L'Histoire de la sexualité, volume 1

L'Histoire de la sexualité, volume 1 Résumé et Analyse

Dans ce chapitre, Foucault s'interroge sur la manière d'identifier la période durant laquelle ces changements dans la sexualité se sont produits. Selon l’hypothèse répressive, nous devrions considérer deux ruptures majeures dans l'histoire de la sexualité : la fin du XVIIème siècle, qui introduit l'ensemble des interdictions discursives et des incitations à la pudeur ; et le XXème siècle, qui marque la fin de toutes ces interdictions et l'avènement de la liberté et de la diversité sexuelles.

Foucault suggère qu’une telle chronologie est au mieux incomplète. Il affirme tout d’abord que l’imposition de ce que l’on considère comme des contrôles sur la sexualité trouve son origine dans le Concile de Latran de 1215, qui a introduit la confession dans la pratique catholique. Foucault soutient que la confession, qui fonctionne comme un moyen d'incitation au discours, exige des aveux de plus en plus détaillés sur les péchés sexuels pendant la période de la contre-réforme. Foucault rappelle que le catholicisme du XVIIème siècle a transformé la confession en une “technologie de la chair”. La confession requiert que la transgression sexuelle soit exprimée par des mots.

À partir de la fin du XVIIIème siècle, avec l’avènement des Lumières, la mise en discours devient laïque et la sexualité appartient au domaine de l’État. Foucault considère qu'il s'agit là d'une transformation majeure, mais qui s'inscrit dans la continuité de l’incitation religieuse au discours. Il affirme que de nouvelles maladies psychiatriques comme l'hystérie trouvent leur racine dans la doctrine chrétienne de la possession. L’époque moderne est toutefois une période charnière qui configure la relation entre sexe et médecine. Foucault affirme qu'au tournant du XIXème siècle, les sujets d'un nouveau régime séculier de sexualité craignent la maladie, là où les sociétés antérieures craignaient la damnation.

La médicalisation de la sexualité prend son essor au XIXème siècle, au travers de la normalisation sélective des pratiques et des discours relatifs au sexe. Des théories, comme celle de la dégénérescence, font de la ‘perversion’ sexuelle non maîtrisée un risque pour la société entière, et requièrent le contrôle des pervers par des experts. La gestion de la reproduction devient alors une préoccupation majeure.

Foucault remarque une apparente contradiction dans le déploiement de la sexualité comme moyen de contrôle sociétal. Le contrôle de la sexualité visant notamment celui de la reproduction et de la productivité de la population, il devrait s’exercer plus strictement à l'encontre des classes ouvrières. Or, l’accès à la psychiatrie est limité aux classes bourgeoises. Le diagnostic et le traitement des pathologies psychiatriques sont donc restreints aux bourgeois. Foucault suggère que ce paradoxe s’explique par l’attention croissante portée par la bourgeoisie à la santé sexuelle, qui devient un marqueur de classe. L'Occident moderne est alors divisé le long d'un axe de connaissances sur la sexualité. D'un côté se trouve la bourgeoisie anxieuse qui s'interroge sur elle-même ; de l'autre, une main-d'œuvre beaucoup plus indifférente qui sert d'objet d’étude pour les technologies de gestion de la population.

Foucault conclut ce chapitre en suggérant que la sexualité a permis à la bourgeoisie de maintenir sa différence avec la classe ouvrière. La répression des désirs et des instincts a permis à la bourgeoisie d'améliorer sa santé sexuelle et son intégrité psychologique, à la différence de la classe ouvrière dont la sexualité était traitée comme un problème constant.

Foucault suggère que le désir de surmonter la répression, apparu avec le développement de la psychanalyse, a une fonction stratégique dans le dispositif de sexualité. En introduisant de nouvelles manières de comprendre les relations sexuelles inconscientes au cœur de la famille, la psychanalyse lie dispositifs d’alliance et de sexualité. La psychanalyse a également fait du dépassement des tabous un aspect important de la lutte pour le bien-être sexuel et mental. Foucault insiste sur le fait que cette lutte s'est déroulée dans le cadre du dispositif de sexualité. Elle traite la répression comme s’appliquant de manière indifférenciée, sans prendre en compte ses effets variables selon la classe, le sexe ou l'âge. La lutte universaliste contre la répression sexuelle nous fait oublier que la sexualité n'est pas une catégorie objective de l'expérience humaine et nous incite à considérer la sexualité comme une chose primordiale qui doit être libérée du pouvoir qui la contraint.

Analyse

L'argument de Foucault selon lequel la sexualité a remplacé le sang aristocratique est l'une de ses affirmations les plus provocantes. Elle permet notamment de réaffirmer la relation entre l'essor de la sexualité et les réorganisations sociales et politiques qui caractérisent le capitalisme contemporain. L'utilisation de la santé sexuelle comme garant d'un statut de classe ne reflète pas seulement la montée en puissance de la bourgeoisie aux dépens de l'aristocratie ; elle indique également l'avènement progressif d'un contrôle social beaucoup plus invasif et diffus, adapté aux exigences d'une main-d'œuvre de plus en plus industrialisée et spécialisée.

À bien des égards, la santé sexuelle (comme la santé mentale) reste considérée comme une préoccupation bourgeoise. Le fait de consulter un·e thérapeute est souvent associé à une sensibilité bourgeoise dans les productions culturelles. Nous associons les personnes qui ont recours à la thérapie à une classe relativement éduquée de personnes disposant du temps et des ressources nécessaires pour investir dans leur santé.

Ce déséquilibre des privilèges est la clé de voûte de la critique de Foucault sur la manière dont les Occidentaux, depuis les années 1960, ont cherché à se libérer de la répression sexuelle. Foucault rejette principalement l’hypothèse répressive car elle ne prend pas en compte les relations de pouvoir dans lesquelles s’exerce la sexualité. Dans ce chapitre, l'argument selon lequel la sexualité est une sorte de ‘sang’ bourgeois suggère également que la ‘libération sexuelle’ telle qu’elle a été prônée ignore et renforce les inégalités de classe.

C'est peut-être pour cette raison que, dans une démarche qui peut sembler surprenante, Foucault rejoint partiellement l'hypothèse répressive. Il note, une fois de plus, que de nombreuses activités sexuelles ont été restreintes et que les codes sociaux bourgeois empêchent les discussions ouvertes sur la sexualité. Mais il rappelle l’oubli majeur de l’hypothèse répressive, à savoir les relations de pouvoir et les formes de domination basées sur la classe, la race ou le genre qui structurent la sexualité.