Surveiller et punir

Surveiller et punir Résumé et Analyse

Dans ce chapitre, Foucault s'inspire de la conception des prisons proposée par Jeremy Bentham, le “Panopticon”, dont il tire le concept de panoptisme. “Pan” signifie “tout” et “optisme” renvoie à la vue ; le Panoptique désigne une institution dans laquelle tout est vu, dans laquelle tout le monde est constamment sous surveillance. Bentham a imaginé une prison avec une haute tour centrale et des cellules disposées en cercle autour d’elle. Un prisonnier dans une cellule peut être vu à tout moment par le gardien posté dans la tour. Le gardien ne surveille pas les prisonniers en permanence ; c’est la seule possibilité d’être surveillé qui force les prisonniers à respecter les règles de l’institution.

Le panoptisme désigne cette impression de surveillance constante. Le pouvoir doit être “visible et invérifiable” : dans le Panopticon de Bentham, la tour centrale montre à tous les prisonniers qu’ils peuvent être observés en permanence. Les prisonniers ne voient pas l’intérieur de la tour et ne peuvent pas savoir s’ils sont réellement surveillés. Le pouvoir de l’institution en est décuplé.

Bentham a conceptualisé le Panopticon pour décrire le fonctionnement carcéral. Pour Foucault, ce concept s’applique à la société moderne dans son ensemble. Il qualifie cette société de “disciplinaire”, en opposition à la société souveraine. Dans une société souveraine, le pouvoir est localisé dans une personne, le roi, qui contrôle la loi et légitime l'exercice de la force. Dans une société disciplinaire, les individus sont contrôlés par les normes sociales qui infusent la société. La société est le lieu du pouvoir et de la surveillance.

Pour mieux expliquer le développement de la société disciplinaire, Foucault évoque la gestion de la peste dans les années 1600. Les pestiférés étaient mis en quarantaine, ce qui divisait explicitement la société entre malades et non malades. Foucault explique qu’une telle division physique n’a pas lieu d’être dans une société disciplinaire. La surveillance constante exercée par ses pairs pousse l’individu à respecter les normes sociales. Foucault évoque ainsi la généralisation de la surveillance : l’individu se sent surveillé en permanence.

Foucault décrit la discipline comme étant un type de pouvoir qui n’est pas généré par une institution spécifique. Le pouvoir disciplinaire n'appartient pas non plus au gouvernement, à la police ou à d'autres organes officiels : personne n'a de contrôle sur les normes sociales car tous les individus y sont soumis.

Foucault définit “l’inversion fonctionnelle des disciplines” comme le passage d'une discipline concentrée dans des institutions déterminées à un pouvoir diffus qui s’exerce au sein de la société. La discipline visait auparavant à éliminer certains comportements : elle avait une fonction de négation. C’est la “discipline-blocus”. Aujourd'hui, la discipline a également une fonction positive, celle de créer des “individus utiles”. C’est la “discipline-mécanisme”, qui vise à influencer l’ensemble des comportements individuels.


Analyse

Dans la section précédente, Foucault identifie les similitudes entre différents types d'institutions – les écoles, les casernes et les hôpitaux – qui sont des lieux clos dans lesquels chaque membre a un rôle défini. Dans ce chapitre, Foucault applique ce processus à l’ensemble de la société. Il décrit comment un type de pouvoir spécifique à des lieux et des moments déterminés se diffuse au travers de la société et s’exerce en permanence.

Le panoptisme désigne la sensation que chaque individu a d’être constamment surveillé. Cette impression de surveillance généralisée le pousse à agir correctement. Foucault souligne à plusieurs reprises que l’individu n’a pas besoin d’être véritablement surveillé pour respecter les normes sociales. L’impression de surveillance est suffisante pour que chacun intériorise les règles de la société. La force du pouvoir disciplinaire réside dans cet aspect implicite et diffus. Plus les normes sont intériorisées, plus le pouvoir est ancré.

Foucault considère que l’identité de citoyen est une manifestation du pouvoir. Des significations et des comportements y sont attachés. Aucune identité n’est neutre. Ainsi, tout individu qui s’identifie à une figure d’autorité ou à une personne spécifique le fait dans le cadre d'un système de normes qui influence son comportement.

Bien que Bentham le décrive en détail, aucun Panopticon n’a été construit au XIXe siècle. Foucault ne s’intéresse pas au bâtiment physique en soit, mais à la logique à laquelle il obéit. Le Panopticon est la métaphore d’un modèle de société et de pouvoir. L’attention portée par Foucault aux descriptions de Bentham démontre son intérêt pour l’analyse des discours et des imaginaires. Penser le Panopticon permet de comprendre les différents types de pouvoir et les conceptions de la société.