Le Pauvre
Selon Foucault, le pauvre était la cible première du “grand renfermement” car on voyait alors la pauvreté comme un échec moral plus que comme un dysfonctionnement économique de la société. Ces personnes apparemment improductives devaient être séparées des membres fonctionnels de la société. Étant donné que les pauvres représentaient la majorité de la catégorie de la “déraison”, la vision qu’on avait d’eux a donc largement influencé celle que l’on avait des fous. Les dimensions éthiques de la productivité et du travail étaient aussi appliquées aux fous, qui étaient perçus comme ceux qui ne pouvaient pas être utiles à la société.
Le Fou
Le fou est l’un des sujets d’étude principaux de Foucault car la perception qu’en a eu la société a beaucoup changé au cours de la période que couvre le livre. Les fous étaient d’abord considérés comme faisant partie d’une catégorie plus large de personnes inadaptées socialement, comme expliqué plus haut. À la fin de l’âge classique, la folie est devenue un problème psychologique spécifique distinct de la criminalité et de la pauvreté. C’est pour cela que les fous ont été enfermés dans des endroits qui leur étaient dédiés et que les asiles ont remplacé les hôpitaux qui accueillaient également les autres membres de la “déraison”.
Samuel Tuke
Samuel Tuke est l’un des deux concepteurs d’asiles que Foucault étudie à la fin de son ouvrage. Il créa la "retraite Tuke" pour le traitement des fous. Tuke était protestant et le traitement qu’il proposait était avant tout religieux. Son objectif était de faire en sorte que le fou se confronte à sa propre culpabilité et à ses actions pour apprendre à fonctionner de manière saine. Dès lors, les principes fondamentaux de la retraite étaient la surveillance et le jugement : les fous étaient constamment jugés et observés et devaient apprendre à se juger eux-mêmes. Cela devait les conduire à réparer leurs torts et à adopter un comportement conforme à la morale sociale.
Philippe Pinel
Le second concepteur d’asile étudié par Foucault est Philippe Pinel, qui était bien moins religieux que Samuel Tuke, même s’il était tout aussi attaché à une vision morale de la folie. Il considérait en effet la folie comme un échec moral. La morale que préconisait Tuke provenait de son propre milieu social et s’appuyait sur les valeurs de la famille et du travail. Il fallait donc être intégré dans une famille et être un travailleur utile à la société. Concevoir la folie comme un manquement à ces normes signifiait qu’elle était avant tout un “échec social”. L’asile était alors un “instrument d’uniformisation morale et de dénonciation sociale” servant à discipliner les individus.
Le personnage médical
Tuke et Pinel furent deux concepteurs d’asiles destinés à guérir les fous, mais leurs techniques et l’environnement dans lequel ils évoluaient différaient. Cependant, tous deux croyaient en l’importance du “personnage médical”, c’est-à-dire au fait que les asiles devaient être dirigés par des docteurs, et même par des docteurs au pouvoir quasi-dictatorial. Cela finalisa, pour Foucault, la conception médicale et psychologique de la folie, qui nécessita l’intervention des autorités publiques. Les asiles étaient donc dirigés par des médecins et très différents des premiers "hôpitaux" qui s’apparentaient plus à des prisons dirigées par des gardiens.