Lolita (en français)

Lolita (en français) Résumé et Analyse

Chapitre 1

Le narrateur décrit comment ils passent l'année suivante (d'août 1947 à août 1948) à voyager à travers le pays ; cependant au lieu de nous décrire les paysages, il liste méthodiquement les différents types de motels où ils séjournent et leurs particularités.

Il décrit également l'attitude de sa « pubescente concubine », nonchalante, capricieuse et maussade. Il déplore ses goûts et préférences, et explique par quels moyens il parvient à la garder « soumise et d'humeur acceptable » : il utilise tour à tour menace, chantage affectif et manipulation, décrivant « des heures de cajoleries, de menaces et de promesses pour qu'elle consentît à me prêter ses membres ».

Pour s’assurer de sa coopération, il tente de lui inculquer l’idée que cette situation est normale : « chez les Siciliens, les rapports sexuels entre un père et sa fille sont considérés comme allant de soi » lui dit-il, avant d’expliquer que si elle le dénonce aux autorités, elle finira enfant de l’assistance publique envoyée en maison de redressement. « À force de lui rebattre les oreilles, je parvins à la terroriser » conclut-il.

Enfin il décrit l’itinéraire qu’ils empruntent : depuis la Nouvelle-Angleterre vers le sud, jusqu’au Pacifique en passant par les Rocheuses, en remontant presque jusqu’à la frontière Canadienne, avant de traverser le pays vers l’Est jusque, leur périple s’arrête finalement dans la ville universitaire de Beardsley.

Analyse

Ce chapitre parodie le genre classique du roman de voyage américain : ici, au lieu de décrire paysages et découvertes faites en chemin, le narrateur s'attache presque entièrement à décrire en détail les motels où il séjourne avec la petite fille qui l'accompagne, révélant l'intérêt pédophile de ses souvenirs.

La phrase « Tandis que je la caressais à l'intérieur de la voiture (...) elle choisissait dans le guide quelque établissement » nous présente une Dolorès qui, elle, semble se dissocier de l'expérience dont elle est victime.

Alors qu’Humbert déplore « Mentalement, je découvris qu'elle était une petite fille horriblement conventionnelle », il semble pourtant décrire une enfant à l’attitude et au goûts tout à fait normaux pour son âge. Bien sûr, elle est capricieuse, se plaint des interdictions aux activités de plein air et souhaite visiter les lieux touristique : il est facile d’imaginer qu’à l’année de ses treize ans, orpheline et seule avec son kidnappeur, elle s’ennuie de rester pendant de longues heure dans ces motels morbides pour satisfaire son appétit pédophile.

Lorsque notre narrateur écrit « nous avons lu dans les journaux l'histoire ridicule de cet adulte inculpé d'outrage aux mœurs et qui reconnaissait avoir violé la loi Mann et déplacé d'un État à l'autre une fillette de neuf ans à des fins immorales », il fait référence au Mann Act : une loi qui criminalise le fait de transporter des femmes ou des jeunes filles d'un État à un autre dans un quelconque but immoral. Bien plus tard dans le roman est cité un autre cas similaire, celui de Sally Horner, fait réel arrivé en 1948 ayant inspiré Nabokov.

Alternant entre cajoleries et menaces, il la manipule et la terrorise pour qu'elle reste de son côté : « je réussis à établir ce climat de secret et de culpabilité partagés » indique qu'il l'a convaincu qu'elle est aussi coupable que lui. Il essaie de la maintenir intéressée par la suite du voyage, parvenant « infiniment moins bien à la maintenir de bonne humeur ». La façon dont il contrôle son attention est similaire à la façon dont il essaie de contrôler la nôtre, ne nous laissant jamais voir au dehors de ce qu'il souhaite nous montrer.

Écrite à travers le regard européen du narrateur, Lolita est un commentaire de la culture américaine. Bien qu'ils ne vivent pas une vie ordinaire, leur statut d'orphelins et de vagabonds fait du roman l'histoire américaine idéale. Depuis ses débuts, l'Amérique est une nation d'immigrants et de marginaux, et les récits d'errance et de migration constituent un élément central de l'histoire du pays.

Chapitre 2

Humbert entre dans les détails de leur année de voyage, énumérant avec sarcasme les attractions touristiques qu'ils visitent, soulignant que leur seule raison est de « maintenir ma compagne d'assez bonne humeur entre chaque baiser ». Il entreprend ensuite une liste fastidieuses des lieux de leurs disputes « mineures et majeures ».

