Lolita (en français)

Lolita (en français) Résumé et Analyse

Chapitre 11

Humbert relate, de mémoire, deux semaines de notes du journal intime détruit qu'il tenait pendant l'été 1947. Pendant l'été, il observe Dolorès avec obsession, essayant d'être seul avec elle et imaginant toutes sortes de stratagèmes et fantasmes.

Dans son récit, il insiste sur les moindres détails du corps de l'enfant : non seulement son apparence, mais aussi son contact et son odeur. Il commence à imaginer qu'elle le sollicite sexuellement après avoir appris qu'il ressemble à l'une de ses stars hollywoodiennes préférées.

Il est frustré par sa mère Charlotte Haze qui, tentant de le séduire, éloigne sans cesse sa fille pour qu'ils puissent être seuls ensemble. Humbert ne parvient pas à rester longtemps seul avec Lolita, mais même dans ces brefs moments, il commence à la toucher de manière inappropriée, utilisant sa langue pour retirer un cil de son œil, se pressant derrière elle alors qu'elle se penche à la fenêtre, la caressant dans l'obscurité alors qu'il est assis avec elle et sa mère sur la piazza. Au long des passages de son journal, il est question d'une visite au lac qui ne cesse d'être retardée ; il accepte de rester à la maison à l'automne pour donner des cours à Dolorès ; dans un autre paragraphe, il recopie une liste de noms des camarades de classe de la jeune fille et imagine à quoi elles pourraient ressembler. Il rêve d'un accident qui éliminerait Charlotte, et continue de flirter avec sa fille à la moindre occasion.

Analyse

Le journal intime est le parfait instrument pour nous permettre de voir Dolorès à travers les yeux de notre narrateur, en tant que Lolita, dans toute sa subjectivité. Tout comme les baigneurs et les parents d'Annabel Leigh de son adolescence, Charlotte représente un obstacle à la réalisation de ses désirs. Une sorte de triangle amoureux se forme entre la mère, la fille et le locataire. Triangle amoureux, secret, journal intime et difficulté à voir l'être aimé sont autant de clichés de la fiction romantique : ce chapitre joue comme sorte de parodie de ce type de littérature.

Une fois de plus, Humbert brouille les frontières entre la réalité et la narration, attirant constamment l'attention sur le fait qu'il ne se contente pas de rapporter des événements, mais qu'il est en train de construire un récit.

Son journal marque le début de sa tentative d'immortaliser sa Lolita par écrit et dans sa mémoire. Il s'intéresse à chaque détail de son corps, comme si elle était une œuvre d'art. L'association du désir sexuel à l'art est récurrente tout au long du roman.

Cependant, son désir sexuel croissant s'accompagne d'un désir de violence de plus en plus prononcé : outre ses rêveries de meurtre, il souhaite vivement qu'un accident n'arrive à Mme Haze. Il est convaincu que c'est le destin (« fate » en anglais) qui intervient dans leur périple retardé au lac, et l'une des camarades de classe de la jeune fille s'appelle « Aubrey McFate » (bien que nous apprenions au chapitre 12 qu'il ne s'agit pas d'un véritable élève, mais d'un ajout de sa part, ce qui prouve une fois de plus la nature hautement subjective de la narration).

Il se livre à divers jeux intellectuels avec les noms de ses camarades de classe, démontrant ainsi que les mots ont plus d'importance que les réels individus dans son esprit. L'acteur auquel il ressemble est probablement Clare Quilty, un indice déployé par Nabokov du dédoublement de son personnage.

Chapitre 12

Humbert se plaint de la frustration qu'il a ressentie en étant si proche de Dolorès tout au long de l'été, tout en demeurant incapable de satisdaire son désir. Il imagine ce dernier comme un diable qui le tente puis venant ensuite ruiner ses opportunités.

Charlotte organise la sortie au lac mais l'informe, à son grand désarroi, que Mary Rose Hamilton, une camarade de classe de Lolita, les accompagnera, ce qui signifie que les filles joueront ensemble et qu'il devra tenir compagnie à la mère.

