La thèse fondamentale et sous-jacente, non seulement de L'Éthique Protestante et l'Esprit du Capitalisme, mais de toute la perspective sociologique de Max Weber, a été profondément influencée par le développement de son enfance. Weber est né de parents dont les personnalités et la vision fondamentale des fondements moraux de la vie n'auraient pas pu être plus antagonistes. En effet, d’une part, il était coincé entre une pensée construite sur une solide base de stricte obéissance de l'éthique protestante en la personne de sa mère, et d'autre part, un père extrêmement ambitieux et sexuellement libertin. De cette situation, il est très facile d'imaginer Weber divergeant assez fortement de sa place dans le panthéon des grands esprits économiques aux côtés de Marx et Veblen et se retrouvant à l'extrême opposée de ce registre. Quoi qu'il en soit, Weber a fini par écrire un ouvrage qui trouvera plus facilement sa place sur une étagère à côté de Das Kapital qu'à côté de La Richesse des Nations.
Max Weber partage avec Karl Marx une vision très singulière de la nature de la relation que le travail entretient avec la société dans son ensemble : l'importance vitale de la concurrence sur le pouvoir d'influencer et de façonner l'évolution de la société. C'est également sur ce point que Weber et Marx divergent assez fortement. En effet, Marx ayant grandi dans un foyer qui était également idéologiquement fracturé, a peut-être développé par besoin de survie cette capacité à utiliser l’imagination sociologique le conduisant à considérer la concurrence comme un élément construit jugé pour reproduire l’idée dominante. Ceci pousse Weber à considérer la concurrence comme l'effet de nombreuses causes sociétales différentes. Lorsque Weber écrit dans L'Éthique Protestante et l'Esprit du Capitalisme que l'histoire de l'évolution économique a été une histoire dans laquelle :
« L’idylle s’effondrait sous les premiers coups de la concurrence : des fortunes considérables s’édifiaient qui n’étaient pas placées à intérêt, mais réinvesties dans l’entreprise. L’ancien mode de vie, confortable et sans façons, lâchait pied devant la dure sobriété de quelques-uns. Ceux-ci s’élevaient aux premières places parce qu’ils ne voulaient pas consommer, mais gagner, tandis que ceux-là, qui désiraient perpétuer les anciennes mœurs, étaient obligés de réduire les dépenses. » (pages 70-71)
Bien que Marx et Weber appartiennent à la même idéologie économique, le texte renforce davantage le fait que ce dernier n'est certainement pas un marxiste. Par-dessus tout, Weber est capable d'appliquer au capitalisme une dimension éthique qui n'existe assurément nulle part dans la théorie marxienne. Et pourtant, lorsqu'on lit le passage ci-dessus, il devient tout aussi évident qu'il critique sévèrement les caractéristiques négatives existant au sein du capitalisme. De plus, il est même capable de prévoir comment ces caractéristiques peuvent être utilisées pour remettre en cause sa vision positive d'une manière qui est inscrite dans l'histoire du système.
Weber soutient que ce n'est pas le capitalisme en tant que système en soi, mais le matérialisme qui sous-tend la croissance du capitalisme qui a été responsable des aspects négatifs de ce système qui ont pris le pas sur ses aspects positifs. L'état psychologique de désespoir, de déconnexion et de dépression qui sévit dans la plupart des pays capitalistes semble le confirmer. Lorsqu’on place les travailleurs faiblement rémunérés qui dominent le système capitaliste dans le contexte formulé dans L'Éthique Protestante et l'Esprit du Capitalisme, ils apparaissent comme des victimes de leur propre manque de résistance aux pressions exercées pour se conformer au matérialisme et moins comme des victimes de l'oppression capitaliste. Ici, il est insinué que le matérialisme est le véritable opium des masses. Ceci semble cohérent selon la perspective de Weber, car à travers ce contexte, il affirme que le capitalisme a été la première évolution économique à offrir l'attrait d'une liberté permanente par rapport à l'oppression écrasante des systèmes précédents.