À sa grande consternation, celle qu'il appelle Lo semble attirer l'attention des garçons et des hommes partout où elle va. Il devient jaloux et craintif, refusant de la laisser aller où que ce soit sans qu'il la surveille de près. Il décrit également comment dans chacune des villes, il se gare « à un endroit stratégique (…) pour regarder les enfants qui sortaient de l'école », au grand ennui de Dolorès qui « stigmatisait le désir que j'avais de me faire caresser par elle tandis que de petites brunettes aux yeux bleus (…) passaient devant nous ».

Il emmène souvent sa « pubescente poupée » à se baigner et l'inscrit à des cours de tennis lors d'une longue escale quelque part en Californie. Il les maintient tous deux isolés, à « l'écart de la foule », pour éviter d'être démasqué par des adultes curieux.

Elle lui reproche de la tenir constamment à l'écart des autres, et de l'empêcher de vivre une vie normale : au fil des années, elle commence à traiter Humbert avec une indifférence et hostilité croissantes.

Analyse

Les sarcasmes et les moqueries d'Humbert sur les pièges à touristes détournent le lecteur de la situation de sa captive. La maintenir « d'assez bonne humeur » est une façon particulièrement insensible de décrire la situation émotionnelle difficile d'une enfant kidnappée et abusée sexuellement, qu'il transporte à son bon vouloir pour assouvir ses désirs pervers. Alors que lui-même ironise sur son désir de visiter les attractions touristique, il l'accuse elle de stigmatiser ses désirs alors qu'il l'oblige à le caresser devant les sorties d'écoles dans chaque villes où ils s'arrêtent, tentant de nous laisser penser qu'il se conduit en grand homme en l'autorisant à se rendre à la piscine en échange (en compagnie d'autres filles, pour son propre plaisir, et sous sa supervision).

Il inscrit Dolorès à différentes activités pour qu'elle mène un semblant de vie normale. C'est pourtant, bien sûr, impossible : il ne veut pas qu'elle fasse la connaissance d'autres personnes et l'empêche de nouer des relations. Cette nécessité de l'isoler du reste du monde la prive d'expériences d'enfance normale, et elle réagit avec colère ou indifférence.

À plusieurs occasions dans ce chapitre, on devine le désespoir de la jeune fille et ses tentatives entravées de trouver de l’aide; notamment lorsqu’ils aperçoivent les McCrystal pendant une visite touristique ou elle demande « en un murmure chaud, heureux, sauvage, intense, plein d'espoir, désespéré (…) je t'en prie, allons leur parler, je t'en prie (…) je t'en prie ! Je ferai tout ce que tu veux, oh, s'il te plaît » ; ou bien encore à la fin du chapitre alors que, pendant qu’Humbert la prend sur le fauteuil en cuir elle lit tout haut, visiblement indifférente, un article à l’attention des enfants victimes d’abus sexuels avec un numéro d’alerte « Si (…) vous n'avez pas de crayon mais êtes en âge de lire et d'écrire (…) arrangez-vous pour graver le numéro sur le bord de la route » - « Avec tes petites griffes, Lolita », lui répond son agresseur. De plus en plus jaloux et paranoïaque, Humbert garde sa captive fermement sous son emprise, continuant cette longue série d’abus déguisée en périple romanesque.

Chapitre 3

Ce chapitre commence par décrire comment la captive s'enfonce de plus en plus dans la répulsion et l'indifférence de son kidnappeur, qui la surnomme sa « Frigide Princesse ». Toujours en décrivant leur année de voyage, il explique qu'il essaie de recréer son souvenir d'enfance avec Annabel Leigh à la plage. Il ironise que les psychologues freudiens seront sans doute intéressés par cette tentative de recréer son désir originel. Après quelques tentatives infructueuses, il trouve sur une plage californienne « un brin d'intimité perverse dans une sorte de grotte d'où l'on pouvait entendre les cris d'un groupe de girl-scouts », cependant il fait froid et l'enfant qui l'accompagne, couverte de sable, n'est tout simplement pas Annabel.

Au fil de leurs pérégrinations, nos protagonistes manquent de peu d'être découverts : une fois dans une forêt, lorsqu'une famille fait irruption sur un sentier juste après que « l'opération était terminée » ; une autre fois dans un cinéma où notre narrateur pense entendre deux vieille femme remarquer ses gestes affectueux ; et encore lorsque deux policiers les stoppent en bord de route.

