L'Histoire de la sexualité, volume 1

L'Histoire de la sexualité, volume 1 Résumé et Analyse

L'introduction de la quatrième partie, intitulée “ le dispositif de sexualité ”, commence par une discussion portant sur Les Bijoux Indiscrets, une fable publiée anonymement en 1748 par le philosophe français Denis Diderot. Cette fable raconte l'histoire fictive du prince Mangogul, qui reçoit un anneau magique de la part d'un génie. L'anneau a la capacité de faire parler les vagins des femmes et de raconter leurs expériences sexuelles passées, à leur grand embarras. L'anneau du prince a également la capacité de le rendre invisible, ce qui lui permet d'écouter les secrets des femmes sans être vu.

Foucault considère cette fable comme représentative de notre société, qui “ porte [l'emblème] du sexe qui parle ”. Dans l'Occident moderne, la sexualité est soumise à la pression d'une double “ pétition de savoir ”. En effet, le sexe est considéré comme étant à l’origine de notre comportement. Nous sommes donc astreint·es à dire la vérité sur notre sexualité et simultanément, on attend que notre sexualité dise toute la vérité sur nous.

Les Bijoux Indiscrets est un titre polysémique. En français du XVIIIème siècle, l’expression “ bijoux discrets ” désignait le vagin. Foucault s'intéresse cependant davantage à la bague du prince, le véritable bijou discret de l'histoire. L'anneau fait parler les autres de leur sexualité, tout en restant lui-même opaque quant à l’exercice de son propre pouvoir. Foucault s'interroge sur le processus par lequel nous en sommes venus à exiger que notre sexualité nous dise ce que nous sommes. C’est ce qu’il appelle la “ logique du sexe ”. Les chapitres suivants exposent les enjeux, la méthode, le domaine à couvrir et les périodes historiques qui doivent être abordées pour répondre correctement à cette interrogation.

Le chapitre 1, “ Enjeu ”, clarifie les innovations de l’étude réalisée par Foucault. La contestation de l'hypothèse répressive n'est pas réellement nouvelle : la psychanalyse a longtemps douté de l'idée que la seule répression caractérise la relation entre pouvoir et désir. Au contraire, la psychanalyse étudie la manière dont le pouvoir participe à la constitution de nos désirs, qu'elle conçoit comme régis par des lois ou des pulsions. Partout où il y a désir, il y a une relation de pouvoir. Il serait vain de penser que la lutte contre la répression sexuelle nous permettra d'accéder à des expériences de désir qui échappent au pouvoir.

Foucault affirme que nous avons besoin d'une “ analytique du pouvoir ” plus que d'une “ théorie ” pour comprendre les complexités de la relation entre pouvoir et désir. Il souligne que la théorie psychanalytique des lois du désir et l'hypothèse répressive reposent sur la même compréhension du pouvoir, qu'il appelle “ juridico-discursive ”. Foucault veut s'éloigner d’une telle conception. Il considère en effet que ces théories du pouvoir conduisent à deux impasses : soit nous pensons à tort que nous pouvons nous libérer du pouvoir, soit nous nous résignons à son emprise sur notre sexualité. Il va toutefois présenter les cinq principales caractéristiques de la compréhension juridico-discursive du pouvoir, notamment celles relatives à la sexualité :

1. La “ relation négative ” : le pouvoir est essentiellement compris comme une force de contrainte et de négation par rapport au sexe. Face aux plaisirs et aux désirs, le pouvoir ne fait qu’imposer des contraintes, des limites et des interdictions.

2. “ L'insistance ” de la règle : le pouvoir dicte des lois à la sexualité et définit ce qui est acceptable et ce qui est inacceptable. La sexualité évolue dans un “ régime binaire ” : licite ou illicite, permis ou défendu, etc... Le sexe se comprend dans son rapport à la loi.

3. Le “ cycle de l'interdit ” : le pouvoir ne joue qu’un rôle de prohibition à l’égard du sexe. Il fait taire la sexualité, sous peine de la faire disparaître. Le cycle de l’interdit diffère de la relation négative, qui affirme plus largement que le pouvoir opère comme une force générale de restriction et de suppression. Le cycle de l'interdit renvoie aux “ deux inexistences ” de la conception judirico-discursive du pouvoir : soit le sexe “ renonce à lui-même ” et se tait, soit il est supprimé par les institutions.

