La Peau de chagrin

La Peau de chagrin Résumé et Analyse

Nous sommes au début du mois de décembre 1831. Grâce à l'argent dont il a hérité, Raphaël vit rue de Varrenne, dans un somptueux hôtel particulier. Il a rappelé auprès de lui Jonathas, majordome au service de sa famille depuis longtemps. Un jour, un ancien professeur de Raphaël, Porriquet, s'annonce et demande à le voir. Jonathas lui explique que Raphaël ne veut recevoir aucun visite. La réalité est que Raphaël s'est cloitré dans sa chambre dans l'idée de ne pas être soumis à la tentation consciente ou inconsciente de formuler le moindre souhait, le moindre voeux. Jonathas a même pour mission d'anticiper toutes les volontés de Raphaël afin que ce dernier n'ait jamais à les formuler ni même à les imaginer. Les mots désirer, vouloir ou souhaiter sont exclus de leurs conversations. Contrairement à ses résolutions, Raphaël décide de recevoir son ancien professeur. Ce dernier le trouve faible, frappé d'une vieillesse prématurée. Le professeur explique à Raphaël qu'il a besoin de son aide pour être réhabilité dans la société. En effet, accusé d'être un partisan du retour au pouvoir de Charles X qui vient d'être renversé, le professeur a perdu sa chaire et souhaite être blanchi grâce aux relations de Raphaël. Au détour de la conversation, Raphaël commet l'erreur de souhaiter au professeur de réussir dans son objectif. Immédiatement, Raphaël constate que la peau vient de rétrécir. Raphaël est furieux contre lui et s'en prend à Jonathas. Ce dernier l'informe qu'il a réussi à obtenir une loge au théatre des Italiens pour le soir même. Raphaël cède à l'envie de s'y rendre et arrive pendant l'entracte. Il croise alors dans les couloirs l'antiquaire qui se promène au bras d'Euphrasie, comme il l'avait souhaité avant de quitter sa boutique. Raphaël s'installe dans sa loge. Parmi le public, il reconnait Émile, Rastignac, Taillefer et Foedora. Dans la loge à côté de la sienne, une jeune femme s'installe et ne passe pas inaperçue. Un murmure d'admiration parcourt la salle. Raphaël reconnait alors Pauline. Celle-ci lui dit qu'elle souhaite le revoir et lui donne rendez-vous à l'hôtel de sa mère pour le lendemain.

De retour chez lui, Raphaël formule le souhait d'être aimé par Pauline et constate que la peau ne rétrécit pas. Il comprend alors que Pauline l'aimait avant qu'il acquiert la peau. Le lendemain, il retrouve Pauline comme convenu et apprend qu'elle est très riche. En effet, Pauline lui explique que lorsque son père est finalement rentré, il était devenu très riche. Raphaël réalise qu'il peut dorénavant aimer Pauline sans aucune retenue. Pauline est heureuse car cela réalise enfin son rêve. En rentrant chez lui, Raphaël constate que la peau a rétréci. Il explique le phénomène par le désir sexuel qu'il a inconsciemment formulé au contact de Pauline. Furieux, Raphaël jette la peau au fond d'un puits en criant "au diable ces sottises!". Les amoureux profitent alors sans limite du bonheur de s'aimer enfin et satisfont tous leurs caprices. Malheureusement, un jour, le jardinier découvre la peau au fonds du puits et la ramène à Raphaël. Bien qu'ayant séjourné longtemps dans l'eau, la peau est sèche. Raphaël décide alors de prendre les choses en mains et de consulter des savants pour avoir leur avis.

Il consulte donc tout d'abord Lavrille, un éminent zoologiste, qui est très fort pour classer les espèces d'animaux et qui en conclue que la peau est bien soumise aux lois ordinaires de la zoologie. Le naturaliste recommande à Raphaël de consulter Planchette, professeur de mécanique, qui sera sûrement capable de trouver un moyen d'étendre la peau. Raphaël rencontre Planchette et soumet la peau à son expertise de la mécanique, en vain. Planchette lui conseille de traiter la peau par des réactifs et le renvoie vers Japhet, chimiste. Ce dernier décide de soumettre la peau aux traitements utilisés sur les minéraux. Mais rien n'y fait. Face à l'impuissance des scientifiques à étendre la peau, Raphaël, fou de rage rentre chez lui. Il se dit alors que si les scientifiques n'ont rien pu faire sur la peau, peut-être que la médecine saura agir sur sa santé. Pauline prend conscience que Raphaël est très malade. Raphaël convoque quatre médecins: Brisset qui considère que tout est déterminé et s’explique par la matière, Cameristus qui trouve une origine spirituelle à la naissance des maladies, Maugredie qui oscille entre les deux théories et Bianchon qui se révèle un peu plus empathique et conseille à Raphaël de partir en Savoie pour un séjour au grand air.

