Résumé
Dans le premier chapitre de la première partie du second volume, de Beauvoir analyse la façon dont les filles sont traditionnellement traitées pendant leur enfance. Elle affirme que les filles sont élevées pour s'identifier à certains traits que nous associons à la féminité et au fait d'être une femme. Cette affirmation distingue les théories de Beauvoir de celles de Freud. Alors que Freud affirmait que les femmes pensaient d'une certaine manière en raison de leur anatomie, de Beauvoir explique qu'elles n'en viennent à penser de cette manière du fait de leur socialisation. Ainsi, elle montre que les filles ont tendance à montrer les mêmes aptitudes et attitudes que les garçons jusqu'à l'âge de douze ans. Ce n'est qu'à la puberté, du fait du traitement différencié des adultes, qu'elles commencent à se comporter différemment. Le processus de séparation des parents contribue à façonner différemment les garçons et les filles : alors que les filles sont traitées avec plus de précautions, les garçons apprennent rapidement à être indépendants et plus actifs. Un tel traitement indique implicitement aux filles qu'elles doivent compter sur une protection extérieure et qu'elles sont considérées comme plus faibles que les garçons.
De Beauvoir se penche aussi sur la question de savoir comment les différences génitales des enfants façonnent leur identité. Elle estime que les adultes valorisent et louent la sexualité du garçon, ce qui lui apprend à identifier sa sexualité à son adolescence. En revanche, la sexualité des filles n'est ni louée ni reconnue : elle est taboue. Les filles ne peuvent pas se projeter dans une partie de leurs corps et ont donc tendance à compenser en jouant avec des objets qui représentent ce corps, comme une poupée. Elles désirent que les adultes s'intéressent à leur corps dans son ensemble – elles se transforment en objets. Cette analyse diffère de la théorie de Freud sur “ l'envie d’un pénis ”, qui suppose que les filles grandissent avec le sentiment d'être lésée en réalisant la différence des sexes et le manque du pénis.
Lorsqu'elles entrent dans la puberté, les filles se heurtent à des contraintes qui n'existent pas pour les garçons. Elles se voient confier beaucoup plus de responsabilités à la maison et se voient confinées à ces tâches, alors que les garçons ont la possibilité d'explorer le monde et de grandir au fil du temps. Bien que les mères puissent sembler toutes-puissantes aux enfants, les filles apprennent avec le temps que c'est en fait leur père qui a le pouvoir sur tout. On leur apprend à aborder l'amour en se soumettant à la volonté des hommes ; des histoires comme celles de Cendrillon et de la Belle au bois dormant leur apprennent à être patientes et bonnes afin d'attendre qu'un homme les récompense par son amour. Le sexe est présenté comme mystérieux et impur, ce qui les conduit à éprouver du dégoût pour leur propre corps en pleine croissance. Pour les femmes, la sexualité et la puberté sont associées à la honte et à la douleur. De Beauvoir conclut en affirmant qu'élever les femmes pour qu'elles s'acceptent elles-mêmes et leur corps sans honte permettrait d'éviter bon nombre de ces problèmes.
Dans le deuxième chapitre, de Beauvoir s'intéresse spécifiquement à l'adolescence. Elle caractérise cette période comme étant essentiellement consacrée à l'attente de l'homme. À l’inverse des garçons qui commencent à développer des jeux plus agressifs à l'adolescence, les filles sont encouragées à devenir plus passives. De Beauvoir affirme que la prise de conscience de leur faiblesse physique les conduit à perdre confiance en elles. Le contrôle de soi et la passivité que l'on attend des filles peuvent les rendre paresseuses et ennuyeuses. Elles commencent également à se considérer comme des objets et deviennent obsédées par leur propre apparence, car c'est la seule chose qui intéresse les hommes, qu’on leur présente comme étant plus importants, supérieurs.
Dans le troisième chapitre, de Beauvoir décrit la façon dont les filles réagissent à leur sexualité. Dans l'ensemble, elle caractérise leur éveil sexuel comme un acte violent. La société centre la sexualité autour de l’homme, de ses gestes et de son plaisir. On attend toujours des femmes qu'elles soient passives et soumises, alors que les hommes sont encouragés à être actifs. La sexualité des hommes peut souvent sembler menaçante pour les femmes. De plus, la sexualité est compliquée par le danger de concevoir un enfant. Cette menace conduit les femmes à se concentrer sur la crainte des potentielles conséquences de leur vie sexuelle.
