Le libre arbitre
Le Prince est l'un des manuscrits emblématiques de la Renaissance. En tant que tel, il est souvent associé à l'humanisme, à l’individualisme et donc au libre arbitre. Machiavel adresse explicitement ce sujet. Il écrit : " ne pouvant admettre que notre libre arbitre soit réduit à rien, j'imagine qu'il peut être vrai que la fortune dispose de la moitié de nos actions, mais qu'elle en laisse à peu près l'autre moitié en notre pouvoir. ”. Machiavel considère que la chance doit être défiée avec audace. Le Prince peut être interprété comme une analyse de l’interaction entre la chance et l’agentivité de l’être humain. Comment un dirigeant peut-il utiliser la chance à son avantage ? Comment peut-il, à son tour, surmonter les obstacles que la " Fortune ” place sur son chemin ? À cet égard, Machiavel présente une vision profondément séculière de la politique, dans laquelle les humains peuvent modeler leur propre destinée grâce à la ruse et à la prudence.
La cruauté
Dans l'un des chapitres clés du Prince, “ De la cruauté et de la clémence ”, Machiavel soutient qu'il est plus sûr pour un dirigeant d'être craint que d'être aimé. Les être humains craignent la punition et cette peur peut être bénéfique à celui qui détient le pouvoir. La peur est un sentiment primitif bien moins variable que l’amour ou l’admiration. Un dirigeant prudent peut donc utiliser la cruauté à son avantage, mais uniquement quand il le juge nécessaire. Machiavel insiste sur ce dernier point et condamne l’usage non nécessaire de la cruauté. Son ton reste toutefois admiratif lorsqu’il évoque des dirigeants particulièrement féroces, comme Agathocle de Syracuse et Oliverotto da Fermo.
Les armes
La force militaire est d'une grande importance pour Machiavel. Il écrit que les dirigeants devraient être à la fois des hommes et des animaux, des intellectuels et des guerriers. Il associe les dirigeants politiques au lion, qui représente la force pure, et au renard, qui incarne la ruse. Machiavel plaide en faveur de l’utilisation par les Médicis de leurs propres troupes et critique la dépendance des gouvernements envers les mercenaires, qu’il considère comme responsables de l'affaiblissement de l'Italie. Le Prince est un récit de conquêtes et de conquérants ; c'est une vision de la politique nécessairement baignée de sang.
L'histoire
Machiavel était avant tout un historien. Tout au long du Prince, il se réfère à d’importantes figures historiques, de Cyrus à Cesare Borgia, des Romains à Louis XII, de Carthage aux cités-états allemandes. Ces exemples sont particulièrement importants dans la rhétorique de l’auteur. Machiavel soutient que pour être grand, il faut étudier les grands du passé, et pour éviter les écueils, il faut examiner les erreurs des prédécesseurs déchus : " Quant à l'exercice de l'esprit, le prince doit lire les historiens, y considérer les actions des hommes illustres ”. Cette posture intellectuelle s’ancre dans la tradition des humanistes de la Renaissance, pour qui l’histoire était source d’inspiration.
La générosité
Machiavel parle avec prudence de la générosité en politique. Il considère qu’un dirigeant doit économiser l’argent public afin d’assurer sa stabilité et d’être préparé aux crises potentielles. Le Prince ne s’intéresse que peu à l’économie et se concentre plutôt sur les questions militaires. La question de la générosité est abordée au travers de celle de la réputation. Machiavel soutient que la générosité cache souvent des intérêts personnels. Par ailleurs, si un dirigeant distribue de nombreuses faveurs, il épuise les ressources de l’État. La générosité n’est donc, pour Machiavel, qu’un simulacre.
L'Église
Bien que Machiavel ne critique pas directement l’institution cléricale, il s’oppose à sa politique. Il blâme le soutien qu’a apporté le pape aux révoltes italiennes à la chute de l'Empire romain, dans le seul but de renforcer le pouvoir de l’Église. Cette politique a facilité le morcellement de l’Italie en de petits États, avec les États pontificaux au centre. Le pape connaissait peu les questions militaires et a fini par s'appuyer sur des troupes étrangères, ce qui a fait diminuer la puissance militaire des États italiens. Machiavel parle toutefois avec admiration du pape Alexandre VI – père de Cesare Borgia, qui était, selon lui, un habile politicien.
L'unification de l'Italie
Machiavel conclut Le Prince par une “ Exhortation à délivrer l'Italie des barbares ”. En d'autres termes, il lance un appel à l'unification de l'Italie. Ce rêve, qui ne se concrétisera pas avant le XIXème siècle, était cher à Machiavel. Il s'adresse explicitement à Lorenzo de Médicis comme au sauveur potentiel que l'Italie attendait : " votre illustre maison, qui, par ses vertus héréditaires, par sa fortune, par la faveur de Dieu et par celle de l'Église, dont elle occupe actuellement le trône, peut véritablement conduire et opérer cette heureuse délivrance. ”. L’unification de l'Italie est un moyen de racheter les péchés de ses dirigeants, les échecs de ses innombrables cités-états, les erreurs de ses armées et les défauts de sa population. L'unification est invoquée en termes presque bibliques, comme un salut collectif, avec l'unificateur comme messie – une conclusion presque étrange pour un livre si séculier.