Raphaël se rend donc dans une station thermale située à Aix-les-Bains mais la cure se passe mal. En effet, il se heurte à l'hostilité et l'agacement des autres patients qui n'apprécient pas son comportement étrange. L'un d'eux, un jeune aristocrate, le provoque en duel et Raphaël le tue d'un simple souhait. La peau mesure alors la taille d'une feuille d'arbre. Raphaël quitte la station thermale et décide de rentrer chez lui. Sur son chemin, il s'arrête en Auvergne. Il souhaite se retirer paisiblement jusqu'à sa mort prochaine mais les paysans chez qui il a trouvé asile le prennent en pitié. Raphaël décide d'achever son séjour et de reprendre le chemin vers Paris. Sur sa route, une fête de village l'agace au point de formuler le voeu de la voir se terminer. Un orage soudain met fin à la fête.

Lorsque Raphaël arrive chez lui, il n'est plus que l'ombre de lui même. Il est glacé et reste près de la chemine pour se réchauffer. Il refuse de voir Pauline. Raphaël demande à Bianchon de lui préparer une tisane à base d'opium pour ne plus souffrir. Il s'enfonce alors dans un sommeil proche du coma. Su les bons conseils de Bianchon, Jonathas organise une fête pour distraire Raphaël. Ce dernier, agacé, se réfugie dans sa chambre. Il y trouve Pauline et lui révèle le pacte maudit. Un dernier élan de désir pour Pauline rétrécit une fois de plus la peau que celle-ci tient dans sa main. Pauline, persuadée que par sa mort, Raphaël sera libéré de ce désir qu'il a pour elle et sera sauvé, tente de se suicider en s'étranglant avec un de ses châles. Raphaël arrive à l'empêcher de se tuer mais meurt dans ses bras.

Analyse

Si, dans les deux parties précédentes, la peau de chagrin et ses pouvoirs étaient évoqués (le souhait de participer à une orgie et l’héritage de l’oncle lointain) ou tus (on n’en parle pas dans la seconde partie), dans cette dernière partie, ils sont au cœur de l’intrigue. En effet, Raphaël va vivre au rythme de la peau. Cette dernière va alors représenter une sorte de double symbolique de Raphaël, une espèce de miroir. Elle apparait comme l’énergie vitale qui l’habite. Plus Raphaël puise dans cette énergie, plus sa vie s’amenuise. Les excès l’amènent à consumer rapidement sa vie, tandis qu’une existence retenue lui permet d’économiser des jours d’existences. Selon l’auteur, le choix entre économiser sa vie ou la dépenser est un dramatique dilemme pour l’homme. Selon lui, soit l’être humain prend le parti d’économiser sa vie en évitant de consommer à l’excès (argent, nourriture, désir, etc.), mais il vivra une vie peu excitante, soit il vit dans les plus grands excès, mènera une vie courte, mais exaltante. Dans un premier temps, Raphaël va faire le choix de la retenue. En effet, dès le début de cette troisième partie, on comprend qu’il mesure parfaitement l’enjeu du moindre de ses souhaits au point de s’être enfermé dans sa chambre pour ne plus être confronté à l’idée même de désirer quelque chose. Son majordome Jonathas a même pour mission d’anticiper le moindre de ses souhaits pour éviter que Raphaël ne les formule lui-même. Lorsque Raphaël retrouve Pauline, il va se retrouver de nouveau confronté à ce choix cornélien. Dans un premier temps, il réalise qu’étant maintenant riches tous les deux, il peut l’aimer sans retenue. Il est même encouragé à le penser lorsqu’ayant émis le souhait d’être aimé de Pauline, la peau ne rétrécit pas. Malheureusement, l’espoir de pouvoir vivre cet amour jusqu’ici impossible s’éteint lorsqu’il constate que le désir charnel, l’attirance physique qu’il ressent pour Pauline fait réagir la peau. Le lecteur comprend que la peau symbolise non seulement la vie de Raphaël, mais également son désir. Raphaël se trouve alors face à un terrible dilemme : laisser son amour et son désir pour Pauline consommer son existence ou bien le réfréner pour économiser sa vie. Il va choisir de vivre cet amour (il jette la peau dans le puits, ils s’accordent tous les plaisirs auxquels leur fortune permet d’accéder, etc.). Raphaël est un personnage romantique. Il est prêt à tout pour vivre l’amour.

