Résumé
En décembre, Rastignac reçoit l’argent demandé à sa famille, même si cela constitue un grand sacrifice pour elle. L’augmentation de ses dépenses attire l’attention des pensionnaires, dont Vautrin, qui propose au jeune homme d’être son mentor.
Il présente aussi un plan d’action : Vautrin souhaite aller vivre en Amérique et acheter une plantation, mais il n’a pas assez d’argent pour le faire. Il suggère d’organiser un mariage lucratif pour Rastignac en échange d’une commission sur les gains. Rastignac est intéressé, et Vautrin explique son projet : Rastignac va courtiser Victorine et Vautrin se débrouillera avec la complicité d’un ami pour entraîner le frère de Victorine à se battre en duel. Après que son frère soit tué, son père n’aura plus d’autre héritier que Victorine et elle deviendra une femme riche, ce qui profitera à Rastignac. Dans un premier temps, ce dernier est écœuré par ce projet, mais Vautrin l’encourage à prendre du temps pour y réfléchir.
Rastignac a appris par Goriot que le vieil homme n’est pas autorisé à rendre visite librement à ses filles. Toutefois, il garde un œil sur elles par l’intermédiaire de leurs servantes, et fait en sorte de les voir dans des lieux publiques.
Un soir Rastignac emmène Madame de Beauséant à l’Opéra, où elle il voit Delphine de Nucingen pour la première fois. Rastignac est maintenant devenu davantage rusé et charmant, et il fait une première bonne impression sur Delphine en faisant des compliments sur son père, et en insinuant que sa sœur n’est pas une bonne fille. Il est invité à la revoir prochainement, et lorsqu’il retourne à la pension, il confie à Goriot qu’il est amoureux de Delphine. Goriot enchanté lorsqu’il reçoit une nouvelle, quelle qu’elle soit, au sujet de ses filles il encourage donc cette relation.
Malgré ses espoirs de gagner conquérir Delphine, Rastignac ne peut s’empêcher de penser au plan de Vautrin par lequel il pourrait gagner de l’argent. Il confie son dilemme moral de manière succincte à son ami Bianchon, un étudiant en médecine, qui ignore le problème. Ce dernier est intrigué par le fait qu’il a vu les pensionnaires Poiret et Mademoiselle Michonneau rencontrer un homme faisant partie des forces de police. Peu de temps après, Rastignac fait appel à Delphine, qui se trouve dans un état d’angoisse. Avec surprise, à l’improviste elle l’emmène dans une maison de jeu, avec une somme d’argent et comme instruction d’en gagner davantage. Naïvement, Rastignac gagne de l’argent et le rend à Delphine avec les bénéfices.
Delphine explique que son mari ne lui donne pas d’argent pour ses dépenses personnelles, et qu’elle s’est endettée pour son ancien amant. A présent, avec ces gains, elle peut payer ses dettes et être libre. Elle est très reconnaissante et tendre envers Rastignac, rassuré sur le fait qu’il peut devenir son amant. Lorsqu’il retourne chez Goriot, le vieil homme est très contrarié que sa fille ne soit pas venue le voir parce qu’elle pense qu’il n’a plus assez d’argent.
Malgré le fait que Rastignac évolue à présent dans les cercles de la haute société parisienne, Vautrin continue d’insinuer qu’il ne sera jamais tout à fait au sommet sans revenus réguliers. Bien sûr Rastignac est de plus en plus frustré du fait de ses dettes et qu’il n’a pas encore couché avec Delphine. En janvier, il est proche d’accepter de courtiser Victorine selon le plan de Vautrin. Il accepte l’argent de celui-ci pour régler des dettes pressantes urgentes, et dès qu’il se renfloue aux jeux, il rembourse Vautrin car il ne veut pas lui être redevable.
