Propos liminaire
Si Le Deuxième sexe ne comporte pas de personnages à proprement parler, Simone de Beauvoir fait allusion à de nombreux philosophes et auteurs qui seront ici présentés.
Platon
Philosophe grec de l'Antiquité, Platon expose des idées fondamentales de la philosophie classique. De Beauvoir mentionne le “ mythe platonicien ” selon lequel l'être humain est né d'un seul être qui s'est divisé en deux, et que chaque être cherche à trouver sa moitié, ce qui prend la forme d'hommes et de femmes qui s'unissent en tant que couples. Elle cite l'exemple des philosophes qui partent du principe que la division sexuelle est inévitable pour mieux le réfuter. Elle souligne en effet que la dichotomie binaire en deux sexes n'est pas une réalité biologique, citant l’exemple d’espèces hermaphrodites et unicellulaires.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel
Philosophe rationaliste allemand qui considère que la sexualité est l'impulsion de s'unir à un autre être afin de dépasser son moi individuel en contribuant, par la reproduction, à la survie de sa propre espèce. Il suppose qu'un sexe doit être actif et l'autre passif, la femme prenant “ naturellement ” le rôle passif. De Beauvoir souligne que la reproduction peut être asexuée et que l'activité sexuelle ne fait pas nécessairement partie de la nature humaine. Elle conteste l'hypothèse de Hegel selon laquelle la différence sexuelle est naturelle.
Sigmund Freud
Psychanalyste allemand considéré comme le fondateur de cette discipline. de Beauvoir souligne que Freud part du principe que les hommes représentent une position neutre ou supérieure. Par exemple, il estime que la libido est toujours d'essence masculine et analyse la façon dont la sexualité se fonde sur le pénis. De Beauvoir s'oppose à l'analyse de Freud parce qu'il suppose que les femmes sont simplement des versions endommagées des hommes, pensant que les filles envient inconsciemment les organes génitaux des hommes. De Beauvoir souligne au contraire que c'est la société qui valorise ce qui est considéré comme symbolisant la virilité masculine Elle s'oppose également à son hypothèse selon laquelle tout comportement humain est motivé par la recherche du plaisir.
Friedrich Engels
Philosophe allemand, Engels estime que l'histoire est fondée sur le développement de la technologie. À l'âge de pierre, les hommes accomplissaient des tâches nécessitant une plus grande force tandis que les femmes restaient dans la sphère domestique. Avec l’apparition de la propriété privée, le travail des hommes a pris plus de valeur et les hommes ont pu assujettir les femmes parce qu'ils avaient accès à la richesse économique. L'oppression sociale et économique des femmes est donc étroitement liée. Des penseurs comme Engels pensent que l’égalité des femmes et des hommes est corrélée avec l’égalité économique. De Beauvoir critique cette théorie parce qu'elle n'explique pas pourquoi les humains valorisent la propriété en premier lieu. Elle estime également qu'Engels ne tient pas compte du désir de domination et de puissance qui anime les comportements sexistes.
Pierre-Joseph Proudhon
Proudhon est le seul philosophe réformateur de gauche du XIXème siècle à ne pas avoir soutenu les mouvements engagés pour les droits des femmes. Il soutient les petits propriétaires mais croit en la nécessité de confiner les femmes dans leur foyer. Il est un exemple du fait que le sexisme ne se limite pas aux milieux conservateurs, mais s’étend à tous les milieux politiques.
Henry de Montherlant
Écrivain dont de Beauvoir décrit le traitement des mères et des amantes. Pour Montherlant, le féminin n'est vénéré que dans les moments de faiblesse et représente une force défavorable et opposée aux hommes. Les hommes doivent échapper aux mères qui veulent les garder enfants pour toujours et aux amantes qui veulent les rendre faibles pour les retenir près d’elles. Dans l'ensemble, il considère la féminité comme monstrueuse et les femmes comme utiles uniquement pour le plaisir que leur corps peut donner aux hommes. De Beauvoir souligne que Montherlant s'aligne sur l'idéologie nazie, en reliant ses opinions négatives sur les femmes à ses opinions sur la faiblesse en général.
D.H. Lawrence
Écrivain convaincu que les hommes et les femmes sont des êtres complets mais fondamentalement opposés et essentiellement différents de l'autre. Pour lui, un rapport sexuel implique de renoncer à son autonomie personnelle pour s'unir dans un acte supérieur avec une autre personne. Cette unification est miraculeuse, mais nécessite l'abandon de la personnalité individuelle. À première vue, cette philosophie semble supposer que les hommes et les femmes sont égaux. Cependant, de Beauvoir souligne que Lawrence croit en réalité à la suprématie masculine. Il pense que les femmes doivent s'engager dans des unions monogames et s'abandonner complètement aux hommes.
Paul Claudel
Poète et dramaturge catholique, il croit que tout ce qui a été créé par Dieu est bon et sert à quelque chose. Pour Claudel, la femme représente un élément de risque introduit dans le monde pour tenter et défier les hommes. Il perçoit le mariage comme une union sacrée dans laquelle l'homme et la femme se possèdent l'un l'autre. Cependant, les hommes ont la priorité dans la hiérarchie sociale et les femmes doivent être fidèles et loyales. Claudel croit que les femmes ont un lien direct avec Dieu et qu'elles peuvent atteindre la transcendance grâce à lui. Pour Claudel, la femme représente le salut de l'homme, mais il n'y a pas de réciprocité dans cette relation.
André Breton
Auteur et poète français dont de Beauvoir analyse la représentation des femmes dans ses textes. Breton pense que la transcendance vient du divin présent sur terre sous la forme de la beauté. C'est par la passion des hommes pour les femmes que la beauté existe dans le monde. La femme représente le salut de l'homme par l'amour qu'elle inspire et porte le lourd fardeau d'être une force rédemptrice pour l'humanité. Les femmes sont ainsi érigées en êtres dont le rôle et l’existence dépendent uniquement de celui des hommes.
Henri Beyle (Stendhal)
Écrivain qui, selon de Beauvoir, est l’un des premiers à considérer les femmes comme des êtres humains à part entière, comme des sujets dotés d’une conscience autonome. Stendhal affirme que les femmes sont des " êtres humains que des mœurs imbéciles ont réduits à un demi-esclavage ”, par opposition à des êtres mauvais ou purement bons. Il reconnaît leur lutte pour obtenir plus de liberté en dépit des nombreux obstacles que la société place sur leur chemin. Pour de Beauvoir, Stendhal se projette dans les personnages féminins de ses romans.
Sophia Tolstoï
Épouse du célèbre romancier russe Léon Tolstoï, Sophia Tolstoï est connue pour les journaux qu'elle a tenus pendant leur mariage et pour leurs violentes disputes. Elle et Léon Tolstoï ont vécu un mariage malheureux, miné par le délaissement de son mari uniquement concentré sur son travail, et par sa propre jalousie. Vers la fin de sa vie, Léon Tolstoï est parti de chez lui, refusant de se confronter aux reproches de sa femme et de sa fille. De Beauvoir inclut de nombreux extraits du journal de Sophia afin de donner un exemple de mariage malheureux. Selon de Beauvoir, Sophia a souffert dans son mariage parce qu'elle était trop jeune pour savoir à quoi s'attendre et a été constamment déçue par le peu que Tolstoï avait à lui offrir. Sophia représente ainsi de nombreuses femmes de ce siècle, mariées très jeunes à des hommes plus âgés et censées passer tout leur temps à s'occuper de leur famille.