Lolita (en français)

Lolita (en français) Résumé et Analyse

Chapitre 1

Après un paragraphe introductif enflammé de celle qu'il appelle Lolita, le narrateur Humbert Humbert révèle que cette dernière a eu une prédécéseure sans laquelle il ne l'aurait peut-être jamais aimée. Il se qualifie de « meurtrier » et demande aux « Mesdames et Messieurs les jurés » de se pencher sur son cas.

Analyse

Humbert laisse entendre que son amour pour Lolita trouve une origine psychanalytique dans son enfance, suggérant un détournement par Nabokov de cette explication conventionnelle.

Les nombreux noms de Lolita - Dolorès, Lo, Dolly, etc. - nous rappellent que, bien qu'elle puisse être perçue différement en fonction de qui l'observe, nous la verrons ici toujours telle qu'Humbert la voit (et donc une vision biaisée, subjective et incomplète) : « Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita. »

Humbert se fait dès lors son propre avocat et cajole son public en, très explicitement, nous faisant voir le monde à travers son regard extrêmement subjectif. Ainsi, il s’adresse à ses lecteurs en appelant à son « jury », admettant ainsi et invitant même le jugement porté sur lui. Bien que le lecteur ait pu supposer, d'après l'avant-propos, que le crime pour lequel il est emprisonné est un acte de pédophilie, il apparaît désormais clairement qu’il s’agit d’un meurtre.

Chapitre 2

Humbert raconte sa naissance à Paris en 1910, et malgré la mort de sa mère, foudroyé part un éclair alors qu’il est encore très jeune, et de sa Tante Sybil plus tard à l’adolescence, il évoque un enfance heureuse et privilégiée. Il fait allusion à sa rencontre avec « la petite Annabel » à ses treize comme étant sa première véritable expérience sexuelle.

Analyse

Humbert est européen et grandit en France, des origines qui joueront un rôle important lorsqu'il arrivera en Amérique.

La célèbre description de la mort de sa mère « (un pique-nique, la foudre) » est humoristique, mais elle introduit également le thème du destin, examiné tout au long du roman, thème que la prophétie de sa tante selon laquelle elle mourrait peu après son seizième anniversaire accentue encore.

Chapitre 3

Notre narrateur décrit ses souvenirs adolescents aux cotés d'Annabel Leigh, la fille d'amis de sa tante. Plus jeune que lui de seulement quelques mois, il la rencontre un été et tombe follement amoureux. Lors de leur dernier soirée ensemble, ils sont interrompus juste avant d'avoir pu atteindre une union charnelle. Humbert ne reverra plus jamais Annabel qui meurt quatre mois plus tard du typhus.

Analyse

Le nom Annabel Leigh est une référence au poème d'Edgar Allen Poe « Annabel Lee », une ode d’amour tragique. Écrit deux ans après sa mort, ce poème est généralement attribué à la jeune femme de Poe, Virginia Clemm, décédée de la tuberculose à seulement 25 ans. Cette référence est un choix délibéré de l’auteur de faire allusion au poète qui, à 26 ans, épousa sa cousine Virginia alors seulement âgée de 13 ans. Humbert utilise fréquemment certains éléments du poème, parlant avec nostalgie du temps passé ensemble au bord de mer (se référant au vers « dans un royaume près de la mer, vivait une jeune fille, que vous pouvez connaître par son nom d’Annabel Lee », « J’étais un enfant, et elle était un enfant, dans ce royaume près de la mer ») et adaptant certains mots (tels que « séraphins » ou « anges ») à ses propres desseins.

Humbert met en opposition deux sortes de mémoire : la recréation d'une image à travers le « laboratoire de votre esprit » grâce au langage (qu’il associe à Annabel), et la capacité à visualiser une « image rigoureusement fidèle et objective » en fermant les yeux (c’est ainsi qu’il dit voir Lolita). Bien qu'il n'ait à sa disposition que le laboratoire du langage, Humbert l'utilise de façon remarquable pour nous faire voir à travers de ses yeux.

Il apporte dans ce chapitre une explication conventionnelle et stéréotypée de sa condition de pédophile, insérant même un évènement traumatique de coït interrompu et celui, plus tragique encore, de la mort de sa jeune amie. Bien qu'Humbert semble sincèrement convaincu qu'Annabel est à l'origine de son amour pour Dolores, Nabokov tourne en ridicule le domaine de la psychanalyse, fournissant au lecteur une explication parodique pour justifier un comportement criminel.

