Vers la fin du mois d'octobre 1830, un jeune homme entre dans une maison de jeu située à Paris, au Palais-Royal. Il semble totalement désespéré. Il joue au jeu et perd sa dernière pièce d'or, se retrouvant ainsi sans argent. Il sort du tripot et se rend sur le Pont Royal. Il est fermement décidé à se jeter dans la Seine afin d'en finir, mais, pour être certain qu'on ne puisse pas le sauver, décide d'attendre que la nuit soit tombée. Il poursuit donc son chemin et se met à flâner devant les bouquinistes du bord de Seine. Il croise un mendiant et, contre toute attente, trouve quelques pièces au fond de sa poche pour les lui donner. Il croise une jeune femme qui achète des estampes et reste sous le charme de son élégance. Il passe devant un magasin d'antiquité dans lequel il décide de pénétrer.
Dans cette boutique, il se laisse guider par un enfant qui lui fait visiter le magasin. On y trouve un amoncellement d'objets provenant de toutes les civilisations passées autour du monde, des ouvrages rares et chers et des oeuvres d'art de grande valeur. Une boite attire son attention et, pour en découvrir le contenu, il demande à rencontrer l'antiquaire. Arrive alors un très vieil homme qui revêt une apparence inquiétante, un peu satanique. Il montre au jeune homme un portrait de Jésus-Christ réalisé par le peintre Raphaël d'Urbino. Après avoir échangé quelques mots, le jeune homme fait part à l'antiquaire de son intention de se suicider le soir même. Le vieil homme lui montre alors la peau d'onagre accrochée en face du tableau. Cette peau de chagrin semble briller étrangement. Au dos, le jeune homme découvre une inscription en sanskrit qu'il réussit à déchiffrer. Il est inscrit que la peau aurait le pouvoir de réaliser tous les souhaits émis par son propriétaire, mais qu'en contrepartie, à chaque voeux exaucé, la peau rétrécirait et son possesseur verrait sa vie amputée d'années de vie. En concluant ce pacte, la mort du possesseur surviendrait donc avec la disparition de ce talisman. Le jeune homme se demande pourquoi personne n'a jamais voulu acquérir cette peau magique. L'antiquaire lui explique que, selon lui, seul le savoir permet de vivre longtemps tandis que céder au vouloir et au pouvoir épuise l'être humain et consume sa vie trop rapidement. Le jeune homme déclare que, pour sa part, il préfère vivre moins longtemps mais profiter de la vie et de ses excès. Puisqu'il lui importe peu de mourir - il avait l'intention de se suicider - il décide de posséder la peau. Il formule alors son premier voeux : participer à une orgie et s'abandonner sans retenue au luxe et à la débauche. Avant de partir, le jeune homme souhaite au vieillard de tomber amoureux d'une danseuse. Il met la peau dans sa poche sans s'apercevoir qu'elle a changé de nature et est devenue toute souple.
Alors qu'il sort de la boutique d'antiquités, le jeune homme tombe sur trois de ses amis qui le cherchaient depuis plusieurs jours. On découvre que le jeune homme s'appelle Raphaël. Ses amis lui expliquent que le banquier Taillefer, un homme controversé, donne une grande fête pour célébrer la création de son tout nouveau journal. Ce journal est orienté en faveur du nouveau régime politique né de la révolution de Juillet 1830 - la monarchie parlementaire - qui a placé le roi Louis-Philippe sur le trône de France. Les amis décident de se rendre à cette fête. Le voeux de Raphaël vient de se réaliser.
Arrivés à l'hôtel de Taillefer, les amis découvrent une fête fastueuse. Les gens qui y participent sont de jeunes gens désabusés. Les convives profitent des vins qui leur sont servis et, l'ivresse aidant, commencent à exposer leurs idées politiques dans un brouhaha inaudible. S'instaure un dialogue de sourds dont il ne sort rien de constructif. À la fin du repas, les invités saoulent passent au salon et y découvrent que de jeunes courtisanes les attendent. Parmi elles, Raphaël et son ami Émile, font la connaissance d'Aquilina et Euphrasie. Aquilina a perdu son amant, guillotiné, en mémoire duquel elle porte un chiffon rouge à sa robe. Elle est tombée dans le vice après sa mort. Euphrasie est une femme froide dont le visage candide cache une profonde dépravation. Sous l'effet de l'alcool, Raphaël se confie à Émile sur le désenchantement qui l'habite, sur le dégoût de la vie qu'il ressent. Comme Émile prend ces déclarations à la légère et se moque de Raphaël, celui-ci entame alors un long récit pour justifier son point de vue.
