Au bout de trois semaines de parfait bonheur passés dans leur appartement parisien situé rue de Vivienne, les amants rencontrent des difficultés financières qui poussent Des Grieux à vouloir demander au père de Manon l’autorisation d’épouser sa fille. La jeune femme réticente à l’idée, prétexte que ses origines déshonoreraient Des Grieux. Ce dernier renonce alors à son projet et commence à nourrir des doutes sur l’amour de Manon.
Celle-ci montre d’ailleurs une forte attirance par le luxe et les plaisirs et est vite séduite par les divertissements parisiens, mettant ainsi en péril les finances du couple. Des Grieux s’inquiète de plus en plus de l’avenir financier du ménage, d’autant plus que la gestion de leurs économies avait été confiée à Manon.
Alors qu’un soir Des Grieux revient plus tôt que d’habitude au logis, il trouve porte close. Après une brève entrevue avec une domestique, Des Grieux apprend que Manon a reçu la visite de leur voisin, un certain M. de B, riche fermier général et soupçonne une trahison de la part de sa maitresse. Lors du dîner, les amants restent silencieux et le lecteur peut suivre l’agitation des pensées du héros, partagé entre son amour et ses soupçons. Avant que Manon ait pu faire ses aveux à Des Grieux, ce dernier est brutalement enlevé par les laquais de son père avec la complicité de Manon. Il est ensuite ramené, par son frère, dans la maison de son père. Raillé par sa famille qui lui reproche son incrédulité, Des Grieux apprend la trahison de Manon au cours d’un repas et s’évanoui. Il est ensuite enfermé dans une chambre gardée par des domestiques, seul moyen de s’assurer qu'il n’aille pas rejoindre sa maitresse. Malgré cette trahison, Des Grieux persiste à croire à son amour.
Analyse:
Après avoir échappé au premier obstacle qui se dressait devant leur amour, les deux amants débutent leur vie à deux. Malgré le bonheur que leur emménagement devrait procurer à Des Grieux, ce dernier énonce déjà au lecteur l’issue tragique de cette décision dont il connait le dénouement. Le contraste entre la joie ressentie au moment des faits et le malheur ressenti par le personnage au moment du récit est saisissant et s’illustre clairement par l’affrontement entre le champ lexical du malheur et celui du bonheur. Après quelques semaines passées dans leur appartement parisien, le comportement de Manon vis-à-vis de son amant évolue et devient plus distant. Les doutes de Des Grieux se renforcent à la nouvelle de la visite de M. de B. à Manon et le héros laisse au lecteur l’accès à ses pensées tourmentées, matérialisées par une succession de phrases brèves à la ponctuation marquée. La relation inégalitaire entre les deux amants est mise en lumière par le contraste de leurs attitudes: le comportement de Manon est emprunt d’une froide politesse tandis que l’attitude de Des Grieux souligne la constance de son amour.
Un huit-clôt débute entre les deux amants et l’agitation mentale de Des Grieux est brutalement interrompue par l’annonce du dîner. Les mots laissent alors place à un dialogue silencieux entre Manon et Des Grieux, animé par un jeu de regards complexe et de non-dits. Cette atmosphère pesante et immobile est soudainement brisée par les larmes de Manon et réaction de Des Grieux est retranscrite grâce à l’usage du discours direct. Son ton, relevant du registre pathétique, et le vocabulaire hyperbolique qu'il emploi confèrent une dimension théâtrale à la scène.
Le dîner est ensuite rapidement interrompu par l’arrivée des laquais du père de Des Grieux. Le dernier baiser que Manon donne à Des Grieux avant de s’en aller rappelle celui de Judas avant l’arrestation du Christ et confirme l’implication de la jeune femme dans l’enlèvement de Des Grieux. Le rythme du récit s’accélère et le héros est désormais seul, presque démuni face à une situation dont il est spectateur. Mais une issue salvatrice se profile pour le héros.
En l’absence d’aveu de la part de Manon, Des Grieux ne peut pas se résoudre à une trahison de sa part malgré l’inquiétude et la tristesse qui le submergent lors de son trajet vers Saint Denis. Le héros feint de recevoir les sermons de son frère et projette déjà mentalement son évasion afin de rejoindre sa maitresse. Les explications de son père font l’effet d’un véritable coup de poignard pour le jeune homme. Des Grieux, choqué par la trahison de Manon, dont il rejetait l’idée jusqu’ici, reste silencieux et immobile face au flot de railleries de son père et son frère qui moquent sa crédulité. La confirmation de la légèreté de Manon vient détruire tous les espoirs nourris par le héros. Malgré cette révélation le héros, aveuglé par sa passion, ne peut se résoudre à l’abandon de Manon pour un autre homme et, dans une longue tirade au ton tragique, tente de se persuader de l’amour de sa maitresse. Son enfermement n’empêche rien à la détermination qui l’anime: il rejoindra Manon à tout prix.