Chapitre 4

Ce chapitre fait état du questionnement d'Humbert pour savoir si Annabel a provoqué sa condition, ou si elle n'en était que le symptôme précoce, et décrit comment la mort de cette dernière longtemps freine la possibilité de toute autre idylle. Il raconte leur premier rendez-vous et leur tentative ratée de faire l'amour, interrompue par des bruits soudains. Vingt-quatre ans plus tard, il dit avoir pu se libérer de son envoûtement en « la réincarnant dans une autre ».

Analyse

Humbert est convaincu que le destin lie Annabel à sa Lolita, parlant de « magie » ou de « fatalité » et établissant de nombreuses similitudes. Les lunettes de soleil de leur rendez-vous sur la plage réapparaîtront par exemple lorsqu'il apercevra celle qu'il appelle Lolita pour la première fois ; l’interruption soudaine par la mère d'Annabel lors de leur rendez-vous dans le jardin reflétera, plus tard, celles de Charlotte Haze ; et même l'expression « nuée d'étoiles » (en anglais « haze of star ») qu'il utilise suggère un lien cosmique avec Dolorès, dont le nom de famille est « Haze ».

Il utilise également les expressions « n'a cessé de me hanter » et « rompre son charme » lorsqu'il décrit l'emprise d'Annabel, et parle de réincarnation à travers Dolorès. Ces mots participent à créer un univers magique, féérique - une caractéristique propre à l'écriture de Nabokov, qui utilise de nombreuses autres ruses et figures de style tout au long du roman, donnant au lecteur une impression de contes de fées libidineux et obsessionnel. Tel le conteur, Humbert cherche à ensorceler le lecteur, masquant les pulsions perverses derrière un langage alambiqué.

Chapitre 5

Dans ce chapitre, notre narrateur raconte ses années de faculté, d’abord en psychiatrie, à Londres, avant d’abandonner pour la littérature anglaise qu’il étudie à Paris. Il fréquente les cafés littéraires, publie ses essais dans des revues et se met à écrire une série de volumes sur la littérature française à l'intention des étudiants anglophones.

Interrompant son récit, il introduit son concept de « nymphette », une enfant âgée de neuf à quatorze ans, espiègle, et possédant selon lui un « fantastique pouvoir » visible uniquement pour l’homme mûr - affirmant que de nombreuses années doivent séparer ce dernier de la nymphette pour qu'il puisse percevoir son charme. Il s’étant en long sur son obsession, il racontes ses fréquentes visites dans les parcs et les orphelinats pour être en leur présence, réprimant ses envies pédophiles et fantasmant sur des scénarios dans lesquels il pourrait les molester sans craindre les conséquences. Justifiant sa condition, il donne plusieurs exemples historiques et culturels de relations entre hommes mûres et petites filles : Laura de Pétrarque, Béatrice de Dante, et la prostituée biblique Rahab. Alors qu’il se restreint, par contrainte culturelle et légale, aux relations avec les femmes adultes, il convoite les nymphettes inaccessibles, évoquant de nombreux cas de contacts étroits avec des ces dernières, sans jamais être passé à l’acte.

Analyse

« Nymphette », terme inventé par Nabokov qui appartient désormais au vocabulaire courant, a des connotations de conte de fées, adaptant le mot « nymphe », divinités de la nature généralement représentées sous la forme de jeunes filles dans mythologie classique. (Il est donc logique que la description des nymphettes par Humbert dans ce chapitre se déroule dans le parc). La nymphe est également un terme désignant la larve d'un insecte dont la métamorphose est inachevée : la nymphette peut ainsi être comprise comme immature, pré-pubère. Le lien avec les larves prend son importance par le fait que Nabokov était un lépidoptériste de renom.

Humbert nous donne un aperçu de son désir extatique et incessant. Il tente sournoisement d'établir un lien entre son désir pour les jeunes filles et son statut d'artiste, prenant pour exemple des écrivains célèbres et autres sources littéraires. Il présente sa pédophilie comme un désir esthétique plutôt que physique. Même ses rencontres avec de véritables petites filles prennent une tournure littéraire, lui donnant l'inspiration pour imaginer des scénarios élaborés d'attouchements. Lorsqu'il molestera Dolorès, Humbert la représentera de la même manière : comme un objet d'esthétisme parfait, fruit de ses fantasme, plutôt que comme une petite fille réelle et physique.

