Motifs floraux et mythologie
Les motifs de forêts, images exotiques et paysages fantastiques peuplent l’imaginaire de notre narrateur, et apparaissent tout au long du roman. Humbert ré-imaginant la fresque de l’hotel The Enchanted Hunters, au chapitre 30, en est l’exemple le plus flagrant. Il utilise les forêts, îles éloignées et paysages fantastiques : ces images, associées au mot « nymphette », renvoient aux contes de la mythologie grecque.
« Nymphette » est le mot utilisé par Humbert pour décrire les fillettes « âgées de neuf à quatorze ans » qu'il trouve attirantes. Il les voit comme étant charmantes, espiègles, insaisissables, dotées d’un mélange de tendresse et d’une « vulgarité inquiétante ». Lorsqu'il les imagine, il utilise ces images tirées de la mythologie classique, du folklore et du monde naturel. Les forêts, les îles, la brume et les plages, deviennent symboles des nymphettes, et vice-versa.
Le narrateur projette ces images fantastiques sur son environnement banal - de la même manière, il projette ses fantasmes sur les actions des autres, brouillant la frontière entre rêve et réalité. Ce médium est pour lui une manière de réinterpréter sa pédophilie sordide comme expérience profondément esthétique.
Numéros et schéma mystique
Le nombre 342 réapparait souvent dans Lolita : 342 Lawn Avenue est l'adresse de la maison des Haze à Ramsdale ; 342 est le numéro de la chambre à l'hôtel The Enchanted Hunters, où Humbert viole Lolita pour la première fois. Enfin, ensemble, ils visitent 342 hôtels et motels pendant leur deuxième périple.
Le 52 est également récurrent. Les personnages principaux meurent tous en 1952 ; Clare Quilty affirme avoir écrit 52 pièces de théâtre. Il y a 52 cartes à jouer, et le jeu de cartes est souvent considéré comme un symbole du destin.
Ces nombres n'ont pas de signification exacte, mais ils suggèrent un schéma presque mystique derrière l'intrigue du roman - un procédé courant dans les romans de Nabokov, qui est ici remarqué par notre narrateur. Ce dernier le lit comme l'expression d'une destinée inévitable, qui justifie ses actions comme ayant été la seule possibilité s'offrant à lui.
Un autre fait important à noter est que Dolorès s’enfuit autour du 4 juillet, jour de l’Indépendance de l’Amérique. Cette symbolique juxtapose encore une fois la jeune fille au pays tout entier dans sa tentative de prise d’indépendance.
Les voitures
Les voitures sont très importantes dans la trame de Lolita. Depuis l’accident de voiture qui annoncera la mort de Charlotte Haze, jusqu’à la course poursuite finale entre Humbert et son double Clare Quilty, elles sont souvent un élément décisif de l’intrigue. En effet, bien que notre narrateur assure que les toilettes et les téléphones sont un élément déclencheur de son destin, on remarque que les voitures sont souvent présentes plutôt comme élément de rupture ou d’interruption, et que leurs caractéristiques peuvent être vues comme symboliques.
Dans l’accident fatal de Charlotte Haze, l’image de la voiture faisant une embardée peut être interprétée comme une analogie à la rupture soudaine avec sa vie ordinaire dont Dolorès s’apprête à faire l’expérience.
Dès l’enlèvement de Dolorès de colonie de vacances, alors que leur périple en voiture commence, nos protagonistes qui se sont arrêtés pour s’embrasser sont interrompus par une voiture de patrouille, qui poursuit une voiture bleue.
Plus tard, pendant leur second périple, ils sont poursuivit par Quilty au volant d’une voiture rouge dont la couleur est souvent mentionnée. La couleur rouge de la décapotable nous rappelle la couleur rouge des lèvres et des pommes, symboles du péché, de la sexualité, du danger. Les voitures de course ont également une connotation sexuelle, en particulier dans l'Amérique des années 1950 du roman.
Enfin, on peut noter que l’arrestation d’Humbert, alors au volant du mauvais coté de la route, se fait par le biais d’un barrage de véhicule de police. Il est alors au départ simplement arrêté pour excès de vitesse - c’est l’interruption finale qui marque ce roman.
Mentions du cas de Sally Horner
Plusieurs critiques et écrivains ont suggéré que Lolita a été inspirée par le cas bien réel de Sally Horner, une jeune fille américaine qui, à l'âge de 11 ans, a été enlevée par Frank La Salle. En 1948, Sally fut interpellée par La Salle, un délinquant sexuel récidiviste de 51 ans qui se faisait passer pour un agent du FBI, parce qu'elle avait tenté de voler un cahier coutant 5 cents. Il lui fait du chantage et lui ordonne de partir avec lui. Pendant 21 mois, il traverse plusieurs États américains avec la fillette, sous différents pseudonymes, en prétendant être son père. Sally, qui croyait encore qu'il était un agent du FBI, fut abusée pendant ces longs mois et menacée si elle tentait de s'échapper. Elle fut finalement secouru et son kidnappeur arrêté l'année de ses 13 ans, en 1950, mais décéda malheureusement deux ans plus tard.
“ N'avais-je pas fait par hasard à Dolly ce que Frank Lasalle, un garagiste quinquagénaire, avait fait en 1948 à une fillette de onze ans, Sally Horner ?” écrit Humbert au chapitre 33 de la seconde partie. Cet évènement est mentionné plusieurs fois à travers le roman, parfois directement, et parfois plus subtilement comme au chapitre 2 de la seconde partie, où Dolorès lit un article de magazine de jeunesse mettant en garde les enfants contre les kidnappeurs potentiels (voir citation 7).
Les jeux
Presque tous les personnages de Lolita s'adonnent à des jeux. Parfois, il s'agit de divertissements innocents, comme lorsque Humbert essaie d'intéresser Dolorès au tennis et l'imagine devenir joueuse de compétition. Il se livre également à de nombreux jeux ridicules pour attirer son attention et l'obliger à se plier à ses exigences. Cette attitude ludique souligne le fait que Dolorès est encore une enfant et qu'il doit constamment la distraire. Le jeu détournent également l'attention des autres, et permet de dissimuler des intentions sinistres. Humbert et Godin jouent aux échecs pour passer le temps sans révéler leur vraie nature. Quilty joue avec ses pseudonymes, laissant à notre narrateur le soin de déchiffrer ses énigmes. Ainsi les personnages se livrent à ces divertissements pour dissimuler leurs sentiments, pour servir leurs propres intérêts et pour détourner leur public de la vérité. Bien qu'ils soient au départ inoffensifs et enfantins, ces jeux se transforment rapidement en manipulations fatales.