On avait sûrement calomnié Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin.
Dès les premières lignes du roman, Kafka introduit l’idée principale de l'œuvre. Bien que K. pense n’avoir rien fait de mal, il apprend le jour de son trentième anniversaire qu’il est poursuivi par un tribunal dont il n’a jamais entendu parler pour un crime dont on ne lui dit rien. L’idée que cette arrestation est due à des rumeurs qui circulent au sujet de K. est le seul indice que donnera jamais l’auteur sur les raisons de l’arrestation.
Tu vois ça, Willem, dit-il, il reconnaît qu’il ignore la loi, et il affirme en même temps qu’il n’est pas coupable !
K. essaie d’interroger les gardes sur les raisons de son arrestation, mais ils refusent de lui donner la moindre information et ignorent ses questions. Dans ce passage, l’un des deux gardes tente de déstabiliser K. en lui faisant croire que sa défense est incohérente. K. est déconcerté et se tait. Ce passage est important car il marque l’acceptation progressive de son sort par K., malgré le fait qu’il n’ait rien à se reprocher.
Je sais bien que vous êtes arrêté, mais ce n’est pas comme quand on arrête les voleurs. Quand on est arrêté comme un voleur, c’est grave, tandis que votre arrestation... elle me fait l’impression de quelque chose de savant – excusez-moi si je dis des bêtises – elle me fait l’impression de quelque chose de savant que je ne comprends pas, c’est vrai, mais qu’on n’est pas non plus obligé de comprendre.
Le soir de son arrestation, K. demande à sa logeuse si elle sait quoi que ce soit sur ce qui lui est reproché. Mme Grubach pense que tout cela est bien trop savant pour elle et qu’elle n’est pas assez intelligente pour comprendre ce dont il retourne. Dès lors, elle se conforme aux ordres des autorités et ne cherche pas à remettre en cause les raisons de l’arrestation. Ce passage montre que le tribunal, en étant mystérieux et incompréhensible, assoit facilement son autorité sur les gens qui ne posent pas beaucoup de questions.
Je ne peux pas en dire si long, ne me demandez pas de noms, mais corrigez-vous de votre défaut, ne soyez pas si obstiné ; on n’a pas d’arme contre cette justice, on est obligé d’avouer. Avouez donc à la première occasion, ce n’est qu’ensuite que vous pourrez essayer de vous échapper, ensuite seulement.
Dans ce passage, K. demande à Leni ce qu’elle sait du tribunal. Elle lui répond qu’il a tout intérêt à reconnaître les faits qui lui sont reprochés et qu’il ne sert à rien de se défendre. Cette citation de Leni montre bien la logique du tribunal, pour qui tous les accusés sont coupables jusqu’à preuve du contraire. Ce n’est qu’en reconnaissant avoir commis un crime qu’on peut espérer être libre : l’accusé est déclaré coupable sans procès ni jugement.
En général les débats n’étaient pas seulement secrets pour le public, mais aussi pour l’accusé : dans la mesure, naturellement, où le secret était possible, mais il l’était précisément dans une très large mesure. L’accusé ne possédait, en effet, nul droit de regard sur les dossiers et il était très difficile de savoir d’après les interrogatoires ce qu’il pouvait y avoir dans ces dossiers, surtout pour l’accusé qui se trouvait intimidé et dont l’attention était distraite par toutes sortes de soucis.
Dans ce passage, le narrateur résume le long propos de Huld sur le fonctionnement étrange du tribunal. Il décrit la façon dont le tribunal assoit son autorité sur les accusés en leur interdisant de consulter le moindre document relatif à leur affaire. Ainsi tenus dans l’ignorance, ils sont incapables d’élaborer une défense solide et sont contraints de s’épuiser à la tâche durant des années.
Il fallait éviter à tout prix de se faire remarquer, rester tranquille même si on y éprouvait la plus grande répugnance, tâcher de comprendre que cet immense organisme judiciaire restait toujours en quelque sorte dans les airs.
Après sa longue explication, Huld finit - comme tous les personnages que rencontre K. - par lui conseiller de ne pas essayer de résister au tribunal. Bien que tout semble être fait pour que l’accusé finisse par perdre la tête, Huld insiste sur le fait que K. doit rester calme pour ne pas déranger le système judiciaire. Le tribunal semble être un organisme sensible, à l’équilibre fragile et à la dynamique autonome, comme si les hommes qui le dirigeaient n’avaient pas d’influence sur le cours de son action.
S’il avait été seul au monde, il aurait pu négliger son procès, en ad- mettant qu’on le lui eût intenté, ce qui ne serait pas arrivé.
Alors qu’il pense de plus en plus à son affaire, K. réalise qu’il ne s’en préoccuperait pas autant si la nouvelle de son procès ne s’était pas ébruitée. Bien qu’il fasse de son mieux pour ignorer les rumeurs, il ne peut que constater que ses clients et sa famille s’inquiètent pour lui. Ce passage montre à quel point la nature du procès est fondamentalement sociale. Bien que le roman soit appelé Le Procès, K. ne se rend que très peu au tribunal. En réalité, le vrai procès se déroule dans sa vie personnelle.
Vous connaissez certainement la justice beaucoup mieux que moi ; je n’en sais guère que ce qu’on a voulu m’en dire. Mais j’ai trouvé tout le monde d’accord pour affirmer qu’aucune accusation n’était lancée à la légère et qu’une fois l’accusation portée, le tribunal est fermement convaincu de la culpabilité de l’accusé ; on ne peut, paraît-il, que très difficilement l’ébranler dans cette conviction.
Dans ce passage, Titorelli tente d’aider K. en lui fournissant toutes les informations qu’il a recueillies au cours de ses années passées comme peintre du tribunal. Ce passage témoigne de l’impénétrabilité du tribunal, car il n’a toujours pas compris comment il fonctionnait vraiment malgré tout le temps qu’il y a passé. La seule chose dont il est sûr est que le tribunal considère que les accusés sont toujours coupables. Cela s’oppose aux systèmes judiciaires modernes dans lesquels toute personne est présumée innocente jusqu’à preuve du contraire.
Il faut en un mot que le procès ne cesse de tourner dans le petit cercle auquel on a artificiellement limité son action. Cela comporte évidemment pour l’accusé certains désagréments qu’il ne faudrait cependant pas vous exagérer non plus.
Titorelli explique ici à K. que le meilleur résultat qu’il peut espérer est une prolongation sans fin de la procédure. Cela impliquerait de garder son dossier perpétuellement ouvert en essayant de s’accorder les faveurs des juges. Le peintre suggère que cette solution n’est pas si mauvaise, même si elle impliquerait que K. ne soit jamais réellement débarrassé de la charge mentale de son procès.
Mais l’un des deux messieurs venait de le saisir à la gorge ; l’autre lui enfonça le couteau dans le cœur et l’y retourna par deux fois. Les yeux mourants, K. vit encore les deux messieurs penchés tout près de son visage qui observaient le dénouement joue contre joue. « Comme un chien ! » dit-il, et c’était comme si la honte dût lui survivre.
Dans le dernier paragraphe du roman, K. est brutalement exécuté. Ses derniers mots décrivent le sort inhumain qui lui est réservé. Le narrateur précise que la honte de K. devrait lui survivre, suggérant ainsi que même la mort ne suffirait pas à mettre fin à la détresse et à l’humiliation qui lui a causé ce procès.