Inquiet de leur situation légale, il fait des recherches sur ses droits de tutelle. Bien qu'il pense qu'il serait préférable de s'établir comme gardien légal de Lolita, il a trop peur de tenter le sort. De plus, il sait que les Farlow, simples témoins de cette situation mais trop préoccupés par le cancer de Jane et l'entretien des propriétés de Charlotte, n'interviendront probablement pas en sa faveur.

Depuis sa cellule il regrette la décision de s'installer à Beardsley au lieu d'avoir franchi la frontière mexicaine, où il fantasmait à l'époque pour parvenir, « la patience et la chance aidant, à lui faire procréer une nymphette, une Lolita II, qui aurait [son] sang dans ses veines délicates et n'aurait que huit à neuf ans vers 1960, alors [qu'il serait] encore dans la force de l'âge » et même une petite-fille après cela. Cependant, inquiet de leur situation financière, il obtient un emploi par l'intermédiaire de Gaston Godin à l'université de jeunes filles de Beardsley, inscrivant Dolorès à l'école dans un établissement non mixte.

Réfléchissant avec morosité, il s'imagine avoir « souillé » tout le pays en un voyage se résumant « à une collection de cartes écornées, de guides touristiques disloqués, de vieux pneus, et [aux] sanglots [de Dolorès] la nuit - chaque nuit, chaque nuit - dès l'instant où je feignais de dormir ».

Analyse

Humbert ne parvient pas à recréer son souvenir idéalisée d'amour d'enfance avec Annabel Leigh : il n'est plus un jeune garçon, mais un adulte kidnappeur et pédophile. La psychanalyse freudienne enseigne que la plupart de nos fantasmes sont des remplacements déguisés d'un désir « originel » (par exemple le complexe d'Œdipe). Notre narrateur méprise la psychanalyse et identifie sarcastiquement ses tentative comme quelque chose que les psychanalystes aimeraient interpréter.

Malgré ses efforts, la jeune fille « Pas une seule fois […] ne vibra sous [ses] caresses, et un strident « qu'est-ce qui te prend ? » était tout ce que je récoltais pour ma peine ».

Il la surnomme sa Frigide Princesse et, bien qu'il ne s'attarde pas sur le sujet, il est évident que Dolorès est malheureuse avec lui - mais elle y est contrainte par les menaces et le constant flot de pots-de-vin.

Sa vie de criminel déviant commence à lui peser, mais Humbert est nerveux à l'idée de commencer à faire semblant de vivre une vie ordinaire, puisqu'il a échoué à le faire par le passé. Son obsession d'une vie soumise au coups du sort l'empêche de prendre des décisions - comme nous l'avons vu, ses projets échouent généralement et ce qui lui arrive de bien est le fruit du hasard, qu'il a peur d'altérer.

Tout en montrant de minces signes de culpabilité qui l'amènent à nous en dire plus sur les sentiments de Dolorès qu'il ne l'a fait auparavant, il se souvient sans état d'âme de ses fantasmes incestueux. Le nom « Beardsley » (« beard » se traduit par « barbe ») souligne leur situation comme une mise en scène, un costume qui dissimule la relation perverse qu'il entretient avec sa fille.

Identifiant constamment Dolorès à l'Amérique toute entière, Humbert s'imagine avoir corrompu le pays de la même manière qu'il l'a corrompue elle.

Chapitre 4 et 5

Nos protagonistes emménagent dans une maison à Beardsley. Après avoir parlé à Mme Pratt, directrice de l'école de filles, Humbert s'inquiète de son programme « moderne » qui met l'accent sur la communication et la préparation des filles à la vie de femme au foyer, mais décide de l'y inscrire quand même.

Même après s'être installé, il reste neutre avec ses voisins de Thayer Street. Il craint constamment que l'un d'entre eux ne découvre sa relation avec sa « fille » et ne peut se rapprocher d'aucun d'entre eux.

Analyse

Comme toujours, notre narrateur est horrifié par la vie domestique ordinaire, en particulier en banlieue américaine. Intellectuel et spécialiste de la littérature, il ne peut supporter l'idée que Dolorès n'apprendra que des compétences pratiques. Parallèlement, ses préoccupations sont prosaïques et vulgaires : il est très jaloux et s'inquiète de ses fréquentations.

Incapable de nouer des relations avec ses voisins, il reste un marginal. Sa vie domestique est une mascarade, et il se sent observé et paranoïaque.