4. La “ logique de la censure ” : en interdisant de parler de sexe, le pouvoir empêche les discours sur le sexe et en vient donc à nier son existence. Nier l’existence du sexe est tant la finalité que l’effet de son interdiction.

5. “ L'unité du dispositif” : le pouvoir fonctionne toujours de la même manière, à tous les niveaux de la société. Du roi au pauvre, la relation entre le pouvoir et le sexe est toujours celle entre les institutions et les sujets, au travers du droit.

Foucault lie la conception judirico-discursive de la relation entre sexe et pouvoir à la primauté du droit dans les sociétés occidentales. Il affirme que la représentation juridico-discursive du pouvoir est fondée sur une conception monarchique du gouvernement. Il suggère que nous continuons de penser que le pouvoir représente l'expression de la volonté d'un souverain et que les lois sont l'expression de la volonté du souverain. Foucault rappelle que cette représentation du pouvoir est obsolète. Le pouvoir moderne s’exerce par des mécanismes plus subtils et diffus que le droit et la loi, comme la technique, le contrôle et les normes sociales.

La tentative de formuler une histoire de la sexualité révèle la nécessité d'une représentation du pouvoir qui prenne en compte toutes ces dynamiques. Foucault suggère que la clé de compréhension de la relation entre pouvoir et sexe réside dans la notion de “ technologie du sexe ”. Comprendre le sexe comme une technologie, c'est-à-dire comme un ensemble complexe de pratiques et de discours qui produisent de nouvelles connaissances et de nouvelles pratiques, nous permet de comprendre comment le pouvoir opère à l'époque moderne. Il s'agirait d'une conception du pouvoir comme positif et productif, et pas seulement comme négatif ou restrictif.

Analyse

La discussion de Foucault sur Les Bijoux Indiscrets est une métaphore ludique de la sexualité. La fable pourrait être interprétée comme étant une réflexion sur la façon dont nos secrets sexuels et notre identité profonde commencent à être entremêlés au XVIIIème siècle. Elle est surtout une illustration de la manière dont sexe et vérité sur l’être humain sont liés, à leur tour, à l’exercice du pouvoir. En effet, c’est le roi qui a le pouvoir de susciter la discussion sur la sexualité, tout en maintenant le secret sur son propre pouvoir. L'anneau est à l'image des opérations discursives qui construisent la sexualité : il fait parler et révèle des secrets sans dévoiler la manière dont il exerce un tel pouvoir.

La partie dans laquelle s’inscrit ce chapitre est consacrée à l’étude du “ dispositif de sexualité ”. Foucault entend examiner comment la sexualité a été mise en pratique stratégiquement, dans l'exercice du pouvoir-savoir. En d'autres termes, Foucault entend explorer les manières dont la sexualité a été déployée dans un éventail complexe de pratiques politiques depuis le début de l'ère moderne.

Pour ce faire, Foucault continue d'affiner sa position par rapport à l'hypothèse répressive en admettant qu’il n'est pas le premier penseur à la réfuter. Foucault cherche à démontrer comment le pouvoir peut agir de façon productive en créant de nouveaux nouveaux objets de connaissance. Foucault rejette l’hypothèse répressive car elle ne permet pas d’expliquer comment le pouvoir fonctionne. Étudier l'histoire de la sexualité dans l'Occident moderne requiert une nouvelle méthodologie et une meilleure représentation du pouvoir que le modèle juridico-discursif.

La distinction entre “ théorie ” et “ analytique ” du pouvoir est difficile à saisir. On pourrait être tenté d'affirmer que le travail de Foucault vise toujours à fournir une théorie du pouvoir. À partir de la conception qu’a Foucault du pouvoir, on peut toutefois comprendre la distinction qu’il cherche à effectuer. En effet, pour Foucault, les relations de pouvoir influencent l’ensemble de nos actions. Les théories du pouvoir qui se cantonnent à l’étude des institutions ne permettent pas de saisir cette omniprésence du pouvoir dans la société. Au contraire, une “ analytique du pouvoir ” propose une analyse globale de la manière dont le pouvoir se déploie à tous les niveaux de l'interaction sociale, au sein de la famille, à l'école, entre patient·es et thérapeutes, etc.