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Comment Ferrante remet-elle en question les pratiques conventionnelles de la fiction historique ?
Le roman d'Elena Ferrante peut être considéré comme une fiction historique parce qu'il se déroule à une certaine époque et dans un lieu précis, et qu'il contient des références à des événements historiques réels. Elle utilise évoque les sons, les images et les odeurs de Naples dans les années 1950 par des descriptions et des détails narratifs particulièrement saisissants.
Cependant, le roman de Ferrante bouscule également certaines conventions de la fiction historique. L'enfance d'Elena et de Lila n'est pas seulement le passé pour le lecteur, mais elle est également présentée comme le passé dans la trame narrative du roman. En effet, l'histoire s'ouvre sur le présent, avec l'annonce de la disparition de Lila, et les événements de leur enfance sont racontés rétrospectivement du point de vue d'Elena. Cette structure narrative met en lumière le passé comme étant une période distincte du présent, ce qui produit une expérience très différente de l'immersion habituellement offerte par la plupart des fictions historiques.
En outre, le roman de Ferrante met en évidence le manque de fiabilité des connaissances que nous avons du passé. Les événements étant présentés comme les souvenirs d'Elena, certains détails sont parfois omis ou reconstitués. Les événements peuvent également être racontés d'un point de vue biaisé et ne sont pas toujours présentés dans un ordre linéaire et chronologique. Ces techniques remettent en question la fiction historique classique, et suggèrent que le passé n'est pas quelque chose que l'on peut restituer avec certitude. -
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Qui est l'héroïne du roman - Elena ou Lila ?
L'Amie prodigieuse est raconté à la première personne par Elena, et les événements sont présentés de son point de vue. Il est précisé qu'elle ne peut pas savoir ce que les autres personnages, en particulier Lila, ressentent ou pensent à certains moments. Cependant, malgré le fait qu'elle en soit la narratrice, il est difficile de déterminer dans quelle mesure Elena est véritablement le personnage principal du roman. Bien que le récit soit présenté comme un étant écrit par Elena, ce n'est pas une décision qui lui est propre, mais à l'inverse la disparition de Lila, qui lui permet de déployer cette intrigue.
Le fait d'être positionnée en tant qu'autrice lui donne le contrôle du roman, mais peut aussi servir à la mettre à l'écart en faisant de Lila le centre d'intérêt. Au fil des événements, le charisme, l'intelligence et le courage farouche de Lila font d'elle, le plus souvent, le centre de l'attention des autres ; Elena elle-même semble ne pas savoir dans quelle mesure elle est une personne à part entière, ou simplement une version diluée de Lila.
Comme l'écrit Natalie Bakopoulos dans son article 'We Are Always Us: The Boundaries of Elena Ferrante', "Elena réfléchit à la difficulté de raconter sa propre histoire sans Lila. Il y a l'histoire de Lila et l'histoire d'Elena, mais Elena se rend compte que les deux sont inextricables". -
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Quel est le rôle de la scolarité dans le roman ?
La scolarité joue plusieurs rôles dans le roman. Elle est présentée comme un moyen de progresser et peut-être même d'échapper à l'univers confiné et restreint du quartier. En poursuivant ses études, Elena est exposée à un plus grand nombre de gens, de pensées et de points de vue. Cela apparaît tout particulièrement lorsqu'elle est confrontée à des sympathisants communistes et à des remises en question de l'idéologie religieuse traditionnelle. Même si elle n'est pas sûre de la position à adopter sur ces questions, elles l'obligent à élargir sa réflexion.
L'éducation est également présentée comme une source d'émancipation féminine. Lorsque Maestra Oliviero soutient Elena et Lila dans la poursuite de leurs études, il apparaît clairement qu'elle souhaite qu'elles s'apprécient pour d'autres qualités que leur attrait physique et qu'elles envisagent la possibilité d'accomplir davantage que de devenir épouses et mères. Le rejet brutal de Lila par l'enseignante après que celle-ci cesse d'aller à l'école s'explique par sa frustration de voir que les perspectives intellectuelles de Lila ne seront pas mises à profit et qu'elle ne sera plus appréciée que pour sa beauté.