Chapitre 6

Il se remémore une fois, au cours de sa vie à Paris, avoir rencontré une « ancienne nymphette » - une adolescente prostituée nommée Monique, dont il sollicite les services. Cependant dès la troisième fois, il remarque qu'elle est déjà devenue trop femme à son goût. Cette rencontre l'incite à chercher des enfants prostitués à Paris. Il s'adresse à une maquerelle qui, d'abord répugnée, l'oriente vers quelqu'un qui lui présente une fille de quinze ans, qu'il ne considère pas comme une nymphette. Il la trouve si repoussante qu'il tente de partir, mais la proxénète et sa famille sortent de derrière un rideau pour le faire chanter et l'obliger à payer.

Analyse

La transformation fulgurante de Monique en jeune femme évoque la métamorphose à laquelle Humbert tente de faire résister ses nymphettes. « Ne grandissez pas », plaide-t-il au chapitre 5, mais leur croissance échappe à son désir de contrôle absolu.

La grossièreté de Monique préfigure la vulgarité qu’il percevra en Dolorès ; si Humbert la perçoit chez la première, il est incapable d'y voir clair avec la seconde. Humbert est emporté par sa propre imagination : ce trouble de la frontière entre la réalité et la fiction se répète tout au long du roman.

Chapitre 7

Quelque temps après ces escapades, Humbert décide de se marier, espérant qu'une sexualité conjugale et une vie domestique l'aideront à contrôler son désir pour les nymphettes. Il choisit Valeria, fille d'un médecin polonais qui le soigne pour des vertiges. Valéria est une aspirante peintre cubiste, ce qu’il trouve vulgaire. Évoquant son physique, il explique que les femmes l'ont toujours trouvé irrésistible, en raison selon lui de sa virilité refoulée qui transparaît dans les traits de son visage, et regrette de ne pas avoir fait meilleur choix qu'elle, justifiant avoir alors été guidé par un « piteux compromis ».

Analyse

Ceci est la première des nombreuses tentatives de Humbert de mener une vie sociale normale. Ce qui lui rend la tâche difficile, aussi bien ici que plus tard dans le roman, c'est son dédain de tout ce qu'il considère comme « vulgaire » : une notion dans laquelle il inclut l'art populaire de l'époque, tout ce qui rapporte à la vie domestique, et la sexualité des femmes adultes. L’évocation d’un choix malavisé suggère qu’il a peut-être choisi Valéria pour des raisons se rapportant à son penchant pédophile.

Le physique typiquement masculin d'Humbert contraste avec son caractère déviant. Son apparence séduisante va de pair avec le charme de sa voix narrative, un avertissement implicite aux lecteurs de se méfier. Ils attestent également que son attirance pour les jeunes filles n'est pas fondée sur un rejet social : à l'instar de Raskolnikov dans Crime et Châtiment de Dostoïevski (également jugé séduisant), Humbert est pleinement accepté en société ; c'est lui qui s’en détache.

Chapitre 8

Humbert décrit son bref mariage avec Valéria, de 1935 à 1939. Bien qu'elle ait une vingtaine d'années, elle l'attire en raison de son allure enfantine. Bien que cela ne l'excite au départ, il s'ennuie rapidement d'elle après la nuit de noces.

En 1939, quatre ans après leur mariage, il apprend que son oncle américain est décédé et lui a laissé un revenu fixe à vie, à condition qu'il traverse l'Atlantique et qu'il montre de l'intérêt pour son commerce. Humbert commence à préparer leur déménagement, mais Valeria lui révèle qu'elle fréquente un autre homme, un chauffeur de taxi russe nommé Maximovich. Valeria lui annonce la nouvelle dans le taxi de ce dernier ; tous trois se rendent ensuite dans un café, où le chauffeur se présente. Profondément vexé et irrité par cette tromperie inattendue, Humbert demande à sa femme de partir, et envisage de la tuer ou de la battre pendant qu'elle rassemble ses affaires. Une fois les deux amants partis, il découvre que Maximovich n'a pas tiré la chasse d'eau après s'être soulagé dans ses toilettes - et qu'il a même laissé un mégot flotter dans la cuvette. Furieux, il se met à envisager de les assassiner tous les deux.