Chapitre 6

La seule véritable connaissance de Humbert à Beardsley est Gaston Godin, le professeur français qui lui a procuré un emploi. Il est persuadé que ce dernier est trop égocentrique et stupide pour remarquer qu'il abuse de sa fille. De plus, il remarque que son ami est toujours entouré de jeunes garçons, et suppose qu'il est peut-être lui-même un peu pervers. Il le méprise, le considérant comme un médiocre charlatan, apprécié par son entourage d'américains ignorants. Il joue aux échecs avec lui deux ou trois fois par semaine, et Godin est tellement insensible aux détails qu'il croit à tort que Dolorès a des sœurs.

Analyse

Le mépris d'Humbert pour son collègue pourrait être lié au fait que ce dernier a quelque chose qu'il n'a pas : l'amour de la communauté qui l'entoure. Il est ironique qu'il le considère comme un « faux » érudit, étant donné que la plus grande partie de sa propre vie est une mise en scène.

Nabokov ne fait pas preuve de beaucoup de subtilité lorsqu'il laisse échapper des indices indiquant que Godin est un pédophile homosexuel. Outre son comportement avec les jeunes garçons du quartier, il possède les portraits d'un certain nombre d'écrivains gay : le portrait de Harold D. Doublename (« double nom ») est une farce, il est un double homosexuel de Humbert - même ses initiales « G.G. » viennent juste avant celles de Humbert dans l'alphabet.

Chapitre 7 et 8

Tentant de profiter des penchants de son kidnappeur, Dolorès lui demande de plus en plus d'argent de poche en échange de faveurs sexuelles. Il commence à s'inquiéter qu'elle économise suffisamment pour s'enfuir à Hollywood ou dans un autre endroit où elle pourrait trouver un emploi. Il réduit drastiquement son argent de poche, et quant il découvre où elle cache ses économies, il les subtilise pour l'empêcher de s'échapper et la laisse accuser la femme de ménage.

Il s'inquiète également du fait qu'elle fréquente plus souvent ses camarades de classe et, surtout, il est terrifié à l'idée qu'elle ait des rendez-vous galants. Il est horrifié par ce qui est considéré comme un comportement normal pour les adolescents américains, mais est soulagé de constater que Lolita semble peu intéressée par les garçons qui l'entourent. Il réfléchit constamment et anxieusement à sa mascarade de vie de banlieue, espérant que personne ne remarquera sa supercherie dépravée.

Analyse

Humbert a transformé sa « fille » en une prostituée involontaire. Cependant, elle apprend ses tromperies constantes et tente à en prendre parti.

Sa pudeur est ironique et hypocrite à l'extrême. Lui-même pédophile, il s'horrifie de la culture des adolescents américains. Son anxiété persiste quelle que soit sa situation. Avant d'avoir la main mise sur Dolorès, il était rongé par l'idée de trouver un moyen de la molester. Sur la route avec elle, il passait son temps à réfléchir à des moyens de la distraire. Maintenant qu'ils se sont installés, il vit dans l'angoisse permanente d'être démasqué, ou qu'elle s'intéresse à un garçon.

Chapitre 9 et 10

Lorsqu'elle se lie d'amitié avec les filles de son école, il se réjouit de leur présence à la maison, estimant que sa beauté est renforcée par cet « essaim de demoiselles d'honneur ». Il qualifie de nymphette l'une d'entre elles, Eva Rosen.

Son amie la plus proche est Mona Dahl, une fille intelligente et expérimentée qui prétend avoir eu une relation amoureuse avec un marin. Il craint que Dolorès ne lui ait avoué quelque chose à propos de leur relation.

Cette dernière commence à le dédaigner, présumant qu'il recherche ses faveurs chaque fois qu'il s'approche d'elle et se montrant dégoûtée. Lorsqu'il se met à genoux pour lui caresser la jupe en implorant son affection, elle lui dit de la laisser tranquille et se moque de lui.

Analyse

L'inquiétude d'Humbert va au-delà de la simple jalousie, ou même de la peur que Dolorès s'échappe. Ce qu'il déteste le plus, c'est l'idée que quelqu'un d'autre puisse même la percevoir, qu'elle existe en dehors de son imagination.

Elle semble se rendre compte que ses jolies amies lui plaisent et cesse de ramener à la maison celles qu'il qualifie de « nymphettes », se rapprochant seulement de celles qui n'attirent pas Humbert. Bien que ce dernier se méfie de Mona, il tente de la manipuler pour extirper des informations sur sa fille.

Dans le chapitre 10, il se présente comme la victime, et Dolorès comme sa maîtresse cruelle. De cette façon, il présente ses viols et abus comme faisant partie d'un genre littéraire dans lequel un homme amoureux est maltraité par une bien-aimée hautaine.