De Beauvoir estime que la sexualité est compliquée par la répartition inégale du pouvoir entre les hommes et les femmes. La sexualité est un lieu de domination sociale, ce qui la rend intrinsèquement violente et inégale. L’approche qu’ont les femmes de la sexualité est marquée par des expériences traumatisantes – saignements, accouchement, etc... De Beauvoir conclut ce chapitre en soulignant que la sexualité des femmes est façonnée par leur situation sociale et économique.
Dans le quatrième chapitre, de Beauvoir présente son analyse de l'homosexualité. Elle affirme que l'homosexualité ne doit pas être jugée comme étant meilleure ou pire que l'hétérosexualité, mais plutôt comme une réponse à certaines conditions sociales. Il s'agit principalement d'une réponse au fait que l'on attend des femmes qu'elles soient sexuellement passives lorsqu'elles sont dans une relation hétérosexuelle. Les femmes se sentent contraintes et peuvent se tourner vers l'homosexualité pour avoir une sexualité plus égalitaire. L'amour entre femmes peut être plus égalitaire, mais aussi plus turbulent, car les femmes sont ouvertes les unes aux autres comme elles ne le sont pas avec les hommes. de Beauvoir conclut en écrivant que l'homosexualité est choisie en fonction de la situation de chacun.
Analyse
Dans le premier chapitre du volume, de Beauvoir utilise systématiquement la troisième personne. Elle utilise un “ elle ” général, une “ fille-type ” qui vit toutes les évolutions de l'enfance qu'elle décrit. Dans cette perspective, de Beauvoir tente d'incarner le point de vue des femmes en général afin de comprendre ce qu'elles vivent. Cependant, cette approche est compliquée par le fait que de Beauvoir passe de l'analyse de cas particuliers à l’exposition de la situation des femmes en général. Ainsi, son utilisation de la troisième personne se réfère parfois à une personne spécifique, et s'applique parfois plus largement à ce qu’elle considère être la condition de toutes les femmes.
Dans le deuxième chapitre, consacré à la “ jeune fille ”, de Beauvoir mêle sa théorie à l'analyse littéraire. Elle s'appuie sur des personnages de fiction pour montrer comment la féminité peut se manifester différemment selon les personnalités. Elle examine par exemple le personnage de Judy dans Dusty Answer, de Rosamond Lehmann, et conclut qu'elle donne son l'amour comme un cadeau et qu'elle considère l'autre comme quelque chose de merveilleux à incarner. Dans ce type d'analyse, de Beauvoir considère ce personnage fictif comme un type de personnalité qui peut éclairer la situation des femmes en général.
Dans le troisième chapitre, de Beauvoir analyse la sexualité de manière plus globale. Elle continue à s'appuyer sur des anecdotes pour fonder son analyse de Beauvoir se réfère également à des sources secondaires, issues de rapports de médecins ou de psychologues. Dans ce chapitre, elle tend à articuler ses exemples avec des réflexions plus générales.
De Beauvoir commence le dernier chapitre de cette section en notant certains préjugés existant sur les personnes lesbiennes : dès la première ligne, elle note “ qu’on se représente volontiers la lesbienne coiffée d’un feutre sec, le cheveu court, et cravatée ”. Ces exemples lui permettent de mieux réfuter la validité de cette image au fur et à mesure qu'elle avance dans le chapitre. de Beauvoir présente toutefois des idées sur les déterminants de l’orientation sexuelle qui semblent contestables aujourd’hui, affirmant par exemple que les femmes les plus puissantes se tournent vers l'homosexualité pour éviter d'être dominées par les hommes. L'homosexualité était perçue différemment dans les années 1940 et, conformément à l'argument de Beauvoir selon lequel les opinions doivent être comprises en relation avec les faits sociaux, son analyse de l'homosexualité doit être comprise comme une analyse de sa position par rapport aux normes de l'époque en matière de genre et de sexualité.