Forme et motivation
Weber prend le soin d'identifier une différence entre la « forme » et la « motivation » du capitalisme. Il entend par là qu'une société peut être capitaliste dans sa forme - c'est-à-dire que sa vie économique peut être organisée selon un système capitaliste - mais pas dans sa motivation, si les travailleurs ne recherchent que la subsistance, sans faire de profit. D'un autre côté, une société peut ne pas avoir la forme du capitalisme mais avoir quand même une « motivation » capitaliste si les gens ont tendance à penser en fonction de l'idée de tirer un profit pour eux-mêmes par leur travail, malgré un système économique non capitaliste. Un exemple pertinent de cette deuxième situation serait la Nouvelle-Angleterre à l'époque de Benjamin Franklin ; bien que le capitalisme ne soit pas encore en place, les textes de Franklin soutiennent l'idée de travailler dur afin d'accumuler suffisamment d'argent pour le transmettre à la génération suivante, représentant ainsi un esprit capitaliste. Ce thème revient tout au long du texte comme un moyen de distinguer l'esprit capitaliste du capitalisme lui-même.
Être mis à l'épreuve
Weber identifie ce concept comme un élément primordial du calvinisme, et important pour expliquer pourquoi le calvinisme a eu une influence si particulière sur l'esprit capitaliste. Cette idée est en contradiction avec une croyance fondamentale du catholicisme, selon laquelle chacun est marqué par le péché, mais peut être pardonné après coup s'il se repent simplement. Même les luthériens croient que la pénitence peut regagner la grâce de Dieu. Selon Weber, ce point de vue signifie que les catholiques et les luthériens n'ont aucune motivation pour adopter le type d'approche systématique et rationnelle de la moralité qui caractérise le calvinisme. Selon les calvinistes, la moralité est systématique parce qu'ils croient être constamment mis à l’épreuve. S'ils obtiennent de bons résultats, cela révèle qu'ils sont sauvés. Ainsi, pour le calvinisme, puisque le salut est préalablement déterminé par Dieu, toutes les actions sur terre reflètent l'état de salut d'une personne ; si quelqu'un est généralement un ardent travailleur et qu’il prospère, cela prouve qu'il a été choisi pour le salut. Selon Weber, cela signifie que les calvinistes soient plus motivés pour le dur labeur de manière rationnelle et méthodique.
Ascétisme
Weber fait souvent référence à la notion d'ascétisme, qui consiste à rejeter les plaisirs matériels en faveur d’une pratique rigoureuse de l'autodiscipline. De nombreuses sectes protestantes valorisaient l'ascétisme. En particulier, les moines tentaient d'incarner un style de vie ascétique. Ainsi, cette approche récurrente dans le texte de Weber, tente de retracer les façons dont le protestantisme a contribué à l'esprit capitaliste. Weber affirme que la forme stricte d'autodiscipline nécessaire à la fois pour éviter les péchés et pour travailler dur afin de réaliser un profit était considérée comme un acte spirituel, religieux, appliqué aux parties séculières de la vie d'une personne, comme sa profession. Weber souligne que les calvinistes avaient tendance à appliquer un type d'approche ascétique à la totalité de leur vie, même lorsque leur profession n'avait rien à voir avec leur religion.
Le devoir comme vocation
Weber fait d'abord référence à ce concept lorsqu'il évoque les contributions de Luther au développement de l'esprit capitaliste. Selon Weber, Luther a redéfini l'idée originelle de la vocation d'une personne – c'est-à-dire que cela relevait de situation dans la vie quotidienne ou professionnelle – comme un « devoir » à accomplir, dans un sens religieux. Luther pensait que chacun avait une vocation et devait l'accomplir afin de vivre une vie qui plaise à Dieu. D'une certaine manière, les calvinistes reflétaient également cette idée dans leur approche de l'importance du travail. Ils pensaient qu'ils avaient le devoir de travailler dur afin de manifester le fait qu'ils étaient parmi les rares élus par Dieu pour le salut ; ou, pour donner une explication plus psychologique, afin d'acquérir une plus grande confiance en soi et de ne pas s'attarder sur la question de savoir s'ils avaient été choisis ou non.
Matérialisme et Spiritualisme
Ces deux concepts divergents sont évoqués lorsque Weber compare le catholicisme au protestantisme. Il souligne que les protestants sont souvent accusés de « matérialistes », c'est-à-dire qu'ils se concentrent davantage sur leur vie matérielle et non sur la vie après la mort, tandis que les catholiques sont réputés « spirituels », c'est-à-dire qu'ils se focalisent surtout sur leur vie après la mort. Weber explique que les deux camps se critiquent mutuellement pour des raisons différentes : Les catholiques peuvent être accusés d'être indifférents aux préoccupations matérielles, tandis que les protestants peuvent être considérés comme trop « matérialistes » parce qu'ils ont sécularisé de nombreux aspects de leur vie quotidienne. Cependant, selon Weber, il s'agit d'une fausse dichotomie. En effet, aux premiers temps du calvinisme et du puritanisme, les protestants avaient tendance à être très ascétiques et ils prenaient peu de plaisir à la vie. Ainsi, ces concepts s'avèrent être marginaux à la discussion de Weber sur l'esprit capitaliste et les façons dont le catholicisme et le protestantisme y ont contribué.
Individualisme pessimiste
Weber estime que l'un des traits caractéristiques du calvinisme est une attitude d'individualisme pessimiste. Cela découle de la croyance calviniste en la prédestination ; si le salut de chaque individu est déjà déterminé à l'avance et ne peut être changé, alors personne ne peut les aider dans ce chemin vers le salut ou la condamnation. Cela en fait un individualisme. Cet individualisme est pessimiste car il implique la croyance que le salut est une affaire personnelle, ce qui signifie que personne ne peut aider autrui. Il diffère donc de l'individualisme des Lumières, qui était plus positif dans le sens où il pensait que si chaque individu faisait attention à soi-même, les autres en bénéficieraient. Cela devient un thème important car l'individualisme est essentiel à l'esprit capitaliste. Cependant, Weber veut également préciser que c'est spécifiquement cet individualisme pessimiste calviniste qui a contribué à l'esprit, par opposition à l'individualisme des Lumières, qui ne fait pas partie de son analyse historique.
Actions systématiques et actions individuelles
Weber pense que l'une des distinctions importantes entre le catholicisme et le protestantisme réside dans l'accent qu'ils mettent respectivement sur les actions individuelles ou systématiques. Les catholiques ont tendance à se concentrer sur l'action individuelle parce qu'ils croient que les individus peuvent compenser leurs péchés après les avoir commis, par l'acte spécifique de se repentir pour ce péché en particulier. En revanche, les protestants ont une approche plus systématique du péché : quotidiennement, ils croient qu'il faut constamment essayer de faire de bonnes actions afin de prouver ou d'obtenir le salut. Alors que les catholiques accomplissent un acte isolé, occasionnel, les protestants accomplissent une action cohérente et donc systématique tout au long de leur vie. Pour Weber, il s'agit d'un thème important car la nature systématique du protestantisme est en partie à l'origine de l'esprit capitaliste : Les calvinistes travaillaient dur tout au long de leur vie de manière méthodique, afin de devenir plus sûrs de leur salut, et reflétaient ainsi le même type de motivation personnelle constante au travail qui caractériserait l'esprit capitaliste.