Basculant au moment de l'écriture, depuis la prison, en 1955, notre narrateur note avec satisfaction que Valeria est morte en couche en Californie, alors cobaye avec son nouveau mari d'une expérience psychologique humiliante et eugéniste. En examinant la bibliothèque de la prison, il relève une « stupéfiante coïncidence » : une section d'un livre contenant une mention d'un homme nommé Clare Quilty et d'une femme nommée Dolorès. Quilty est un dramaturge connu pour avoir travaillé avec une certaine Vivian Darkbloom à l'écriture de pièces pour enfants, dont The Little Nymph.

Analyse

Le manque d'attirance de Humbert pour les femmes mûres est un thème récurrent du roman ; l’attrait qu’il éprouve initialement envers Valéria vient uniquement du fait qu’elle « se comporte comme une petite fille. " […] Elle avait l'air vaporeuse et espiègle, s'habillait à la gamine ". Mais comme pour Monique, la prostituée qu’il fréquenta, cette première impression laisse très vite place au dégoût et à la répulsion pour son corps de femme adulte, et le narrateur laisse penser à une trahison de la part de Valeria plutôt qu’à un défaut qui lui soit propre.

Le Paris de l'entre-deux-guerres était peuplé d'exilés russes comme Maximovich - ou Vladimir Nabokov lui-même. Humbert écrira plus tard que les moments cruciaux de sa vie sont souvent associés à des toilettes et à des téléphones ; ceci en est le premier exemple. Il commente parfois à l'aide de formules telles que « comme il est d'usage au cinéma » et autres clichés de la fiction, mettant en valeur le fait que contrairement à d'autres narrateurs, il est le créateur de l'histoire qu'il raconte.

La mort de Valéria et Maximovich est une satire de la pseudo-science du milieu du vingtième siècle, que Nabokov détestait. La « stupéfiante coïncidence » mentionnée par le narrateur est qu’un livre, trouvé dans la minuscule bibliothèque de la prison, mentionne l'homme même qu'il a été emprisonné pour avoir tué, Clare Quilty, ainsi qu'une actrice nommée Dolores Quine. Cela renforce sa conviction que les événements de sa vie ont été planifiés par le destin.

Humbert fait une erreur dans sa transcription et écrit que cette Dolorès « A disparu depuis dans [suit une liste de quelque trente pièces] » ; suggérant que si elle avait réellement eu la chance de devenir actrice, " sa " Dolorès aurait peut-être pu apparaître ainsi dans ce registre en tant que telle. Il plaisante à place qu’elle apparait dans The Murdered Playwright, déclarant qu’il n’a « que des mots pour jouer ».

Chapitre 9

Humbert Humbert raconte sa migration aux Etats-Unis après son divorce. À New York, il commence à travailler comme publicitaire en parfumerie. Entre-temps, il continue à travailler sur son histoire comparée de la littérature française, consacrant plusieurs années à ces livres, après quoi il fait une dépression nerveuse.

Il fait deux séjours en sanatorium, durant plus d'un an, après quoi il obtient un emploi dans une expédition en Arctique comme enregistreur de réactions psychiques. L'expédition lui permet de se changer les idées, mais les rapports psychologiques scandaleux qu'il publie à son issue sont totalement fictifs.

Lorsqu'il doit se rendre pour la troisième fois dans un sanatorium, il continue à se jouer des psychanalystes en répétant exactement le genre de rêves et de schémas de pensée décrits dans leurs livres. Il éprouve un immense plaisir à voler et à lire les rapports qu'ils rédigent à son sujet ; tous le diagnostiquent à tort comme ayant un « problème » sexuel autre que la pédophilie.

Analyse

Humbert n'a aucune stabilité dans sa vie. Exilé et sans emploi stable, sans famille, sans partenaire, sans domicile fixe, il n'a aucun ancrage social ou psychologique et vit en marge de la société. Il est important de se souvenir de tout cela plus tard, lorsque Humbert rencontre Dolorès : la solitude et le vide de sa vie permettent à celle qu’il appelle de devenir le centre de son univers. Nous savons déjà qu'il a failli devenir fou de rage lorsque Valéria l'a trompé ; si l'infidélité d'une femme détestée a eu un tel effet sur lui, nous ne pouvons qu'imaginer les niveaux de folie qu'il peut atteindre avec celle qu’il aime. Humbert s'est déjà qualifié de « fou » et Nabokov illustre comment le désir et la folie vont souvent de pair.