Analyse

Les différents complots de Humbert pour Hourglass Lake s'accumulent, bien que continuellement contrecarrés.

Il s'imagine que sa vie est planifiée et contrôlée par des forces invisibles : l'excuse d'un destin qu'il ne peut contrer, et utilise pour justifier ses actions.

Chapitre 13

La sortie du dimanche est annulée par Charlotte lorsque la fille Hamilton tombe malade. Dolorès, furieuse, refuse d'aller à l'église. Resté seul avec elle pour la première fois, notre narrateur en profite immédiatement pour abuser d'elle sexuellement.

La trouvant dans le salon, il provoque une petite bagarre en lui volant sa pomme, et tous deux se retrouvent affalés sur le canapé. La jeune fille étend ses jambes en travers des genoux d'Humbert, qui en profite pour frotter ses parties génitales contre elle, se satisfaisant dans son pantalon en la berçant et lui chantant une chanson. Il décrit la situation et ses sensations dans un langage très littéraire et abstrait. Lorsqu'il se met à toucher l'intérieur de sa cuisse, elle sursaute et quitte la pièce, mais il se persuade qu'elle n'a pas remarqué son manège.

Analyse

A l'instar de presque tous les autres événements importants du roman, le moment où Humbert se retrouve seul avec Dolorès n'est pas quelque chose qu'il avait prévu, mais un accident bizarre - le résultat d'une dispute entre la fille et sa mère. La différence entre destin et hasard est une préoccupation récurrente du roman. La pomme que tient Lolita peut être comprise comme un présage, un symbole d'innocence, comme dans la Bible.

Le langage de Humbert devient très littéraire et abstrait dans son moment de masturbation et lorsqu'il décrit son orgasme. Il décrit son plaisir dans un langage si exubérant et si compliqué qu'il détourne l'attention de ses lecteurs sur ce qu'il est en train de faire : abuser d'une enfant.

L'histoire de la chanson qu'il lui chante préfigure la fin du roman : la rupture d'une relation, suivie par un accès violence.

Dolorès s'enfuit, mais Humbert est se persuade qu'elle n'a rien remarqué : cela semble peu probable et nous donne des raisons de penser qu'il pourrait avoir détourné les faits - qu'il est peut-être peu fiable en tant que narrateur.

Chapitre 14

Notre narrateur se félicite intérieurement d'avoir « ravi le suc d'un spasme sans attenter à la morale d'une mineure ». Il se dit que la vraie Dolorès n'est pas forcément la même que sa Lolita, fruit du fantasme de son esprit. Ce soir-là, il dîne seul avec Charlotte qui en profite pour tenter de le séduire, l'invitant à s'asseoir sur la piazza décorée de bougies. Elle révèle qu'elle a l'intention d'envoyer sa fille pour trois semaines de colonie de vacances. Notre narrateur est tellement bouleversé par cette nouvelle qu'il va immédiatement se coucher, prétextant un mal de dents - pour lequel elle recommande les services du docteur Ivor Quilty.

Analyse

En se concentrant sur sa version subjective plutôt que sur la réalité des faits, Humbert se convainc qu'il n'a rien fait de mal. Il romance l'image qu'il se fait de sa Lolita, prenant son fantasme pour une réalité, et la réalité pour un produit de son imagination.

Il est totalement indifférent à l'intérêt de la femme adulte qui tente de le séduire, et ne s'intéresse que pour ce qui a trait à sa fille.

Le nom Quilty apparaît de nombreuses fois dans le roman avant l'apparition de Clare Quilty, nemesis et double du personnage principal. Ces signes annoncent sa venue bien avant qu'il n'apparaisse : en l'occurrence, Ivor Quilty, « l’oncle ou le cousin du dramaturge ».

