La passion
La passion amoureuse est le principal moteur du roman et domine l’ensemble du récit. Sentiment ambivalent, l’amour est assimilé au bonheur mais est aussi souvent synonyme de destruction et de tristesse. La passion que Des Grieux entretient pour Manon peut également être synonyme d’illusion puisqu’elle l’aveugle sur la véritable nature de la jeune femme et lui fait ignorer les dangers dans lesquels son amour inconditionnel le mène. La relation amoureuse de Des Grieux et Manon est marquée par des sentiments sincères et profonds qui se révèlent souvent destructeurs et conduisent les amants vers un destin funeste.
La fatalité
La notion de fatalité est centrale dans le roman et joue un rôle important dans le déroulement des événements du récit. Les personnages sont souvent confrontés à leur destin et semblent comme pris dans des situations qui leur échappent, malgré leurs efforts pour s’y soustraire, les conduisant de manière inévitable vers une fin tragique. Dès le premier regard, Des Grieux semble captivé par Manon et son innocence originelle fait place à une passion intense et presque incontrôlable qui le mène à prendre tous les risques. La fatalité s’illustre également à travers le fait que les amants, malgré les coups du sort, se retrouvent inexorablement, comme attirés par une force surpuissante. La mise en scène de la fatalité comme une force omnipotente planant sur le récit illustre la fragilité de l’existence et de la liberté des individus. Elle donne à voir au lecteur des personnages dont les actions et le destin sont déterminés par des forces qui les dépassent et semblent contrôler le cours des événements, donnant ainsi une tonalité tragique à l’ensemble du récit.
Le libertinage
Le libertinage est un thème clé du roman, en lien avec son contexte de publication. L’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut met en scène le libertinage des mœurs incarné principalement par la figure de Manon. Cette dernière en quête de plaisirs et d’argent s’affranchit de la morale et des bonnes mœurs pour assouvir ses désirs. C’est d’ailleurs cette quête qui finit par conduire les amants à leur perte. Le genre littéraire du roman libertin nait au XVIIIe siècle dans un contexte de relâchement des mœurs après le règne de Louis XIV. Notre récit qui se situe, lui, à la veille de la régence mais nous montre néanmoins déjà les principes qui caractérisent la société de cette époque. La cour, libérée de l’étiquette, retrouve l’ambiance de la fête et du faste et s’ouvre aux nouvelles idées. Le libertinage de mœurs gagne alors les milieux aisés de la société. Les divers riches prétendants de Manon incarnent cette société parisienne de débauche libertine.
L’argent
L’argent joue un rôle important dans l’histoire de Manon Lescaut et de Des Grieux. La question des finances vient à se poser régulièrement au sein du couple et est à l’origine de nombreuses discordes et péripéties. Manon est dépensière et vénale et n’hésite pas à dilapider la fortune du couple pour assouvir ses désirs. En retour, Des Grieux, incapable de résister à sa maitresse, cède au moindre caprice de cette dernière afin de ne pas la perdre. Manon, en qualité de courtisane, est prête à tout pour obtenir de l’argent. Elle offre notamment ses charmes à des hommes fortunés bien que beaucoup plus âgés qu’elle, en échange de bénéfices financiers. Le besoin d’argent du couple et le goût du luxe de Manon les poussent au vol et à l’escroquerie. Ce sont d’ailleurs ces actions répréhensibles qui contribuent à précipiter le destin tragique des deux amants.
La marginalité
La marginalité est un autre aspect clé du roman de l’Abbé Prévost. Les personnages de Des Grieux et Manon vivent en marge des normes de la société de leur temps. Manon est une femme libre, audacieuse et indépendante, souvent associée à des activités considérées comme immorales telle que la prostitution. Des Grieux, fils de bonne famille ayant suivi des études se trouve, lui, happé par le train de vie débauché de sa maitresse. Transgressant à de nombreuses reprises les mœurs et la morale, les deux amants échappent alors aux conventions et aux attentes établies au sein de la société. Cette marginalité permet néanmoins de rendre les deux héros touchant par leur humanité et suscite ainsi l’empathie du lecteur.
La liberté
Le thème de la liberté est également central dans le roman. S’étant affranchis des normes imposées par la société de leur temps, Manon et Des Grieux décident de vivre selon leurs propres désirs, indépendamment du respect des attentes sociales, religieuses et familiales perçues comme autant de remparts à leur liberté. Les deux amants cherchent constamment à se libérer de ces contraintes afin de vivre librement leur amour. La quête constante de liberté de la part de Manon et Des Grieux fait notamment écho aux aspirations portées par le mouvement des Lumières en Europe au XVIIIème siècle.
L'amitié
L’amitié est un autre thème important du roman. Incarnée par la figure de Tiberge, ce dernier présente un versant de l’amitié s’opposant à celui du héros Des Grieux. Tiberge est fidèle, loyal et vertueux. Il apporte un soutien indéfectible à son ami et va jusqu’à traverser le Pacifique pour le rejoindre à la fin du roman. Son amitié peut être qualifiée d’héroïque tant elle brave les nombreuses déceptions auxquelles Des Grieux l’expose. À l’inverse, Des Grieux ignore à plusieurs reprises les conseils de Tiberge et l’abandonne même au profit de son aventure avec Manon. Il lui reste cependant fidèle et le retour de Tiberge annonce pour Des Grieux un retour à la vie morale et vertueuse après la mort de Manon.