Il manipule ses psychanalystes au sanatorium en leur disant ce qu'ils veulent entendre. Cela nous alerte sur son caractère sournois en tant que narrateur : il manipule les lecteurs de la même manière qu'il manipule ses analystes. L'incompétence des psychanalystes à diagnostiquer sa véritable pathologie fait partie de la satire constante de la psychanalyse dans le roman.

Chapitre 10

Après avoir quitté l'hôpital psychiatrique, Humbert cherche dans la campagne de la Nouvelle-Angleterre un endroit où il pourra poursuivre son travail académique. Il trouve une pension dans une ville appelée Ramsdale, chez les McCoo, une famille qu'il sait avoir une petite fille. À son arrivée, le propriétaire lui explique que sa maison a brûlé. Humbert imagine avec fantaisie que son désir ardent de voir leur petite fille pourrait avoir provoqué l'incendie. Monsieur McCoo envoie Humbert chez ses amis, les Haze, qui cherchent eux aussi un pensionnaire.

Louise, la domestique noire, l'accueille dans la maison bourgeoise où Charlotte Haze, une veuve d’environ 35 ans qui répugne à Humbert, lui fait visiter les lieux. Il examine son intérieur avec dégoût, trouvant que les imprimés, les meubles et tout le reste témoignent de mauvais goût.

Au cours de la visite de la maison, il comprend rapidement qu'il pourrait séduire la veuve et imagine qu'elle cherche un pensionnaire pour entamer une liaison. Humbert est profondément désintéressé par Charlotte et sa maison, jusqu'à ce qu'elle le conduise à l'extérieur, sur la piazza. Là, il voit pour la première fois Dolorès, la fille de Charlotte, qu'elle appelle « Lo ». Cette dernière est en train de prendre un bain de soleil et porte des lunettes de soleil. Humbert est immédiatement transcendé d’un sentiment passionnel, imaginant que la jeune fille est la réincarnation d'Annabel.

Analyse

L'incendie de la maison des McCoo est un accident étrange qui participe à conduire Humbert vers son « destin » : la rencontre avec Dolorès. La frontière entre coïncidence et destin devient floue, notre narrateur ayant tendance à brouiller les frontières entre la vie réelle et son imagination, et cette tendance se reflète dans l'image fantasque de son désir mettant le feu à la maison des McCoo.

Bien que Nabokov ait nié que ce roman traite de la vieille Europe en conflit avec la jeune Amérique, Haze illustre indéniablement l'Américaine de classe moyenne qui s'efforce, en vain, d'acquérir une sensibilité européenne raffinée. En tant que membre de cette élite fantasmée européenne, Humbert n'a que mépris pour le mobilier « de mauvais goût » de sa maison. Dans l'Amérique d'avant les droits civiques, engager des domestiques noirs comme Louise était un symbole de bourgeoisie dans les banlieues résidentielles. Les œuvres d'art banales, les vêtements criards et les tentatives pathétiques de parler français renforcent ce statut de bourgeoise de la veuve, et Humbert prédit à juste titre qu'elle tombera amoureuse de lui - non seulement pour son apparence physique, mais aussi pour son air européen d'élégance et de classe.

Quelques notes isolées ici prendront leur importance plus tard : le numéro 342, celui de la maison de Haze, deviendra un motif tout au long du roman. La voiture de Humbert manque d'écraser un chien, reflétant un important accident ultérieur. Ces coïncidences sont autant d'éléments à ajouter à la théorie d'un destin inéluctable imaginée par notre narrateur.

Humbert pense également qu'Annabel et Dolorès sont liées par le destin et que tout ce qui s'est passé entre les deux n'a été qu'une série d'événements fortuits voulant uniquement à aboutir à ce moment précis. La réapparition des lunettes de soleil (vues pour la première fois dans la grotte au bord de la mer au chapitre 3) souligne ce qu'il considère comme une relation mystique entre Lolita et Annabel Leigh.

Une fois de plus, Humbert utilise des comparaisons avec le cinéma hollywoodien pour raconter son histoire : Marlene Dietrich était une actrice célèbre de l'époque. Plus tard, Humbert essaiera de comprendre les personnalités et les actions de Dolorès et de Charlotte en utilisant le cinéma hollywoodien comme point de référence.