Chapitre 15

Bien qu'elle ne veuille pas y aller, Charlotte envoie Dolorès en colonie de vacances. Humbert prévoit de s'absenter et de revenir à l'automne, lorsque la jeune fille reviendra. Craignant de la quitter pendant les deux mois d’été, il rêve de se faire passer pour une fille et de la suivre en colonie de vacances. Juste avant de partir au camp, Dolorès se précipite dans la maison et monte les escaliers pour donner un baiser à Humbert.

Analyse

En évoquant sa passion pour « l'éternelle Lolita », le narrateur admet ici la distinction entre la réalité de l'enfant qui grandit et le fantasme de son esprit, une nymphette sans âge.

Rappelons qu'il n'est pas toujours un narrateur fiable et qu'il faut être sceptique : l'enfant l'a-t-elle vraiment embrassé ? Il a de bonnes raisons d'inventer un tel événement : en remettant en question l'innocence de Dolorès, il excuse son propre comportement.

Chapitre 16

Alors que mère et fille quittent la maison, Humbert se précipite pour fouiller dans les sous-vêtements sales de la fille, mais il est interrompu par la domestique, Louise, qui lui remet une lettre de Charlotte. Elle y lui confesse son amour et lui demande de partir, sans quoi, s'il reste, c'est qu'il est prêt à l'épouser et devenir le père de Lolita. Elle y révèle également avoir précédemment perdu un autre enfant alors âgé de deux ans - mais Humbert, infiniment insensible à son égard, coupe ce passage dans sa retranscription de la lettre et le balaie d'un revers de la main.

Hébété par cette lecture, et toujours dans la chambre de l'enfant, il découvre deux affiches : l'une publicitaire, figure ses initiales griffonnées à côté d'un beau visage masculin, et l'autre représentant un célèbre dramaturge.

Analyse

La lettre d'amour est un nouvel événement dans la série d'étranges accidents - ou de coups du sort - qui permettront au narrateur de devenir le tuteur de Dolorès. La passion exagérée de la lettre renforce la parodie de fiction romantique - et ironiquement, elle contient involontairement quelques affirmations ironiquement correctes, qualifiant notamment Humbert d'étant « pire encore qu'un kidnappeur qui viole une enfant » s'il décide de rester auprès d'elle.

On devine que le dramaturge de la deuxième annonce figure à nouveau Clare Quilty - la ressemblance entre les deux hommes affirme leur qualité de doubles, et préfigure leur confrontation finale.

Chapitre 17

D'abord horrifié par la lettre, Humbert réalise qu'épouser la mère lui permettrait de fréquenter sa fille sans éveiller les soupçons. Il se met à fantasmer sur toutes les opportunités que lui procurerait une vie conjugale pour abuser de cette dernière - en lui donnant des somnifères pour profiter d'elle dans son sommeil, par exemple - et finit par se résoudre à le faire. Il appelle la colonie de vacances dans l'espoir de contacter Charlotte, mais c'est Dolorès qui répond. Il l'informe qu'il va épouser sa mère. Se préparant au retour de cette dernière, il se met à boire et tond la pelouse.

Analyse

Le narrateur nous rappelle qu'il a recréé ce mémoire dans le style de son journal disparu. Pour lui, l'écriture est un jeu dans lequel il exerce son contrôle sur les autres, révisant l'histoire et ajustant les faits quand cela l'arrange.

Il commence à élaborer des plans concrets pour assouvir ses fantasmes pervers à l'égard de Dolorès. Ne se contentant plus des coups du sort, il décide d'épouser sa mère et de mettre en œuvre sa vaste entreprise de manipulation. Ses plans diaboliques prennent forme et il finira même par exécuter le plan du somnifère, bien que dans des circonstances différentes. Le chien qui court après une voiture bleue est un autre signe prémonitoire.

Avant même le retour de Charlotte, il fait déjà de son mieux pour jouer le rôle du mari parfait. Il boit souvent de l'alcool en période de stress : ici, c'est pour pouvoir la tolérer alors qu'il n'est d'habitude pas attiré par les femmes adultes.

