Cet ouvrage partage de nombreuses similitudes, dans les méthodes et dans les arguments employés, avec une autre œuvre de Foucault publiée une dizaine d’années plus tard, Histoire de la sexualité. Dans ces deux essais, Foucault s’intéresse au discours comme outil pour déterminer la façon dont une certaine expérience est comprise dans les sociétés occidentales : la folie dans le premier, la sexualité dans le second. Il s’attache à décrire la formation d’une identité profonde, qui touche l’âme de la personne. Ainsi, la folie était perçue comme étant l’essence même du fou, et la sexualité devient l’essence de l’homosexuel. Il existe pourtant plusieurs différences entre les deux essais. Premièrement, Foucault semblait avoir rejeté certains de ses propres arguments développés dans Histoire de la folie à l’âge classique lorsqu’il écrivit Histoire de la sexualité. Par exemple, dans L’archéologie du savoir, écrite en 1969, Foucault décrit son désintérêt pour “l’expérience à peine articulée” et admet que cela va à l’encontre de ce qu’il a fait dans Histoire de la folie à l’âge classique. Cependant, des universitaires contemporains ont appelé à une réévaluation de l'œuvre de Foucault, privilégiant Histoire de folie à l’âge classique à Histoire de la sexualité. La relation entre les activités et l'identité est un élément clé de cette approche. Dans Histoire de la sexualité, Foucault soutient que l'identité homosexuelle est apparue à la fin du XIXe siècle et a transformé un simple comportement en une véritable essence de l’être humain. Avant cette période, les hommes pouvaient avoir des relations sexuelles avec des hommes, mais cela ne définissait pas leur identité. Dans Mad for Foucault, Lynne Huffer soutient que Histoire de la folie à l’âge classique offre une perspective différente. Elle estime que Foucault ne décrit pas, dans Histoire de la sexualité, un passage historique absolu de la sexualité en tant qu'acte à la sexualité en tant qu'identité, mais évoque plutôt l'intériorisation de la morale bourgeoise qui produit, en fin de compte, la "fable" d'une psyché intérieure, d'une âme ou d'une conscience. Histoire de la folie à l’âge classique décrirait également la façon dont s’opère cette intériorisation de la morale bourgeoise, des contraintes physiques du grand renfermement à la création de l’inconscient freudien. Didier Eribon reconnaît lui aussi, mais de façon plus nuancée que Huffer, certaines des contradictions entre Histoire de la folie à l’âge classique et Histoire de la sexualité. Il suggère que Foucault lui-même a essayé de trouver une synthèse de ces deux ouvrages durant les dernières années de sa vie. Eribon souligne notamment que les récits de ces deux identités marginalisées correspondent à des projets politiques différents, qui ont chacun leur utilité. Selon lui, Histoire de la folie à l’âge classique propose une analyse des conditions de l’interdit et de l’oppression. Le projet de Foucault est alors d’écouter la voix de ceux qui ont été réduits au silence. Dans Histoire de la sexualité, il décrit le fait de parler comme l’une des composantes de l’appareil du pouvoir, qui incite les individus à communiquer Eribon reconnaît qu’il est facile d'imaginer à quel point les perspectives politiques de ces deux analyses sont différentes, mais estime que Foucault, dans ses entretiens des années 1980, a tenté de concilier ces deux positions et de dépasser l'idée d'une « esthétique de l'existence », qui impliquerait la création de nouvelles subjectivités.C’est en ce sens que nous constatons quelques similitudes entre les deux livres. Dans les deux cas, Foucault a pour objectif de s'affranchir des systèmes de normes sociales, que Huffer appelle la "morale bourgeoise". Il désigne par cela une lutte de pouvoir qui concerne à la fois l’existence individuelle et le sens donné par la société aux comportements, aux modes de vie et aux identités.