Analyse
Comme il devient flagrant que Rastignac commence à cultiver un nouveau personnage social, Vautrin s’impose en tant qu’autre figure de mentor. Ses conseils prennent l’allure d’une parodie exagérée de ce que Madame de Beauséant a déjà enseigné au jeune étudiant. Vautrin est aussi dans l’état d’esprit de tous ceux qui souhaitent le succès dans ce monde c'est-à-dire d’être sans pitié et totalement égoïste.
Etrangement, le plan permettant à Rastignac d’étendre ses projets passe également par gagner l’affection d’une femme. En tant que bel homme manquant de ressources financières, le charme et le bel aspect de Rastignac sont en fait ses meilleurs atouts. Le conseil persistant qu’il devrait tout miser sur ses atouts pour faire avancer ses projets renverse une dynamique de genre typique où une belle jeune fille utiliserait son physique et son charme pour se hisser sur l’échelle sociale. Toutefois, le plan de Vautrin est à la fois plus choquant (étant donné le projet d’assassinat) et plus pragmatique (étant donné que cela permettrait à Rastignac d’emprunter une voie légale vers la fortune, et pas uniquement une réputation en société) que l’initiation de Madame de Beauséant. Le passé criminel de Vautrin le rend davantage sujet à des actions radicales, et plus attentif à assurer un succès financier certain.
La réaction de Rastignac au plan montre qu’il est tiraillé entre ses principes moraux et ses ambitions. Il est écœuré par à l’idée d’être impliqué dans la mort d’un innocent, et ne veut pas entacher et confiante Victorine. La patience de Vautrin révèle sa fine compréhension de la nature humaine : il sait que Rastignac s’enfonce dans le monde de la société parisienne, et aspire de plus en plus à l’argent. Les suppositions de Vautrin s’avèrent exactes, puisque Rastignac prend vite l’habitude des belles mises et des divertissements somptueux et jeux d’argent. Plutôt que de se contenter de sa réussite sociale ; il continue sans relâche d’en vouloir toujours plus.
La relation entre Rastignac et Delphine suit aussi ce modèle. Au début, son l’attitude de Rastignac est plutôt pragmatique lorsqu’il courtise la plus jeune fille de Goriot : « l’impression de Rastignac qu’il peut utiliser Delphine pour évoluer dans la société est au moins aussi puissante que son désir pour elle ». Néanmoins, il commence à ressentir un véritable désir pour elle. Ce désir est corrélé à avec son avidité de pouvoir et d’argent, dont l’alliance est difficile à combattre.
Goriot encourage de tout son cœur le rapprochement entre l’étudiant et sa fille mariée. Il semble que, le vieil homme est si désespéré de n’avoir pas de relation avec ses filles qu’il voit en un jeune amant le moyen de se rapprocher de l’une d’entre elles. Goriot est aussi étonnamment libéral vis-à-vis du bonheur de sa fille. Comme il pense que le mari de Delphine ne la mérite pas, Goriot préférerait qu’elle soit adulée adorée par Rastignac. Goriot et Rastignac se rapprochent par leur affection mutuelle pour Delphine, Rastignac incarnant de plus en plus, le rôle d’un fils de substitution. Certains critiques ont même vu l’amour intense et obsessionnel de Goriot pour ses filles comme étant en phase avec son désir de choisir un nouveau partenaire pour Delphine ; par exemple, James Walton écrit que Goriot « joue longuement le tiers passif dans ce ménage à trois, employant le jeune héros comme amour de substitution de Delphine ».
Les détails émergeant de la vie personnelle de Delphine offrent une vision prémonitoire de ce à quoi la réussite sociale qui est moins bien atteinte par Rastignac pourrait ressembler. Même s’il semble qu’elle a tout pour être heureuse, Delphine est malheureuse, en proie avec des difficultés financières. Elle n’a pas de bonne relation avec son mari, et son amant précédent l’a trahie. Comme elle doit maintenir les apparences et son train style de vie, Delphine passe presque autant de temps à s’inquiéter pour l’argent que Rastignac. La place des jeux d’argent dans leurs vies symbolise la précarité et les risques dans lesquels ils vivent toujours.