Lorsque la peau de chagrin lui revient (elle est retrouvée par le jardinier), elle a bien diminué. Raphaël fait appel à la science pour chercher une explication rationnelle au rétrécissement de la peau. Il espère pouvoir mettre fin au pacte qui le lie à la peau ou, à défaut, trouver un moyen d’empêcher son rétrécissement en trouvant le moyen de l’agrandir. Sa rencontre avec les scientifiques est à lire comme une critique, une satire. En effet, ce sont les savants qui parlent et non le narrateur. Le lecteur assiste à la scène et aux explications données par les trois scientifiques. Le zoologiste fonde son travail sur l’observation des espèces et leur classification. Son travail consiste à ajouter une énième espèce à une liste déjà longue. Sa science a donc un effet très limité, selon l’auteur, sur ce qui existe déjà. Le professeur de mécanique (c’est-à-dire un physicien) étudie le mouvement. Son discours révèle que sa science consiste à imiter la nature. Il ne s’agit pas, selon lui, d’expliquer le mouvement observé, mais de le reproduire. Selon l’auteur, cette discipline est capable de calculer une vitesse, mais se révèle incapable de définir ce que c’est. Le chimiste a pour objet d’étudier la décomposition de la matière et d’agir sur elle. Dans un dialogue entre les trois personnages, l’auteur met en lumière leur incapacité inventive. Ces trois sciences ne font qu’observer, répertorier, classer, décrire, sans chercher à aller plus loin pour expliquer les causes et les effets d’un phénomène. Par conséquent, ces trois personnages sont incapables d’expliquer et d’agir sur la peau qu’ils finissent par ranger dans les choses mystérieuses (la diaboline). Si l’auteur dénonce ici l’impuissance de la science de son époque, qu’il la résume à une sorte de langage dédié. Toutefois, il ne la condamne pas (l’auteur admirait un savant du nom de Cuvier à qui il rend hommage dans la première partie). La science des objets étant inefficace à expliquer et enrayer le pouvoir de la peau, Raphaël se tourne vers la science des corps : la médecine. Le passage relatif à la rencontre avec les médecins est à mettre en parallèle avec celui des savants. Aucun des médecins n’est en mesure d’agir sur les effets de la peau sur la santé de Raphaël. Aucun ne montre la moindre compassion à l’égard du malade. Lorsque Raphaël se rend aux thermes pour s’y reposer et se soigner, il représente la décadence parisienne face à la vie simple, sans excès, des provinciaux.

Dans la scène finale, Pauline apprend l’existence de la peau et de ses pouvoirs. L’auteur a choisi de ne pas faire parler Pauline. Tout ce qu’elle ressent est exprimé par ses pensées et ses réactions. Au contraire, l’auteur laisse Raphaël parler afin de mettre en valeur ses dernières paroles avant de mourir. Ses pensées partent dans tous les sens. Pauline comprend qu’elle est la source du malheur de Raphaël, qu’elle participe, par sa présence, à la destruction de son époux. Elle décide donc de sauver la dernière source d'énergie vitale présente en Raphaël en se donnant la mort. Elle est héroïque. Raphaël va réagir d’abord par un regain d’énergie (il défonce la porte) pour empêcher Pauline de mettre son projet à exécution puis par un violent désir charnel, son ultime désir. Par la description du rythme du souffle de Raphaël qui s’amenuise, par l’image de son énergie qui quitte son corps, l’auteur recentre le récit sur le personnage. Il met la lumière non plus sur les effets de la peau, mais sur les effets du désir comme raison de la mort de Raphaël.