Foucault étudie dans les chapitres 4 à 6 la façon dont la folie a été comprise et étudiée après l’époque de l’Hôpital général. Le chapitre 4, “Expériences de la folie” s’intéresse à la relation entre la folie et d’autres phénomènes tels que la passion et les rêves. Dans le chapitre suivant, “Les insensés”, l’auteur étudie le diagnostic des différentes formes de folie, en particulier la mélancolie, la manie, l’hystérie et l’hypocondrie. Enfin, dans le sixième chapitre “Médecins et malades”, il analyse les différents traitements proposés par les médecins pour guérir ces maladies.
Foucault avance l’idée que la folie est structurée de la même façon qu’une langue, de façon rationnelle. Cela signifie que la folie doit être étudiée par et à travers le langage, par exemple en brisant les règles de la logique et de la grammaire. Dès lors, Foucault parle moins d’un délire du corps ou de l’esprit que d’un “discours” délirant, comme lorsque les gens ne parlent pas de façon cohérente. Il distingue ce discours de ce “l’onirique et de l’erroné”, c’est-à-dire du rêve et de la simple erreur. Pour lui, la folie s’apparente à un rêve en ce qu’elle donne l’impression de percevoir quelque chose qui n’existe pas, mais s’en distingue en ce qu’elle intervient lorsque l’on est éveillé. La folie ressemble aussi à une erreur, à une appréhension erronée de la réalité, mais elle s’auto-alimente en inventant des images fausses pour que l’erreur semble plausible.
L’auteur étudie ensuite le processus de définition de la folie, qui s’opère de façon négative : la folie est d’abord définie parce qu’elle n’est pas. Surtout, elle est la déraison, l’inverse de la raison, ce qui implique qu’on ne peut pas définir la folie sans définir la raison. Le fait qu’il faille d’abord comprendre ce qu’est la raison pour comprendre ce qu’est la folie est l’un de paradoxes que Foucault souligne. Parce que le fou rend la déraison visible aux yeux de tous, il perturbe le discours qui voudrait l’enfermer ou l’exclure.
Dans le cinquième chapitre, Foucault différencie quatre types de folie. Il étudie d’abord la mélancolie, qui était perçue jusqu’au XVIIe siècle comme un trouble physique lié aux humeurs, qui sont les fluides présents dans le corps. Ce trouble fut appréhendé comme une pathologie mentale au début de l’ère classique, et on pensait qu’il était dû à des facteurs psychologiques. Cette analyse fut également appliquée à la manie, qui est l’inverse de la mélancolie puisqu’il s’agit d’un état d’excitation extrême. On pensa d’abord que l’individu atteint de manie était possédé par des esprits d’animaux, puis on jugea qu’il s’agissait de lésions nerveuses, avant de finalement comprendre que la manie était due à des situations ou des comportements sociaux. Dans les deux cas, on crût d’abord que les maladies étaient dues à des maux physiques, avant de privilégier la piste des explications psychologiques.
L’hystérie et l’hypocondrie furent elles aussi d’abord comprises comme des pathologies physiologiques, causées par des lésions nerveuses, puis comme des maladies psychiques. Il est intéressant de noter que l’on considérait à l’époque que les troubles mentaux étaient causés par une mauvaise conscience, de la culpabilité pour des actions passées, entraînant la manie ou l’hypocondrie. On commença alors à percevoir le lien entre la morale et la folie.
Dans le chapitre “Médecins et malades”, Foucault se concentre sur les traitements développés par les médecins pour guérir la folie. Il commence par décrire les remèdes physiologiques qui prévalaient au début de la période étudiée : les docteurs souhaitaient renforcer le corps jugé trop faible et le purifier des mauvais esprits qui le hantaient. Pour cela, ils élaborèrent divers programmes nutritionnels et de purge, et prescrivirent de l’exercice physique. Certains pratiquaient également “l’immersion”, qui consistait à plonger le corps dans de l’eau pour rééquilibrer les fluides.
Les remèdes psychologiques furent ensuite privilégiés pour faire taire le sentiment de culpabilité que les médecins tenaient pour responsable des maladies mentales. Foucault distingue trois types de remèdes psychologiques. Le premier est un “éveil” à la loi morale, imposé par une figure autoritaire. Le second, la “représentation théâtrale”, met en scène le rôle de la folie pour mieux la chasser. Enfin, le troisième, appelé le “retour de l’immédiat”, consiste à isoler le fou pour qu’il puisse se confronter à sa propre folie. Même si ces trois remèdes concernent plus la psychologie que la physiologie, l’auteur souligne que cette distinction n’avait pas de sens à l’époque car la psychologie en tant que science n’existait pas encore.
Analyse
L’une des principales grilles d’analyse de Foucault concerne la relation entre le pouvoir et le savoir. D’un côté, le premier produit le second : les fous enfermés en raison du pouvoir de la société sont devenus des objets d’étude. Cela a conduit à la production de nouveaux types de connaissances, relatifs notamment à l’étude de la folie et à ses traitements. De l’autre côté, le savoir produit lui aussi du pouvoir. Le nouveau discours sur la folie a façonné la façon dont les gens sont compris et traités dans la société. Leur corps peut être contrôlé en fonction de l’identité qui leur a été assignée. Foucault estime que le pouvoir ne concerne pas qu’une seule catégorie de personnes mais, plus largement, est responsable de la création des catégories en elles-mêmes. Désigner quelqu’un comme étant fou suffit à le rendre moins humain.
Ces chapitres abordent également la relation entre le physique et le spirituel, entre le corps et l’esprit. L’auteur perçoit une transition, entamée dès la Renaissance, entre une analyse physiologique et une analyse morale de la folie, qui finit par être conçue comme une maladie de l’esprit et non plus comme une maladie du corps. La célèbre expression de Descartes, “je pense, donc je suis", a achevé de formaliser le lien entre l’existence d’une personne et son esprit. Le discours de la folie développe ce point en considérant que la perturbation de l’esprit est causée par une perturbation de l’individu tout entier.
Cette transition entre une perception physiologique et une perception psychologique de la folie démontre également l’impossibilité de penser l’une sans l’autre. Foucault nous rappelle que la psychologie en tant que science n’existait pas à l’époque étudiée, et nous invite à ne pas faire appel à notre compréhension contemporaine du sujet. Foucault accorde une importance toute particulière au langage, car la folie était perçue comme une altération dans la façon dont les gens parlaient d’eux-mêmes et du monde qui les entourait. Le langage devant être logique, un langage désordonné témoigne d’un esprit désordonné. La folie a donc été conçue comme une forme de discours qui enfreint les règles et les normes sociales.