Chapitre 18

Le nouveau couple se marie rapidement au cours d'une cérémonie discrète. Interviewés pour une chronique mondaine, Humbert en profite pour inventer une histoire derrière leur relation, ce que Charlotte accepte. Avec l'enthousiasme d'une jeune mariée, elle s'emploie à glorifier la maison, achetant de nouveaux meubles et rendant visite à ses voisins et amis. Il remarque que les voisins les plus élégants la fréquentent peu : veuve et n'ayant emménagé à Ramsdale que quatre ans plus tôt, elle a peu d'amis en dehors de John et Jane Farlow. Pour executer son « devoir » de mari, il s'imagine Dolorès.

Analyse

Charlotte, une veuve socialement exclue, est impatiente de devenir la femme au foyer américaine idéale. Elle est la cible idéale des ruses de notre narrateur, car elle veut absolument croire qu'il est le mari idéal. Elle ne se méfie même pas lorsqu'il invente une histoire pour expliquer leur relation, qu'il utilisera plus tard pour se faire passer pour le père biologique de Dolorès.

Chapitre 19

La jeune mariée se révélant vite très jalouse, elle oblige Humbert à dévoiler tous les détails de sa vie amoureuse. Bien que rebuté par ce comportement, il s'y plie et étoffe son histoire en inventant des relations. Révélant elle-même son passé, elle parle de son défunt mari Harold Haze et du « bébé blond et flou de sexe masculin », tous deux décédés. Il est contrarié par son hostilité à l'égard de sa fille, qu'il s'est mis à imaginer comme la sienne.

Analyse

Charlotte vit dans un monde imaginaire de romances mélodramatiques inspirées par la culture populaire. Cela répugne à Humbert, qui se voit comme un érudit européen raffiné et au dessus de ça, mais lui permet aussi de la tromper : il ré-invente son passé en se basant sur ce qu'il sait être déjà présent dans l'imagination de la jeune femme. Cela devrait nous mettre en garde en tant que lecteurs : voilà un exemple clair de sa capacité à tromper son audience sur la base de ce qu'elle s'attend à entendre.

Une fois de plus, il écarte le sujet de l'enfant qu'elle a perdu auparavant - un événement pourtant potentiellement traumatisant, et important, puisque la seule photo dans leur chambre est celle de ce bébé - encore un exemple de négligence et d'objectivation envers sa femme.

Chapitre 20

Tous deux se rendent fréquemment à Hourglass Lake en juillet. Lors d'une de ces excursions, Charlotte révèle son intention d'envoyer sa fille en internat religieux dès la fin de la colonie de vacances. Humbert, horrifié, s'excuse en prétendant qu'il doit retourner à la voiture. Craignant qu'une confrontation avec elle ne révèle ses intentions à l'égard de Dolorès, il se résout à tuer sa femme d'une manière ou d'une autre.

Il retourne la voir et réalise que c'est peut-être l'occasion rêvée - ils nagent dans le lac et les deux seuls témoins sur la rive sont suffisamment éloignés pour qu'il puisse la noyer et faire croire à un accident. Mais il ne peut se résoudre à passer à l'acte. Il n'est pas un meurtrier de sang-froid, explique-t-il, malgré sa perversion sexuelle. De retour sur la rive, Jane Farlow apparaît et révèle qu'elle les observait tout ce temps là depuis les buissons en peignant une scène de lac.

Analyse

Le nom « Hourglass Lake » (lac du sablier) suggère que le temps est compté pour Humbert - il doit agir rapidement ou perdre sa Lolita.

Il a auparavant déjà fantasmé sur le meurtre de sa femme Valéria, à Paris, mais cette fois-ci il est sérieux. Seul le hasard l'en empêche : Jane étant caché dans les buissons, c'est un coup de chance. Comme nous avons pu le constater, l'histoire d'Humbert progresse au ainsi gré de ces coups du sort, plutôt qu'en fonction de sa volonté propre.