Déraison vs folie
Foucault décrit comment, durant le “grand renfermement”, un grand nombre de marginaux ont été regroupés dans la catégorie de la “déraison”. L'objectif premier des hôpitaux généraux était d’enfermer les pauvres mais d’autres personnes, notamment les vagabonds, les criminels et les fous, furent enfermés avec eux. La folie n’était donc pas, au début, une catégorie à part entière. Cependant, à la fin de la période étudiée par Foucault, les fous furent finalement séparés des autres indigents. La maladie mentale commença à être vue comme quelque chose de distinct de la folie et de la pauvreté, mais elle était considérée, d’une certaine manière, comme un phénomène plus dangereux. Il fallait donc séparer les prisonniers des fous pour les protéger d’eux : la folie plus crainte que les autres catégories de la “déraison”.
Folie et renfermement
Dans Histoire de la folie à l’âge classique, Foucault étudie à la fois l’histoire du renfermement et l'histoire de la folie, et s’intéresse aux relations entre les deux phénomènes. Il commence par le confinement de la lèpre durant le Moyen-Âge, durant lequel furent créées les institutions qui servirent à isoler par la suite les fous et les pauvres. Ainsi, la première transition du renfermement décrite par Foucault s’opère entre la lèpre d’un côté et les pauvres et autres personnes socialement exclues. Cependant, la folie finit par être isolée des autres catégories composant la “déraison” et un type de renfermement particulier fut élaboré. Les fous devaient donc être isolés non seulement de la société mais aussi des criminels et des pauvres. Durant cette période, la folie justifia un type spécial d’isolement, et fut surtout directement associée avec l’idée même d’un enfermement : l’enfermement entraîne la folie, et la folie est un signe d’enfermement.
Prison vs asile
Foucault décrit un processus d’isolement d’un grand nombre de personnes qui eut lieu durant l’âge classique (c’est-à-dire la période allant de la fin de la Renaissance à la période révolutionnaire de la fin du XVIIe du début du XVIIIe). La principale institution développée pour cela était appelée “hôpital” mais il s’agissait en réalité d’une prison hébergeant les pauvres et les criminels. Les fous étaient donc associés à ces deux catégories de personnes. À la fin de l’âge classique, des asiles furent créés pour héberge. Il s’agissait d’institutions de traitement des personnes souffrant de maladies mentales. L’anglais Samuel Tuke et le français Philippe Pinel ont particulièrement participé au développement de ces institutions. La folie devint donc une maladie psychique qui devait être soignée et non un crime qui devait être puni ou une maladie physique qui devait être guérie.
Honte privée vs honte publique
Bien que la folie ait longtemps fait partie de la même catégorie de la « déraison » que la pauvreté et la criminalité, il n’en reste pas moins que sa relation à la publicité est particulière. Alors que les autres personnes perçues comme socialement inadaptées étaient considérées comme un secret qui devait être enfoui, la folie a toujours été assimilée à un spectacle public. Les fous étaient donc exposés à la vue de tous, parfois placés dans des cellules ouvertes sur le public. La folie était plus un « scandale » qu’un secret, et le public préférait le scandale à la honte. Cela accorde à la folie une place toute particulière dans la façon dont elle a été débattue et pensée dans l’imaginaire collectif.
Folie physiologique vs folie psychologique
Selon Foucault, l’analyse des causes de la folie changea énormément au cours de l’époque classique. Cette transition, ainsi que l’isolement des personnes concernées, qui étaient auparavant confinées avec les pauvres et les criminels, est l’un des plus importants changements qui eurent lieu à cette période de l’histoire. La folie était d’abord considérée comme un problème physiologique similaire à d’autres maladies. Elle finit cependant par être perçue comme un phénomène psychologique à l’esprit et non au corps. On put par exemple penser que la folie était causée par un sentiment de culpabilité lié à des actions du passé, ou était due à une certaine faiblesse de l’esprit. Foucault estime cependant que cette distinction entre les maladies du corps et de l’esprit, qui est acquise aujourd’hui, était beaucoup plus floue à l’époque : la folie était comprise comme l’expression simultanée de problèmes physiques et mentaux.
Folie vs civilisation
Le titre de l’ouvrage de Foucault en anglais, Madness and civilization, soit Folie et civilisation, souligne l’opposition de ces deux sujets. D’un côté, la folie est généralement définie comme quelque chose d’étranger à la civilisation. Les personnes normales et civilisées sont saines d’esprit, tandis que les fous sont ceux qui n’arrivent pas à intégrer les normes sociales. D’un autre côté, Foucault souligne que c’est à la période classique que l’on commença à percevoir la folie comme quelque chose de causé par la civilisation. En effet, l’accroissement des connaissances scientifiques et la modernisation de la société purent faire que certaines personnes se sentirent aliénées et étrangères à leur propre corps, et finirent par devenir folles. Cet étrange constat, selon lequel la folie est à la fois étrangère à la civilisation et causée par la civilisation, est justement le paradoxe que Foucault cherche à étudier.
Folie et art
La relation qu’entretient la folie avec l’art est similaire à celle qu’elle entretient avec la civilisation : les deux lui sont normalement étrangères. D’un côté, la folie peut être source de création artistique, et inspirer un “génie fou” comme Van Gogh. D’un autre côté, l’art et la folie s’opposent en ce que l'œuvre d’art nécessite du talent et des qualités de communication. Foucault conclut que la folie ne réside pas dans l'œuvre d’art elle-même, mais plutôt dans l’interaction entre l'œuvre et le monde qui la juge. Les personnes qui ont essayé de dompter la folie sont finalement confrontées à un art qu’elles auraient détruit si elles avaient éliminé la folie de la société. Foucault écrit ainsi que “ceux qui pensaient mesurer et justifier la folie grâce à la psychologie doivent désormais se justifier devant la folie elle-même”. Ainsi, l’art peut être pensé comme un nouveau rapport entre la folie et la civilisation, en ce qu’il émane de la civilisation mais nous fait nous confronter à la folie.