Discours sur l'origine et les fondements de l'ingalité parmi les hommes

Discours sur l'origine et les fondements de l'ingalité parmi les hommes Rousseau et le marxisme

Au dix-neuvième siècle, Karl Marx porte un regard critique sur le groupe de penseurs qu'il appelle les “Robinsonnades” – les disciples de Robinson Crusoé, le célèbre naufragé du roman de Daniel Defoe qui, par ses propres moyens, construit peu à peu une vie totalement autonome sur une île déserte. Ces penseurs, parmi lesquels Marx place également Adam Smith, commencent leurs analyses politiques et leurs histoires spéculatives de l'humanité en étudiant l'individu isolé. Marx soutient que l'histoire humaine a toujours été collective : ce n'est qu'à l'aube du capitalisme et des philosophies qu'il engendre que la catégorie de l'individu en tant que personne dotée de droits naturels (comme le droit à la propriété) apparaît comme un concept politique. Rousseau, Smith et d'autres projettent cette invention politique contemporaine dans un passé fictif pour expliquer le développement des institutions.

Le Discours sur l'inégalité est un texte crucial pour le marxisme. Rousseau, comme Marx, soutient que l'histoire de l'humanité est celle de l'inégalité, qui a commencé par la division du travail. Ainsi, il est impossible de chercher rationnellement quel système de gouvernement est le plus juste ou le plus efficace. Cette question est courante à l'époque de Rousseau, alors que les premières révolutions contre la monarchie débutent et que l'Angleterre s’est dotée d’un système parlementaire contrôlant les pouvoirs du roi. Alors que certains penseurs tentent de comparer rationnellement les différents systèmes, Rousseau affirme que tous les systèmes de gouvernement trouvent leurs racines dans l'inégalité. Selon lui, aucune forme sociale n'est véritablement légitime, car chacune d'entre elles ne fait qu'apposer le sceau de la légitimité politique sur des inégalités illégitimes. L'inégalité n'est pas causée par des problèmes réparables. Elle n'influence pas seulement les relations sociales ou les déséquilibres de pouvoir. Au contraire, elle détermine tous les aspects de la vie humaine en société. Cet argument a profondément influencé l'analyse que Marx fait du capitalisme. En effet, selon Marx, il n'existe pas de capitalisme juste ou égalitaire. Le capitalisme est fondé sur l'inégalité et s'efforce de la préserver et de la renforcer.

Comme Rousseau, Marx pense que la solution à cette inégalité n'est pas de revenir vers une idylle passée mais d'aller de l'avant. Marx s'est opposé à des utopistes comme Charles Fourier, selon qui nous devrions créer un nouvel arrangement social. De même, Rousseau s'était démarqué des Physiocrates, qui pensaient qu'il fallait revenir aux formes sociales de la société agricole rudimentaire. Dans Le Contrat social – publié 8 ans après le Second Discours – Rousseau imagine une société dans laquelle la volonté de l’individu serait identique à la volonté générale. Dans cette société, il y aurait un petit gouvernement qui se contenterait d'exécuter les lois plutôt que de les voter. Cette image d'une société sans inégalité – sans distinction entre gouvernants et gouvernés – trouve un écho dans le rêve de Marx dans lequel les travailleurs posséderaient les moyens de production. Dans cet arrangement idéal, l'État – l'organisme qui adopte les lois, gouverne les gens et les punit – dépérirait, unissant la volonté de l'individu à celle de tous les autres.

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