Bien que l'éducation soit présentée comme une source potentielle de liberté et d'émancipation, elle est aussi parfois remise en question pour son décalage avec les réalités de la vie moderne et de la classe ouvrière. Alors qu'Elena passe des années à étudier le latin et le grec, ces études strictement théoriques ne l'aident pas nécessairement à naviguer les dynamiques de pouvoir complexes du quartier de la même manière que Lila, astucieuse et rusée, y parvient.
Cette attitude ambivalente à l'égard de la scolarité est décrite par Rachel Donadio qui écrit que "la saga napolitaine de Ferrante traitent essentiellement du savoir, de ses possibilités et de ses limites. Des connaissances intellectuelles, sexuelles, politiques. Quel type de connaissances faut-il avoir pour s'en sortir dans ce monde ? Comment y parvient-on ? Comment notre savoir nous change-t-il, nous blesse-t-il et nous rend-il plus forts, souvent tout à la fois ?" -
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Lila gagne-t-elle à épouser Stefano ?
D'une certaine manière, le mariage de Lila semble lui donner exactement ce qu'elle veut. Elle épouse l'homme de son choix et semble ressentir une certaine attirance physique et émotionnelle pour Stefano. En raison de la richesse de Stefano, ce mariage lui assure également une vie très confortable et lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. En outre, Stefano soutient le projet d'usine de chaussures Cerrullo et y apporte son soutien financier.
Cependant, des indices subtils suggèrent que Lila surestime peut-être le pouvoir qu'elle aura en tant que jeune mariée, et que le jour de son mariage marquera la fin d'un grand nombre de ses libertés. Lila semble hésitante et même effrayée par certains aspects du mariage, et en particulier la question de la sexualité ; peu avant le mariage, elle demande à Elena ce qui va lui arriver. Cette question suggère que Lila sait qu'elle sera dans une toute nouvelle situation, potentiellement imprévisible et vulnérable, en tant qu'épouse.
Encore plus important, lors de la réception de mariage, Marcello Solara arrive portant les chaussures fabriquées par sa main que Stefano avait acheté symboliquement, suggérant non seulement que Stefano et Marcello coopèrent d'une manière ou d'une autre, mais aussi que Stefano ne protège pas Lila de Marcello comme elle l'espérait. Plus inquiétant encore, cela sous-entend que les deux hommes se ressemblent par leur agressivité et le contrôle qu'ils souhaitent exercer sur Lila, et qu'au lieu de protéger sa liberté, son mariage va la restreindre. -
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Pourquoi le rêve de cordonnerie est-il si important pour Lila ?
Le rêve de l'usine de chaussures Cerrullo est important pour Lila pour des raisons à la fois pratiques et idéologiques. Elle attache de l'importance à la sécurité financière que ce projet pourrait leur procurer et, en observant le développement économique du quartier, elle se rend compte que la meilleure chance pour sa famille de s'enrichir est de développer leur propre produit. Lila est la seule de sa famille à être assez intelligente et courageuse pour envisager cette solution et entreprendre de la mettre en œuvre.
Outre ses rêves de richesse, Lila attache de l'importance à l'indépendance et à la liberté qu'apporterait cette entreprise. Comme l'écrit Grace Bullaro, "la nouvelle obsession de Lila pour l'argent n'est pas seulement un fantasme de richesse pour elle-même, elle a compris la fonction plus profonde que joue l'argent dans la société, qu'il n'est qu'un instrument dans la réalisation d'autres ambitions plus importantes".
Enfant, elle a toujours fait preuve d'imagination et de créativité, et la réalisation de chaussures constitue un exutoire pour ces qualités. Ce travail implique également une certaine autonomie que Lila, au caractère bien trempé, a peu de chances de trouver dans ses autres occupations.