Analyse
Dans cette première partie, on découvre donc un personnage qui, ayant joué et perdu sa dernière pièce d’or dans un tripot, se retrouve dans une situation si désespérée qu’il décide de se suicider le soir même. À ce stade du récit, le lecteur se demande quand le héros va mourir. Il attend donc la mort du personnage.
En attendant que la nuit tombe, l’homme déambule dans les rues de Paris et finit par entrer dans une boutique d’antiquaire. On retrouve ici des éléments qui ancrent le récit dans le vraisemblable. À ce stade de l'hisoire, il ne fait aucun doute pour le lecteur que le personnage ne fait qu’attendre sa mort. Pourtant, une fois dans la boutique, le narrateur amène peu à peu des éléments qui vont préparer le lecteur à la survenue d’un évènement étrange qui va remettre son point de vue en perspective. Tout d’abord, par un court dialogue entre le jeune garçon et le héros, le narrateur introduit dans le récit une boite dont on ignore le contenu exact et dont la clef est détenue par un personnage qui semble mystérieux. Ensuite, l’auteur va profiter de l’attente de l’arrivée de l’antiquaire pour apporter des éléments de lecture qui vont permettre au lecteur de s’identifier au héros. Ainsi, à travers les yeux du personnage, le lecteur va découvrir la boutique. Celle-ci va peu à peu se transformer en un univers étrange, peuplé d’objets qui semblent prendre vie. Au fur et à mesure de son avancée dans la boutique, la luminosité baisse et le silence, un silence effrayant, remplace le bruit de la rue. Le héros, et donc le lecteur, se trouve immergé dans un univers fantomatique. L’auteur décrit le personnage comme somnolent, plongé dans un monde de rêves et de cauchemars. Il n’est plus capable de discerner ce qui relève de la réalité et ce qui est le fruit de son imagination. Ce n’est qu’une fois le héros hors de la réalité, dans cette sorte de torpeur, que l’auteur va introduire le personnage de l’antiquaire. Le premier contact se fait par le biais d’une voix terrible qui fait tressaillir le héros (comme dans un cauchemar). Cette voix, accompagnée d’une lumière vive, ramène le héros dans une réalité qui devrait être rassurante. Pourtant, ce n’est pas le cas. L’homme qui se tient devant lui est tout sauf rassurant. À la fois jeune et vieux, l’antiquaire semble tenir autant de Dieu que du Diable. L’auteur va plonger le lecteur dans cette oscillation entre le possible et l’impossible, typique du genre fantastique, en utilisant tantôt un vocabulaire relevant du lexique rationnel, tantôt un vocabulaire relevant de l’irrationnel. Lorsque le vieillard prend la parole, le récit revient dans le réel. Il présente alors le contenu de la boite qui intriguait tant le héros. Il s’agit d’un tableau, exceptionnel certes, mais d’un tableau. L’objet n’est en rien mystérieux ou surnaturel. C’est alors que survient l’évènement fantastique. Tout d’abord, l’antiquaire se révèle être centenaire. Son âge va suggérer au lecteur que la peau de chagrin est également très vieille et que son origine se perd dans l’Histoire. Lorsque le vieil homme explique au héros que la peau, aux origines tangibles, possède un pouvoir surnaturel, celui de réaliser tous ses souhaits, ce dernier va refuser d’y croire. Il explique l’étrange clarté qui émane de la peau par des raisons scientifiques et l’inscription en sanscrit par des superstitions. En émettant une série de souhaits, le héros signe le pacte sans trop croire au pouvoir de la peau. Si le héros est encore dans le déni en sortant de la boutique avec la peau, le lecteur quant à lui comprend que le talisman a un réel pouvoir puisque le narrateur précise que la peau, comme pour sceller le pacte, est devenue souple. L’introduction de cet élément fantastique va modifier l’attente du lecteur. Il ne va plus se demander quand le héros va mourir, mais comment et jusqu’à quand le personnage va arriver à déjouer son funeste destin. Finalement, avec l’arrivée de la peau de chagrin, la question devient de savoir comment le héros va-t-il survivre, à échapper à son destin. En sortant de la boutique, le héros, Raphaël, rencontre trois amis qui l’invitent à une soirée organisée par un riche banquier. À ce stade, Raphaël pense encore qu’il s’agit d’un enchainement heureux de circonstances. Sa prise de conscience vient lorsqu’il apprend qu’il vient d’hériter d’un oncle lointain. Cette révélation le plonge alors dans la panique, car il réalise alors que ses jours sont vraiment comptés et suspendus à ses souhaits.