité de la société. Les débats sur la prison ne concernent donc pas seulement les prisonniers, mais l'ensemble du corps social. Foucault rejette les critiques existantes du système carcéral car elles n’essaient pas de remettre en cause son existence. Il souligne que ces critiques visent plus à créer une société structurée qui sépare les ‘bons’ citoyens des “délinquants” qu’une société véritablement juste.

Foucault s’intéresse également à la production de catégories, comme celle de “délinquant”, ce qui est une thématique récurrente de ses œuvres. Il explique comment des catégories et des identités apparaissent a posteriori pour décrire l’individu. La création de la catégorie de “délinquant” devient une identité à part entière qui englobe, dans l’imaginaire social, l’intégralité de la personnalité de l’individu. La production de catégories est fortement liée à l’essor de la psychologie et à la classification des personnes. Cette classification s’est accélérée au XXème siècle, au travers de la généralisation de livres comme le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychological Association. Foucault a étudié la psychologie dans sa thèse, Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique, qui retrace l’évolution de la perception des troubles mentaux.

Foucault conclut l’ouvrage en analysant une institution spécifique, la prison, après avoir expliqué le concept général de panoptisme dans les sociétés occidentales. Il décrit ainsi deux histoires parallèles : le développement d’un pouvoir diffus, au travers d’une surveillance sociale généralisée et le destin d'une institution particulière, la prison, dont il souligne la crise profonde. Pour Foucault, l’abolition du système carcéral peut être une étape nécessaire pour mettre fin à la surveillance généralisée de nos sociétés disciplinaires.